Avec un titre comme “Goodbye to Language” (adieu langage), et la réputation de magicien du son qu’il porte depuis des décennies, le nouvel album du grand Daniel Lanois ne pouvait être qu’instrumental. Après l’épopée soul rock de la formation Black Dub, et la réalisation du meilleur album canadien de l’année (“Le Noise” de Neil Young, de 2010), Lanois retrouve sur son 18e album ses premières amours et puise dans son arsenal de sons pour y illustrer son monde imaginaire, en solo.

Lanois n’est pas complètement seul sur ces douze nouveaux titres. Son collaborateur Rocco DeLuca, excellent joueur de lap steel californien, dont le père était accompagnateur de Bo Diddley.

Rooco DeLuca et Lanois, 2016

Rooco DeLuca et Lanois, 2016

“Goodbye to Language” est le type d’album qui permet à l’esprit de vagabonder, de relaxer. La grande force créative de Lanois l’empêche toutefois de produire une muzak de spa. Heureusement. Si des morceaux tels Low Sudden, qui ouvre l’album, sont assez soyeux, d’autres comportent des contre-courants qui gardent les oreilles bien allumées. Dans Time On, quelques effets de guitares qui semblent jouer à l’envers titillent et ramènent au moment présent. Sur Deconstruction, un fond de puissantes guitares électriques tapisse l’espace sonore sans jamais agresser, mais en montrant quand même pas mal de caractère. En fin d’opus, c’est un collage d’ambiances qui forment le magistral morceau Later That Night.

 

Chaque fois que j’entends Daniel Lanois créer des espaces sonores, je rêve à la vie que j’aurais aimé avoir: celle d’explorateur musical. Plonger tête basse dans la musique, dans le son, me saouler de moments forts, me vautrer dans les multiples couches d’instruments qui forment un tout, comme sur le morceau intitulé Satie sur “Goodbye to Language”, mené par une lourde ligne de basse. Lorsque la magie prend forme, la musique est un puissant outil qui amène le cerveau complètement ailleurs. Ah, si ça avait pu être une façon de gagner ma vie…

Plusieurs morceaux sont assez brefs. Moins de trois minutes pour les envoutantes Three Hills et Heavy Sun, qui se suivent en milieu d’œuvre et carrément moins de deux minutes pour trois des cinq derniers morceaux du disque. Ce sont de courtes vignettes. Lanois n’étire pas la sauce inutilement, bien que parfois, comme durant East Side, on aimerait rester plongés dans cette mer de son un brin plus longtemps. La brève The Cave sonne un peu comme certains moments planants que David Gilmour crée avec ou sans Pink Floyd.

C’est un magnifique voyage que Lanois nous propose sur ce 18e album solo de sa riche carrière qui l’a vu devenir l’un des artisans sonores les plus importants du rock. Ses collaborations avec U2 sur “The Unforgettable Fire” (1984) puis “The Joshua Tree” (méga succès de 1987), Peter Gabriel, Bob Dylan, les Neville Brothers, Neil Young, Brian Eno, Brian Blade, Sinéad O’Connor, Emmylou Harris et Ron Sexsmith l’ont élevé au rang des grands musiciens des trente dernières années.

Lanois nous parle ici de l’album “Achtung Baby” de U2, qu’il a réalisé.

 

Et ici, il évoque la création de “Oh Mercy” de Bob Dylan.

 

Il va sans dire qu’un album de la qualité de “Goodbye to Language” doit être écouté sur un équipement haut de gamme (ou sous casque haut de gamme) et dans un moment entièrement dévoué à l’écoute pour être réellement apprécié.

« Goodbye to Language » parait demain, 9 septembre 2016.

daniel lanois goodbye to language

DANIEL LANOIS / ROCCO DELUCA
Goodbye to Language
(Anti-, 2016)

-Genre: ambiant
-Dans le même genre que Brian Eno, Ry Cooder, Pink Floyd/David Gilmour

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.