Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concerts, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues en profondeur avec les artisans passionnés de la musique. Cette semaine, rencontrons… MARC-ANDRÉ LAPORTE PRÉSENTATION Quel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant? Marc-André Laporte. Ancien animateur radio et directeur marketing à CISM pendant 5 ans, aujourd’hui je suis auteur, conférencier et formateur pour donnetamusique.com et directeur marketing chez URBANIA. Je gravite autour de l’industrie de la musique depuis une décennie. Né à Laval, maintenant à Montréal. Qu’est-ce que Donnetamusique? D’où vient l’idée? Donnetamusique.com était au départ un blogue sur le marketing musical. D’année en année, c’est devenu 4 livres, des conférences, ateliers et formations dans le pays où je discute de marketing avec des artistes. L’industrie de la musique ne va pas bien c’est vrai, mais il n’a jamais eu un meilleur moment pour être musicien autonome. La démocratisation de l’art, le Web, la technologie font que l’artiste à tous les outils. Le défi est maintenant différent, c’est de se faire remarquer, car nous sommes maintenant dans une économie de l’attention. Et le marketing, il sert à ça. Quand avez-vous commencé à travailler dans l’industrie musicale? 2005. J’animais à la radio et je gagnais ma vie en faisant de la réplication de CD pour les artistes indépendants. La réplication c’est comme de la duplication, mais en chaine de montage plutôt qu’avec des brûleurs de CD. Quel est votre meilleur souvenir de vos 5 années chez CISM? J’ai eu la chance dans ma carrière de choisir mes emplois en fonction de mes valeurs. Comme c’est le cas avec URBANIA en ce moment, à CISM je me levais le matin et je rentrais au boulot pour changer le monde, pas pour travailler 40h avant d’arriver au week-end. Ce sont des médias qui ont raison d’exister. Ils apportent du bon, de la qualité et du bonheur aux gens. Mon meilleur souvenir est qu’en 5 ans à CISM, les vendredis sont arrivés trop vites chaque semaine. Quand avez-vous commencé à aimer la musique? Je suis rentré profondément dans la culture hip-hop en 1994 au tout début de mon secondaire. À 20 ans, quel était votre rêve? C’était probablement de travailler à Musique Plus ou d’être musicien. Avez-vous été musicien/enne? Racontez-nous votre carrière. J’ai bisouné des trucs. Rien d’important. SUR L’INDUSTRIE MUSICALE En vivez-vous? Le marketing général est ma principalement source de revenus. Le marketing de créatif est ma deuxième source de revenus. Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver? Il est possible de gagner sa vie dans l’industrie de la musique, mais il faut travailler plus fort que dans plusieurs domaines, car la matière première de cette belle industrie est facilement réplicable. Le jeune ado qui télécharge illégalement un album ne volerait jamais une pomme dans une fruiterie. Ça demande donc de la détermination et de l’originalité. Quelle(s) rencontre(s) a(ont) été déterminante(s) dans votre carrière dans l’industrie musicale? Les centaines d’artistes passionnés que j’aie pu croiser à CISM. Aussi Seth Godin qui m’a été utile sur certains projets et Tom Silverman, fondateur de Tommy boy Records, dont on peut lire sur la carte d’affaires « Help Us Build A million Dollars Business Industry » . Voici une entrevue avec M. Silverman datant de 2010. Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle? Avoir le sentiment d’aider les gens, de trouver des solutions, de partager ma passion. Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui? Parfois je trouve qu’avoir trop de choix ce n’est pas si intéressant. Avec le concept de la longue traine et le web, on a accès à une quantité quasi illimitée de musique et ça arrive souvent que les consommateurs ne donnent pas de deuxième chance à une écoute. Parfois, j’aimerais revenir au moment où j’achetais une cassette que j’écoutais pendant tout un mois et que je connaissais cœur. Mais bon, ça me passe. Quel grand rêve n’avez-vous pas encore accompli? Allez donner une formation en France. Beaucoup de mon lectorat est Français. Ils ont tenté à plusieurs reprises de m’inviter, mais à chaque fois ce fût un échec. Peut-être que je faisais mal ma conversion Euro/CAN quand je demandais mon cachet. Crédit photo: Jean-Michael Seminaro (Baron Mag) Le vinyle, la cassette, le CD ou le digital? Le vinyle. Pas pour la qualité sonore (trop souvent c’est un effet placebo), mais pour la routine qui se crée entre l’auditeur et la musique. Le disque vinyle demande un investissement de la part de la personne qui l’écoute. Déballer l’album, conserver son plastique protecteur, extraire le disque, ne pas mettre ses doigts dessus, retirer la statique avec une brosse, déposer l’aiguille… Le vinyle demande d’être attentif. Si je cuisine et que je sais que j’arrive à la fin d’un côté, je me lave les mains au dernier couplet pour être certain d’arriver devant la table-tournante dès que la dernière note se fait entendre. C’est comme danser le tango avec mes musiciens préférés. La musique est-elle vraiment meilleure sur vinyle? Au final, elle l’est peut-être, mais pour ça, ça prend le récepteur et les haut-parleurs pour faire la job. Ce n’est pas avec une table-tournante à 100$ du Urban Outfitters que l’expérience audiophile sera à son meilleur. SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE Vos styles de musique préférés? Est-ce que ç’a toujours été le cas dans votre vie? J’ai débuté mon adolescence dans le golden age du hip-hop. Ensuite mes oreilles se sont ouvertes à tous les styles musicaux. Je me suis rendu compte récemment que j’avais un faible pour les chanteurs à voix aiguë et l’inverse chez les chanteuses. Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus). Impossible pour moi de faire des tops 10 annuels, donc impossible de répondre à cette question. Probablement que mon meilleur album à vie est Hospice de The Antlers. Une partie de mon âme brûle à chaque écoute encore aujourd’hui. J’ai une relation spéciale avec Nils Frahm et Olafur Arnalds quand j’ai besoin de m’étendre, avec RJD2 quand j’ai besoin de courir, avec Keaton Henson quand j’ai besoin de penser à ma blonde, avec le rap français des années 90 quand j’ai besoin d’être nostalgique. Playlist! Quel est l’artiste le plus sympathique que vous ayez rencontré? Je suis allé voir IAM à NY il y a quelques semaines et j’ai passé un peu de temps avec eux. C’était leur première tournée américaine en 30 ans de carrière. C’était beau de voir 16 personnes, principalement âgé dans la 40aine et dans la 50aine, avoir du plaisir comme des gamins comme s’ils réalisaient un rêve d’enfant. Je donne le point de la sympathie à toute l’équipe qui se suit depuis toutes ces années. Marc-André entouré de certains membres d’IAM Qu’est-ce qui rend un artiste désagréable? Trop souvent, cette attitude de rock star désagréable n’a pas sa raison d’être. Les gens devraient s’inspirer d’un groupe comme Half Moon Run, qui à chaque prestation sur scène, rit, sourit, semble s’amuser et avoir du plaisir. Qui aimeriez-vous rencontrer? Leonard Cohen. J’ai trois questions pour lui. Seul lui pourra savoir de quoi il s’agit. Merci Marc-André! Suivez les nouveaux projets de Marc-André Laporte sur le site d’URBANIA Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments