Cet article est le premier d’une série de deux sur le renouveau créatif des Beach Boys au début des années 70.

Rien n’allait plus pour les Beach Boys à la fin des années 60. Cette décennie avait été épuisante pour tous les membres du groupe, et particulièrement pour Brian Wilson, l’auteur-compositeur-réalisateur de génie. C’est principalement de son cerveau qu’étaient sortis les chef d’œuvre « Today! », « Pet Sounds » et « Smile ». Ce dernier projet avait toutefois été avorté en 1967, après plusieurs mois d’enregistrement. Des tensions internes et des pressions de la maison de disques avaient coupé l’inspiration de Brian (heureusement, « Smile » a été remanié en 2004 et ressuscité en 2011). Au lieu du magnum opus que devait être « Smile », le groupe a plutôt livré un « Smiley Smile » bien inférieur au projet initial. Ont ensuite suivi « Wild Honey », « Friends » et « 20/20 », qui ont été d’honnêtes efforts, mais qui n’ont pas eu l’énergie magique du groupe.

Brian Wilson était de plus en plus effacé et reclus. Pour preuve, la réalisation des albums, autrefois créditée à Brian, était maintenant attribuée au groupe au complet. Cela a tout de même eu pour effet positif de donner plus d’espace aux autres membres du groupe, dont les deux autres frères Wilson, le batteur Dennis et le guitariste Carl. Avec tous ces déboires, l’attrait commercial du groupe avait aussi grandement diminué. Cela a mené à des conflits avec Capitol Records : le groupe a même intenté des poursuites contre ce géant du disque. Les Beach Boys ont donc signé avec Reprise (Brian voulait d’ailleurs que The Beach Boys simplifient leur nom pour « The Beach »…). Les problèmes ont tout de même persisté, Reprise allant même jusqu’à refuser de faire paraître plusieurs albums suggérés par le groupe!

Ces interminables conflits ont donc fait en sorte que « Sunflower », le 16e album du groupe, est paru en août 1970, après plus de 19 mois d’enregistrement. L’attente en aura tout de même valu la peine, puisque « Sunflower » est l’un des meilleurs albums de toute la discographie des Beach Boys. Pour la première fois depuis « Pet Sounds », soit quatre longues années, on sent que cet album a une réelle direction artistique et une cohésion, malgré la disparité. Cette homogénéité provient de la fusion des fortes personnalités des membres du groupe, mises en commun afin d’obtenir un projet artistique qui met de l’avant les forces de chacun. Si cet album n’a pas ramené le succès commercial escompté, il est au moins parvenu à rétablir l’identité artistique du groupe.
Voici d’ailleurs une sélection de chansons de l’album.

Dennis Wilson s’impose de plus en plus comme une importante force créative, après avoir frayé brièvement avec Charles Manson (Dennis avait d’ailleurs enregistré une composition de ce dernier, Never Learn Not to Love, sur « 20/20 », dont il avait toutefois repris le crédit). Il a écrit ou coécrit quatre des 12 chansons de l’album. La plus réussie du lot est certainement la magnifique Forever, qui est l’une des plus belles chansons d’amour jamais écrites. La sérénité et l’authenticité en font presque une prière. Slip On Through et Got To Know The Woman sont de dynamiques pièces avec une saveur rhythm and blues. Avec un rythme à la Motown, It’s About Time (chantée par Carl) est très réussie.

Même si les autres membres ont pris beaucoup de gallon depuis « Pet Sounds » et « Smile », Brian Wilson est très présent. Il a écrit ou coécrit sept pièces sur le disque. Son talent mélodique est intact sur le petit bijou qu’est This Whole World. Cette dernière est chantée avec la voix angélique de Carl et est soutenue par de brillantes harmonies vocales. La très belle Add Some Music To Your Day contient une des rares apparitions de Mike Love au chant principal, lui qui était pourtant à l’avant-plan à l’époque des chansons de filles, d’autos et de surf. La très décontractée All I Wanna Do se démarque aussi par la beauté de sa mélodie et la qualité de sa réalisation. Des couches d’instrumentation et de voix donnent un aspect psychédélique et planant à ce chef-d’œuvre. Également légère et apaisante, Cool, Cool Water est construite comme une suite plutôt expérimentale.

Carl Wilson livre aussi une excellente prestation vocale sur la superbe Our Sweet Love. Simple mais très charmante, At My Window prend un sujet anodin (regarder un oiseau à la fenêtre) pour en faire presque une autre prière. Sur cette pièce, le chant principal est confié à Bruce Johnston. Ce dernier prend de plus en plus sa place, et compose même deux chansons sur l’album. Sa sensibilité sunshine pop s’insère très bien au groupe, alors qu’il fournit deux belles pièces en Deirdre et Tears In The Morning.

Après quelques années en demi-teinte, les Beach Boys sont donc revenus avec un de leurs meilleurs opus. « Sunflower » est un album riche et diversifié, mais avec une singulière cohésion, née de ce groupe unique. Même rongés par les divisions, les guerres d’égo, la jalousie inhérente au succès, les Beach Boys ont pu rassembler leurs forces pour produire un album intemporel et inoubliable. Avant d’amorcer un inévitable et inexorable déclin après ce bref renouveau artistique, les Beach Boys avaient toutefois un autre excellent album à nous livrer.

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beach boys sunflower
THE BEACH BOYS
Sunflower
(Brother Records, 1970)

-Genre : rock sophistiqué
-Dans le même genre que The Beatles, The Association et The Left Banke

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THE BEACH BOYS : La cohésion dans la disparité
ORIGINALITÉ 85%
AUTHENTICITÉ 95%
ACCESSIBILITÉ 90%
DIRECTION ARTISTIQUE100%
QUALITÉ MUSICALE95%
TEXTES 90%
93%Overall Score
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.