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Comme avec certains autres artistes aux comportements extrêmes, plus grands que nature, j’ai une relation amour/haine avec Rachid Taha. Lorsqu’il est concis, concentré, culturel, il devient à mes yeux le plus grand musicien que le Maghreb ait produit depuis des décennies. Mais lorsqu’il joue à l’alcolo, qu’il montre ses fesses sur scène, qu’il est sur le party, il ne devient à mes yeux qu’un autre pantin rock’n’roll insignifiant. Jim Morrison et Arno nagent, pour moi, dans cette ambivalence constante. Entre le clair et l’obscur.

Avec son nouvel album « Zoom », Rachid Taha marque un grand coup. Le chanteur réussit à créer de très forts moments folk (l’excellente Wesh (N’Amal)) fortement teintés de sa culture (Zoom sur Oum). Lorsqu’il rocke, il le fait avec panache et modernité (Jamila) sans pour autant renier ses origines. Taha passe sans gêne ni malaise des éléments électro à l’oud (ce luth arabe), de la batterie programmée aux percussions arabes. Lorsqu’il invite Jeanne Added à chanter (en anglais) avec lui sur la reprise d’Elvis Now or Never (sur l’air d’O Sole Mio), c’est un joli mariage de culture qui se fait tout en douceur et sensualité, devant un rythme endiablé. Je ne sais pas ce qu’en pensent les puristes de musique arabe, mais d’un point de vue occidental qu’est le mien, il s’agit d’une belle réussite, respectueuse de genres respectifs. Le 13e album en carrière de Taha a été réalisé par l’Anglais Justin Adams, un mordu de musiques du monde, aussi guitariste de Robert Plant.

http://www.youtube.com/watch?v=gPbEyrO_oG4

http://www.youtube.com/watch?v=CRiYo36TXa0

Il y a quelques hymnes sur « Zoom » comme la pièce Fakir qui prendra probablement toute son ampleur sur scène. Personnellement, je préfère Taha plus « ramassé », mais reconnais que son énergie est populaire et accrocheuse. Sur Khalouni / Ya Oumri, il dépasse d’après moi les bornes avec une agressante mélodie aux claviers et, pire encore, l’utilisation de l’autotune. Le musicien aujourd’hui âgé de 54 ans a le talent de maîtriser plusieurs styles, comme ce country folk qu’est Ana, au refrain carrément oriental. Une intégration réussie!

Rachid Taha est né près d’Oran, en Algérie, en 1958. Sa famille émigre en France en 1968. Ils s’installent d’abord en Alsace, puis dans les Vosges. Enfant turbulent, le jeune Rachid sera envoyé chez les sœurs (!) par ses parents. Il s’initie aux les chansons d’Oum Kalsoum et revendique l’héritage de la grande artiste rebelle Cheikha Rimitti. À Lyon, en 1981, il fonde le groupe Carte de séjour qui marque par sa portée sociopolitique, prônant l’intégration et la tolérance envers les immigrés.

 

Il devient mondialement connu au début des années 2000 en revampant la musique algérienne d’un côté et en tissant un pont vers l’univers punk et rock’n’roll, reprenant avec grand éclat l’hymne Rock the Casbah des Clash qui plu énormément à Mick Jones. Ce dernier retourne la faveur en chantant le refrain d’Algerian Tango, un solide reggae en fin d’album et sur l’engagée et punchée Voilà Voilà, ça recommence, à laquelle participent des artistes aussi différents que Brian Eno, Camelia Jordana, Eric Cantona et Jones.

Un grand disque.

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Artiste : Rachid Taha
Album : Zoom
Étiquette : Naïve
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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.