La vie peut être stressante. Le boulot a ses moments d’exaspération, les relations amoureuses peuvent être difficiles et le quotidien a son lot de défis, peu importe sa situation. Je ne connais pas beaucoup de monde qui peut prétendre ne pas être préoccupé par quelque chose qui les gruge ou au moins qui les fatigue.

Le seul remède naturel, biologique et sans conséquence à long terme ni effets secondaires que j’ai identifié est le reggae. Cette musique qui vient du coeur berce littéralement l’auditeur qui n’a rien d’autre à faire que se laisser aller au rythme répétitif typique du reggae. Ça enivre doucement, que l’on suive la ligne de basse ou la mélodie.

Bob, mais aussi les autres

Il y a Bob Marley, bien sûr, dont le répertoire est pratiquement sans faille et la stature immense dans l’Histoire de la musique. Il y a Jimmy Cliff et Peter Tosh, mais en plongeant un peu plus loin dans les joyaux que la Jamaïque (principalement) a à offrir comme talents, on découvre d’autres bands incontournables comme Burning Spear, The Congos, l’original Lee “Scratch” Perry et bien d’autres qui ont mené des carrières souvent inégales, pour toutes sortes de raisons. Je vous invite aujourd’hui dans l’univers des Abyssinians, en m’attardant à leur album de 1976, “Satta Massagana”, considéré comme l’un des albums classiques du mouvement « roots reggae ».

Abyssinians_1976

 

Dans les années 1973 à 75, le reggae arrive à un point tournant de son existence: l’ingénieur anglais Chris Blackwell lance plusieurs artistes, dont Bob, sur la fameuse étiquette Island Records, puis la superstar Eric Clapton atteint le #1 des palmarès avec une reprise quasi intégrale d’I Shot the Sheriff. L’émergence de Bob Marley débute là, suivie des Gladiators, de Black Uhuru et d’autres qui perceront au niveau international, comme Gregory Isaacs, John Holt, Dennis Brown…

L’harmonie, le temps que ça dure

En bons rastafaris, les gars des Abyssinians prêchent l’amour de Jah, et même de ne pas attendre à demain pour joindre le mouvement, car on ne sait jamais de quoi est fait l’avenir (Know Jah Today). Ils utilisent beaucoup d’instruments riches. Des cuivres et même de la flûte traversière peuvent être entendus sur Black Man’s Strain. Les chanteurs Bernard Collins, Donald et Lynford Manning se spécialisent dans les harmonies vocales, dont on peut apprécier le jeu sur chacune de leurs chansons. Le talent vocal est évident sur la sensible I and I et les mélodies efficaces tout au long de l’album (African Race).

 

Le duo Sly Dunbar & Robbie Shakespear qui a servi tant d’excellents enregistrements de reggae à travers le temps est présent, à la batterie et la basse, respectivement, tout comme les légendes Earl « Chinna » Smith à la guitare (un Wailer en 1976, puis avec le Spul Syndicate), Tyrone Downie aux claviers (aussi chez Bob dès ’76 puis un régulier autour de Black Uhuru, Buju Banton, Peter Tosh, Junior Reid, Tom Tom Club, Ian Dury, Burning Spear, Steel Pulse, Alpha Blondy et plus récemment Tiken Jah Fakoly et Youssou N’Dour), Mickey Chung, multi-instrumentiste qui a prêté son talent aux plus grands, de Gainsbourg à James Brown, en passant par les Stones et ses concitoyens Tosh ou Perry.

Le coréalisateur de l’enregistrement original, Clive Hunt, y joue des claviers, les cuivres et la flûte, et sera au cœur d’une controverse avec le groupe lorsqu’il lancera des versions de cet album bien qu’ayant vendu la bande maîtresse au groupe.

 

L’album “Satta Massagana” tel qu’on l’entend ici semble être une version “américaine” qui regroupe les principaux succès du groupe. Paru en 1976 sur étiquette Jam Sounds, il inclut des titres parus dès 1971. Il est également possible que plusieurs chansons n’aient parues qu’en singles à l’époque. Le tout fut enregistré aux célèbres studios de Harry J. Studio & Joe Gibbs, à Kingston, en Jamaïque.

On ne reconnait que deux albums studio aux Abyssinians dans leur page Wikipédia, soit celui-ci et “Arise” de 1978, avant leur retour en 1998 avec le bien nommé “Reunion”. On compte par contre 7 albums compilation et un enregistré en concert, paru en 2002.

Un peu d’histoire

La formation de The Abyssinians date de 1968 alors que Bernard Collins et Donald Manning unirent leurs voix. Ils sont rapidement rejoints par Lynford Manning, frère de Donald, qui jouait auparavant dans le groupe de leur autre frère, Carlton. Leur toute première chanson, Satta Massagana, devient un hit majeur en 1971. Comme c’est souvent le cas avec les artistes jamaïcains de cette époque, plusieurs versions (dub ou remix) paraissent, par différents réalisateurs. Collins va faire son chemin seul durant les années 80 et c’est le frangin Carlton qui le remplacera, avant que le groupe cesse ses activités en 1979, pour éventuellement reformer les légendaires Abyssinians en 1998, avant que Collins ne quitte de nouveau l’année suivante.

 

 

Abyssinians-Sattamassagana1976

THE ABYSSINIANS
Satta Massagana
(Jam Sounds, 1976)

-Genre: roots reggae
-Dans le même style que les premiers albums de Black Uhuru ou de Bob Marley avec Peter Tosh

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.