2016 n’aura pas été facile à tous les niveaux, mais la scène musicale fut particulièrement affectée par son lot de disparitions. Ce fut néanmoins l’occasion de renouer avec plusieurs légendes sur scène (je me suis juré de ne plus laisser passer aucune occasion, question d’éviter d’autres surprises tragiques), mais aussi de tenter fort de regarder vers l’avenir en prêtant l’oreille à un maximum de nouveautés. Si mon top annuel 2016 évolue quotidiennement (j’assume mon incapacité à figer une telle liste dans le temps), l’année achève, alors je n’ai pas vraiment le choix de me lancer. Voici donc ce qui sera immortalisé, pour le meilleur et pour le pire.

10.5- Chocolat: Rencontrer Looloo

Parce qu’on ne sait jamais où les attendre (ou même s’il faut se permettre de les attendre, point), chaque retour de Chocolat est une bonne nouvelle. 2016 fut particulièrement concluant avec un album qui, s’il se voulait métal au moment de débuter les sessions, est devenu une épopée aussi ambiante que sci-fi/indie dont on ne se lasse tout simplement pas. Le groupe a développé une importante maturité musicale, mais surtout une cohésion entre eux plus que jamais apparente sur disque. Ne reste plus qu’à enfin découvrir comment le résultat se traduit sur scène avant la prochaine pause indéfinie.

10- PJ Harvey: The Hope Six Demolition Project

Cinq ans d’attente pour la suite de l’exceptionnel Let England Shake et ça sonne… relativement comme la suite logique. Parfait comme ça, c’est tout ce qu’il fallait. Construit au fil de nombreuses sessions artistiques improvisées, notamment en public dans un contexte muséal, le résultat est parfois un peu brouillon ou moins cohérent, mais surtout bon. Juste bon. Et c’est tout ce qui compte.

9- Islands: Should I Remain Here at Sea? / Taste

Si le talent de Nick Thorburn ne peut être mis en doute, son manque de constance est parfois un peu plus indéfendable. Alors quand il a annoncé deux nouveau albums simultanés de Islands, j’ai un peu roulé les yeux préemptivement. Surprise; les deux sont excellents. Should I Return to Sea renoue avec succès avec l’esthétique plus folk éclatée de l’excellent Return to the Sea (qui fêtait ses 10 ans cette année), tandis que Taste explore une fusion électro/rock un peu plus droit au but. Peut-être conquis par l’effet surprise, mais aussi par la nostalgie d’une décennie un peu plus naïve, je me suis laissé emporté par la vague et je suis revenu constamment au doublé en cours d’année.

8- The Men: Devil Music

Depuis ses débuts punk noise, The Men prenait un virage folk de plus en plus prononcé qui a culminé l’an dernier avec la parution d’un EP au titre très évocateur de… Campfire songs. Ne pouvant aller plus loin, le groupe a fait cette année un “full circle” pour renouer avec la hargne de ses débuts. Le résultat est un savant mélange du Stooges des beaux jours, de Dead Moon et de classic rock qui, s’il n’est pas le plus original, est oh combien efficace.

7- Shearwater: Jet Plane and Oxbow

Passés chez Sub Pop depuis deux albums, je n’attendais plus rien de la part de Shearwater depuis si longtemps, mais j’ai quand même tendu l’oreille par curiosité. Le résultat fut si au point que l’album joue encore, autant sur ma table tournante que dans mes oreilles lorsque le métro est immobilisé pendant trois heures. Le groupe a de plus décidé quelques mois plus tard de reprendre dans son intégralité le parfois sous estimé Lodger de Bowie, avant de lancer une énième tournée qui se terminera avec l’année. Une pertinence renouvelée.

6- Nicolas Jaar: Sirens

Après le succès planétaire de son travail en duo sous le nom Darkside, Nicolas Jaar est vite revenu à la vie sonore solo. Le résultat est probablement son oeuvre la plus ambiante, mais aussi la plus cohérente à ce jour. Sans contredit l’album le plus incontournable du genre cette année, créant une boucle continue qui permet enfin au temps de s’arrêter un peu.

5- Kanye West: The Life of Pablo

La débâcle entourant la sortie de l’album et ses nombreux changements de noms a été largement documentée, mais après toutes les complications, les différentes versions, la difficulté à ne serait-ce que trouver une source pour l’écouter, puis une fin d’année marquée par une chute toute aussi spectaculaire, ce que je choisis de retenir est que Kanye, qui s’était relativement peinturé dans le coin avec Yeezus, a su continuer à regarder vers l’avant en faisant paraitre un incroyable amalgame, entouré de collaborateurs au sommet de leur art. Il a couronné le tout d’une tournée absolument spectaculaire avec sa scène volante, un des effets les plus spectaculaires que j’ai pu voir de ma vie. Au passage, il a même su à quelques moments faire preuve d’un minimum d’auto-dérision, définitivement un miracle digne de Saint-Paul.

4- Kendrick Lamar: Untitled Unmastered

To Pimp A Butterfly ne laissait aucun doute que Kendrick règne maintenant seul au sommet de son art, mais cette parution aussi inattendue que soudaine de pièces restantes de ces sessions sont au moins aussi incontournables que le matériel initialement commercialisé. Un tour de force, livré aussi habilement que discrètement. Comme quoi parfois les plus gros ‘statements’ ne sont pas ceux que l’on crie. Deux incontournables en autant d’années pour celui qui trône désormais seul au sommet du hip hop, et même plus.

3- Nick Cave & The Bad Seeds: Skeleton Tree

Si la plupart des pièces étaient déjà composées et le studio réservé avant la mort tragique de son fils, chaque seconde de l’enregistrement ne est gravement teintée et le propos s’y prête tant qu’on ne peut que saisir la douleur à chaque tournant. Bref, un grand album de Nick Cave et une performance aussi effacée qu’indispensable des Bad Seeds. Plongez vous dans la plus belle expérience émotive de 2016 et soyez simplement prévenus que vous n’en ressortirez pas indemne.

2- Iggy Pop: Post Pop Depression

Le décès subit de David Bowie fut la pire façon de débuter l’année, mais en contre partie on a eu la chance d’assister à une forme de renaissance de son fidèle compagnon Iggy Pop. Josh Homme (Queens of the Stone Age) s’est donné comme mission de réhabiliter le pionnier du punk, en l’invitant d’abord à une session d’enregistrement puis en tournée en assemblant une équipe d’étoiles. Cette dernière misait en plus non seulement sur le nouveau matériel, mais sur le répertoire des deux premiers albums enregistrés à Berlin en compagnie de Bowie et qui n’ont pas pris une ride (Lust for Life et The Idiot). Le résultat fut probablement la version définitive de “China Girl”, rencontre parfaite au sommet de trois univers.

1- Preoccupations: Preoccupations

Trois noms en trois albums pour le groupe de Calgary qui baisse ici juste un peu le ton pour tout miser sur la force post-punk qui fut toujours latente. Les guitares sont plus mathématiques, les ambiances plus prononcées, l’énergie juste un peu plus contenue. On retient surtout de l’album qu’il faut se laisser complètement envelopper pour découvrir et apprécier les subtilités et suivre les mouvements, ce qui, fait rare en 2016, maximise pleinement le “replay value” intégral. À continuer d’écouter, mais aussi et surtout à revoir en show bien accompagné encore et encore.

0- Car Seat Headrest: Teens of Denial

Will Toledo a 21 ans et habite Seattle, deux choses me rendant relativement jaloux, mais pas autant que son indéniable talent précoce pour synthétiser les deux dernières décennies de musique indie rock et lo-fi. Ça lance dans toutes les directions, c’est parfois brouillon, ça s’étire (plusieurs pièces épiques dépassent les 7 minutes et changent de tempo au gré du vent), mais c’est inexplicablement toujours aussi cohérent que pertinent. Le digne porte étendard d’un genre qui n’avait pas connu de si beaux moments depuis les années de gloire de Pavement, Guided by Voices et Dinosaur Jr Sebadoh, un succès pour Matador en plus.

 

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