Cet article est le premier d’une série de deux sur le début des années 70 de Neil Young.

 

Paru en mars 1970, l’album « Déjà Vu » de Crosby, Stills, Nash & Young a connu un succès phénoménal, et la tournée qui l’a accompagné a été également couronnée de succès. Neil Young s’est ajouté au « supergroupe » et a cela a véritablement lancé sa carrière solo, pourtant bien amorcée avec un premier album convaincant, suivi du premier de plusieurs chefs-d’œuvre avec « Everybody Knows This Is Nowhere ». À peine revenu de cette tournée avec CSNY, Young s’est tout de suite lancé dans l’enregistrement de son troisième album solo. Sur un ton beaucoup plus intimiste que le précédent, « After the Gold Rush », paru en septembre 1970, marque un point tournant du mouvement des singer-songwriter. Neil Young a aussi signé un des ses meilleurs albums en carrière, même s’il n’était âgé à l’époque que de 24 ans.

La conception n’a toutefois pas été sans embûches. Young voulait initialement un son encore plus mordant que le précédent, accompagné à nouveau de son groupe proto-grunge Crazy Horse. Les problèmes de drogue du guitariste Danny Whitten (il succombera à une surdose en 1972) ont toutefois exaspéré Young, qui a fait appel à d’autres musiciens, dont Greg Reeves à la basse, Jack Nitzsche au piano et Nils Lofgren à la guitare et au piano. Stephen Stills, son camarade de CSNY et auparavant de Buffalo Springfield, a aussi participé à l’aventure. Une autre des particularités de cet album est le lieu de l’enregistrement, soit dans un studio dans le sous-sol de la maison de Neil Young, en Californie. La prise de son est tout de même excellente, avec une ambiance live qui sied plutôt bien à Young.

Plusieurs pièces de cet album montrent le côté vulnérable et fragile de Neil, se construisant une nouvelle image après son album précédent, où il y avait plein de distorsion et de longs solos de guitare électrique. Tell Me Why a des sonorités country-folk, avec deux guitares acoustiques sur lesquelles dansent la superbe mélodie et les harmonies vocales. Les paroles sont également brillantes : « Tell me why, tell me why / Is it hard to make arrangements with yourself / When you’re old enough to repay, but young enough to sell? ». Simple mais pourtant magnifique, Only Love Can Break Your Heart est également déchirante dans sa thématique autant que dans son interprétation, sentie et sincère.

Au tempo lent et saccadé, Don’t Let It Bring You Down décrit de manière imagée la misère urbaine, qui est le lot de plus en plus de citadins. La superbe chanson-titre est une allégorie mêlant plusieurs événements, dont un désastre écologique et l’arrivée d’extra-terrestres sur la Terre. Neil s’accompagne seul au piano, en plus d’un passage de cor français. Bien que mystérieux et métaphorique, ce morceau est certainement un des grands classiques de Neil Young. Ce dernier nous emmène tout en douceur dans un de ses rêves : « There was a band playing in my head / And I felt like getting high / I was thinking about what a friend had said / I was hoping it was a lie ».

À l’allure presque dramatique, Birds possède une force tranquille qui ne peut que nous envahir. Toujours sur le thème de l’amour déchu, I Believe In You amène Young dans une émotion vraiment intense, alors que sa voix est brisée par l’émotion à certains moments. Crazy Horse accompagne Neil tout en douceur, pour aller avec la fragilité du texte : « Coming to you at night / I see my questions / I feel my doubts / Wishing that maybe in a year or two / We could laugh and let it all out ».

Le groupe de Young est aussi présent sur l’excellente When You Dance I Can Really Love, au rythme beaucoup plus rapide que les autres chansons d’amour de l’album. On change de registre sur le classique Southern Man, alors que les sonorités rock sont à leur meilleur. Même si cette pièce aurait été plus à sa place sur « Everybody Knows This Is Nowhere », on ne peut bouder notre plaisir à l’écoute de ce petit brûlot, qui dénonce le racisme souvent systémique du Sud des États-Unis et le rôle du Ku Klux Klan dans cette dynamique. Le chant de Young est passionné et son solo de guitare est sans doute un de ses meilleurs en carrière. Southern Man et Alabama, sur le prochain album de Neil, pousseront Lynyrd Skynyrd à répondre à Young avec Sweet Home Alabama.

Cette époque surchargée pour Neil Young, avec sa participation à CSNY, a résulté en son meilleur album solo. Ses compositions sont presque parfaites, avec des mélodies accrocheuses, sans être trop faciles non plus. Il y a une simplicité dans sa musique et une authenticité dans son interprétation qui ont résulté en un grand classique. On peut le rattacher à l’âge d’or des singer-songwriter, en compagnie des James Taylor, Joni Mitchell et autres Carole King. « After the Gold Rush » est certainement un album important dans le développement de ce courant. Il est aussi imprégné de l’époque trouble, marquée notamment par les tueries de la « famille » Manson (Charles avait d’ailleurs fréquenté Neil quelques années auparavant, et ce dernier avait beaucoup aimé ses compositions…).

« After the Gold Rush » a finalement marqué la poussée commerciale et la consécration de Neil, sans doute aidées par la visibilité de l’album et de la tournée de CSNY. Opportuniste ou pas, Neil Young a surfé sur la vague que lui procurait cette immense tribune et a saisi sa chance. CSNY ou pas, « After the Gold Rush » reste un chef-d’œuvre, près de 48 ans après sa sortie. Neil Young avait dans l’idée de poursuivre sur sa lancée et de montrer que cet album n’était pas un coup de chance.

 

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NEIL YOUNG

After the Gold Rush

(Reprise, 1970)

 

-Genre : folk-rock

-Dans le même genre que Bob Dylan, Van Morrison, The Band et Jackson Browne

 

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NEIL YOUNG : La consécration
ORIGINALITÉ 90%
AUTHENTICITÉ 100%
ACCESSIBILITÉ 90%
DIRECTION ARTISTIQUE 100%
QUALITÉ MUSICALE 100%
TEXTES 95%
96%Overall Score
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.