OLIVER JONES passe le flambeau Benoit Bergeron 2015/07/06 Concerts, Genres, Photos Le vénérable Oliver Jones passait le flambeau en ce dimanche soir de fin de Festival de Jazz. À la salle Ludger-Duvernay du Monument-National, Jones était accompagné de Matt Herskowitz, John Roney et Julie Lamontagne, trois autres « caméléons ». En début de spectacle, l’homme de 80 ans nous a dit avoir eu trois coups de pouce majeurs dans sa vie professionnelle : le Festival de Jazz de Montréal, le bassiste Charlie Biddle (aussi propriétaire de bar) et Jim West (fondateur de Justin Time Records). Lui aussi tenait maintenant à aider la relève. Il voulait nous faire découvrir ces pianistes qui n’ont peut-être pas encore eu la chance qu’il a pu avoir, mais qui ont un immense talent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces pianistes ont été à la hauteur des compliments d’Oliver Jones. Le projet des « Pianos caméléons » date en fait de deux ans, et a été imaginé par Oliver Esmonde-White, un technicien spécialisé dans l’assemblage et la réparation de pianos. Matt Herskowitz et John Roney promènent ce spectacle depuis environ deux ans. Ils s’amusent à réinventer des mélodies classiques pour deux pianos, avec influences de jazz, improvisations et virtuosité en prime. L’idée est géniale, susceptible d’attirer autant les amateurs de musique classique que ceux de jazz. Herskowitz et Roney ont ainsi invité Oliver Jones et Julie Lamontagne dans ce grand moment de partage et de communion. Voici d’ailleurs un aperçu du projet des « Pianos caméléons ». Oliver Jones agissait en quelque sorte à titre d’animateur. Le maître n’a pas déçu, et a su tenir son bout face à ces jeunes loups. Il a offert la première pièce, très jazzy, seul au piano. Sa touche est encore superbe, toujours très vigoureuse, fluide et rythmée. Il a ensuite notamment participé à une très drôle « course à relais » : les quatre pianistes alternaient aux deux pianos, échangeant de manière énergique de brillants thèmes. Les huit mains se sont finalement retrouvées sur le piano! Julie Lamontagne semble pratiquement être sa fille spirituelle. Sa profonde affection pour l’homme et le pianiste est avouée, de même que l’influence décisive qu’il a eu sur sa carrière musicale. Elle nous a raconté que c’est lors d’un brunch musical à Orford qu’elle a découvert le jazz, grâce à Oliver Jones. Après l’avoir entendu jouer, elle s’est dit que le jazz était pour elle, même si elle se dirigeait vers une carrière de pianiste classique. Lamontagne a pu montrer sa très bonne technique et son doigté agile. On a pu l’entendre interpréter, entre autres, des extraits du Concerto no. 2 de Rachmaninov, arrangé pour deux pianos (avec Roney), et du Concerto de Grieg (avec Herskowitz). Pour leur part, les deux caméléons originaux, Herskowitz et Roney, ont joué des pièces de haute voltige. Ils ont été époustouflants tout du long, et on sent que l’hybride entre le jazz et le classique est hautement accompli. La Sonate no. 8 de Beethoven, dite « Pathétique », devient à un certain moment presque un blues, voire un boogie-woogie! Les ornementations jazzistiques sont impressionnantes, demandant une grande virtuosité et démontrant une grande maîtrise du répertoire classique et des codes de la musique jazz. Pendant que l’un joue le thème principal (souvent plus classique), l’autre pianiste brode autour de puissantes mélodies dans un moule plus jazz. Le métissage devient complet, voire confondant. Les « Pianos caméléons » avaient donc deux invités de marque en Oliver Jones et Julie Lamontagne. L’échange, le partage et le don de soi dont ont fait preuve chacun de ces quatre instrumentistes de grand talent étaient beaux à voir. Leur prestation respirait l’authenticité et le plaisir du moment présent. Oliver Jones semblait particulièrement apprécier ce moment. Rendu au crépuscule de sa vie, il a pu constater que la relève est là, prête à continuer le travail qu’il accomplit depuis 75 ans. On ne pouvait que partager son bonheur. Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments