Un concert de Marie-Jo Thério est toujours un événement. On sent l’effervescence d’un événement, mais plus proche de celle qui se manifeste quelques heures avant la rencontre d’une amie chère qu’on n’a pas vue depuis longtemps. Pas l’effervescence du buzz médiatique. Et c’est ce qui se passait dans la salle quelques minutes avant le début du concert, au Gésù. Pas une, ni deux, mais carrément trois fois en cinq minutes ai-je été témoin de rencontres entre anciens amis, qui se retrouvaient par hasard dans cette salle intimiste. Comme si « la gang de Marie-Jo » prenait forme. Elle s’était donnée rendez-vous pour retrouver Marie-Jo. L’une, avec sa blonde, retrouvait un copain musicien grisonnant, qui lui présentait sa nouvelle flamme. L’autre, dans la cinquantaine, racontait son opération au genou à venir à une amie de longue date qui prenait de ses nouvelles. Plusieurs couples aussi, enlacés, prêts à se laisser gâter par la généreuse artiste.

Puis, c’est assez rare, un concert de Marie-Jo Thério. La blonde acadienne au large sourire l’a souligné deux fois dans la soirée. « Ohh, ça faisait longtemps! Je suis contente de vous voir » s’est exclamée l’artiste si expressive et si sincère dès son entrée sur scène, au son des « On t’aime! » spontanés de ses fans, ou devrais-je dire amis, tellement on les sent proches de l’artiste.

Quiconque a déjà vu Marie-Jo Thério sait de quelle magie elle est capable. Cette fille a un immense talent, non seulement comme chanteuse (quelle voix, sérieusement!) et pianiste (quelle touche expressive), mais aussi une facilité à plonger dans ses chansons corps et âme, s’enivrant elle-même des situations qu’elle dépeint, embrassant les personnages qu’elle décrit. Elle habite sa musique comme peu d’artistes le font.

Thério a eu la bonne idée d’inviter deux autres artistes, pour célébrer la franco-folie dans tous ses accents : Arthur H puis Zachary Richard sont venus chanter avec la belle, chacun leur tour, créant une nouvelle magie.

Sa palette d’expression est immense. Marie-Jo Thério est capable de jouer la diva comme Diane Dufresne, la chanteuse comme Nina Simone, l’enfant comme La Souris verte et la mordante comme PJ Harvey. Oui, vous avez bien lu. Elle a tout cela en elle. Tenter de mettre d’autres mots sur la performance de cette belle artiste gâcherait le plaisir que vous aurez de la voir sur scène. Je vous recommande chaleureusement de l’attraper au prochain passage. Vous serez, comme moi, enivrés.

LE CHARME SOUS LA PLUIE

En ce premier vendredi des FrancoFolies, je voulais aussi voir les Français de Baden Baden qui jouaient à l’extérieur sur la scène, dès 22 heures. Dès le concert de Marie-Jo Thério terminé, j’ouvris le parapluie pour traverser le site, quand même assez achalandé dû au concert de Koriass qui s’achevait sur la grande scène.

Discrets (low profile, je dirais), mais tout de même investis dans leurs tristes chansons, les cinq gars de Baden Baden ont apprécié le courage du public montréalais qui les écoutait sous les lourdes gouttes de pluie. Un peu comme dans le clip de la chanson J’ai plongé dans le bruit, nous étions humides. Mais le spleen du chanteur Éric Javelle prenait tout son sens un soir de pluie. Sa tristesse n’en était qu’accentuée. Le band a livré une excellente prestation, pour leur première fois à Montréal. « On va s’en souvenir, nous a dit Javelle. Vous êtes là, sous la pluie, à nous écouter… merci Montréal ». Ça venait du cœur, autant que leurs chansons.

Il était temps de rentrer… mais la magie n’avait pas fini d’opérer…

Alors que je marchais sur la rue Ste-Catherine en direction ouest, je vois un couple qui s’embrasse tendrement, à l’angle de la rue Bleury, tout près de la Place-des-Arts. Il leur pleut sur la tête, mais ils ne semblent pas le sentir. C’est beau l’amour… me disais-je. Un ami du couple sort alors d’une des cabines de toilettes posées pour les festivaliers, les voit et s’exclame de joie (et un peu de surprise)! Les amoureux se retournent vers lui avec un beau sourire, des étoiles dans les yeux, ne touchant plus par terre… Le 3e leur baragouine quelque chose comme « wahh, c’est génial, euh, vous êtes ensemble, wow, c’est super beau » et il prend le gars avec vigueur, comme s’ils étaient des coéquipiers qui venaient de gagner la Coupe Stanley. Il est super content pour lui! Les deux s’empoignent, alors que la fille les regarde avec un grand sourire elle aussi, tourne des pieds, sans l’ombre d’un doute déjà sur un nuage après ce premier baiser, probablement touchée de la belle réaction spontanée de leur ami. Une belle scène de film se déroule sous mes yeux, sous la pluie, aux FrancoFolies.

« La prochaine fois, on n’attend pas aussi longtemps, ok? ». Tu peux en être sûre Marie-Jo. Quelle belle soirée.

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.