Le prolifique auteur-compositeur-interprète Arthur H est venu nous présenter son dixième album en carrière, le très cool « Baba Love » lors de l’édition 2012 de Pop Montréal. Higelin Junior n’a jamais fait de mauvais disque; il en a même pondu des brillants. Au départ, il faisait plutôt de la “chanson jazz” (rappelez-vous Con comme la lune et le Bachibouzouk Band au début des années 90), il a viré plus pop (Est-ce que tu aimes?, en duo avec -M-, dont le clip s’est mérité un prix Victoire de la musique en 2009) voire carrément disco (New York City, issue de l’album L’homme du monde), un élément dont il profite pour faire décoller ses concerts, qui ne sont pourtant jamais ennuyants. “Baba Love” est peut-être le meilleur album de H depuis le magnifique “Adieu tristesse”, qui avait donné le ton de sa plus récente phase, plus pop. H a une belle voix de crooner quand il veut bien s’élancer, comme sur La beauté de l’amour, une bonne pièce soul pop qui compte sur la participation de sa sœur, la chanteuse Izia. Sa riche voix grave est également un élément fort et distinctif qu’il a toujours mis de l’avant, se rapprochant parfois pas mal de son père spirituel, Serge Gainsbourg. Les artistes de son calibre sont assez rares dans le paysage francophone: Arthur H a un bon succès populaire (ses salles sont toujours bien remplies à Montréal) et appréciation critique. Sans jamais vendre son âme, il réussit à ratisser large. Sur Baba Love, en plus des airs dynamiques, entraînants et accrocheurs dès la première écoute (Cheval de feu, Ulysse et Calypso), Arthur H se permet de plus grands arias, ce qui donne des moments plus planants comme Dis-moi tout, où il chante magnifiquement, en français, en anglais et en espagnol (je crois). Peut-être pas le type de chanson qui est pertinente à tout moment mais définitivement une belle maîtrise d’un genre qui n’était pas naturellement le sien. Photo: Richard Gamba Le clou est de cet album est la pièce Prendre corps, un magnifique poème tout en sensualité du poète roumain Ghérasim Luca, qui s’est suicidé en 1994 en se jetant dans la Seine. L’artiste avait très mal pris de se faire expulser de son appartement parisien déclaré insalubre. Il y vivait, sans papiers, durant 40 ans. Je me permets de vous transcrire le texte intégralement, pour mieux suivre avec le clip YouTube ci-dessous. Tu me flore, je te faune Je te peau, je te porte, et te fenêtre Tu m’os, tu m’océan, tu m’audace, tu me météorite Je te clé d’or, je t’extraordinaire, tu me paroxysme Tu me paroxysme, et me paradoxe Je te clavecin, tu me silencieusement, tu me miroir, et je te montre Tu me mirage, tu m’oasis, tu m’oiseau, tu m’insecte, tu me cataracte Je te lune, tu me nuage, tu me marée haute, je te transparente Tu me pénombre, tu me translucides, tu me château vide, tu me labyrinthe Tu me parallaxe, et me parabole, tu me debout, et couché, tu m’oblique Je t’équinoxe, je te poète, tu me danse, je te particulier Tu me perpendiculaire, et sous-pente, tu me visible, tu me silhouette Tu m’infiniment, tu m’indivisible, tu m’ironie Je te fragile, je t’ardente, je te phonétiquement, tu me hiéroglyphe Tu m’espace, tu me cascade, je te cascade à mon tour, mais toi tu me fluide Tu m’étoile filante, tu me volcanique, nous nous pulvérisable Nous nous scandaleusement, jour et nuit, nous nous aujourd’hui même, tu me tangente Je te concentrique, concentrique Tu me soluble, tu m’insoluble, en m’asphyxiant et me libératrice Tu me pulsatrice, pulsatrice Tu me vertige, tu m’extase, tu me passionnément, tu m’absolu, je t’absente, tu m’absurde Je te narine, je te chevelure, je te hanche, tu me hantes Je te poitrine, je buste ta poitrine, puis te visage, je te corsage Tu m’odeur, tu me vertige, tu glisses, je te cuisse, je te caresse Je te frissonne, tu m’enjambes, tu m’insupportable, je t’amazone Je te gorge, je te ventre, je te jupe, je te jarretelle, je te bas Je te Bach, oui je te Bach, pour clavecin sein et flûte Je tremblante, tu me séduis, tu m’absorbe, je te dispute Je te risque, je te grimpe, tu me frôles Je te nage, mais toi tu me tourbillonnes Tu m’effleures, tu me cernes, tu me chair, cuir, peau, et morsure Tu me slip noir, tu me ballerine rouge Et quand tu ne hauts-talons pas mes sens, tu les crocodile, tu les phoque, tu les fascines Tu me couvres, je te découvre, je t’invente, parfois tu te livres Tu me lèvre humide, je te délivre, je te délire, tu me délires et passionnes Je t’épaule, je te vertèbre, je te cheville, je te cil et pupille Et si je n’omoplate pas avant mes poumons, même à distance, tu m’aisselle Je te respire, jour et nuit je te respire Je te bouche, je te balaie, je te dent, je te griffe Je te vulve, je te paupière, je te haleine, je t’aine Je te sens, je te cou, je te mollet, je te certitude Je te joue, et te veine Je te mât, je te sueur, je te langue, je te nuque Je te navigue, je t’ombre, je te corps, et te fantôme Je te rétine dans mon souffle, tu t’iris Je t’écris, tu me penses Magnifique, n’est-ce pas? Arthur H est un artiste à albums : on n’aime pas nécessairement une chanson en particulier, mais plutôt écouter un album en entier. Celui-ci en est un bon, je vous le recommande chaleureusement. ARTHUR H Baba Love (Polydor, 2o12) Lien vers achat en ligne (iTunes) Devenez fan d’Arthur H sur Facebook. Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments