Audrey Emery est une jeune musicienne montréalaise qui a vécu aux Îles-de-la-Madeleine et dans les Laurentides. Elle a débuté en folk (en anglais), puis a étudié le chant jazz et la composition électroacoustique. Au fil des collaborations au cœur des années 2000, elle trouve sa voix dans une ambiance soul sensuelle, à la Erykah Badu. En janvier 2014, Audrey Emery lançait « La couleur des jours », un EP de cinq titres dont nous vous parlions ici. En février 2016, nous la retrouvons… en Chine! RREVERB: Bonjour Audrey! Comment vas-tu et depuis quand es-tu en Chine? AUDREY EMERY: Je vais merveilleusement bien ! La vie se déroule bien ici. Je suis vraiment en train de faire une belle rencontre culturelle, ici. Je suis arrivée le 27 décembre 2015. RR: Comment t’es-tu rendue à Chine, qu’est-ce qui t’a amenée là? AE: Enfin, je suis rendue à Chengdu. C’est mon agente Blanche Servenay de Bobine et Musique qui a pensé à moi en voyant passer une demande pour une pianiste/chanteuse dans un hôtel 5 étoiles en Chine. Elle m’a appelée et m’a tout de suite demandé si partir en Asie pendant 6 mois pouvait être un projet intéressant pour moi. J’ai dû penser un gros deux minutes, puis je lui ai dit oui ! hehe Je voyais bien l’apprentissage et le bagage que j’allais retirer de ce type d’expérience. J’avais envie d’aventure, de vivre autre chose, de me surpasser, de développer une rapidité d’apprentissage et d’exécution musicales. Puis humainement parlant, rencontrer du nouveau, une autre culture, voyager… oui, ça me disait vraiment de partir ! Ça me disait tellement de revisiter cet état d’esprit qu’est le voyage : le lâcher-prise et la liberté. Ce voyage, c’est comme une école qui me permet de faire évoluer mon jeu pianistique et ma voix tout en étant une école de vie, de soi, de l’autre. Ce qui est fabuleux du voyage, c’est que la rencontre en est une à deux sens, amplifiée. L’autre bien sûr, mais soi aussi, beaucoup soi. Notre mode d’emploi. On s’apprend tous les jours. RR: Avais-tu une prédisposition pour la Chine? Était-ce un de tes buts ou rêves d’y aller? T’imaginais-tu un jour être en Chine pour chanter? AE: Pas du tout en fait ! Étonnamment, ma mère en a toujours rêvé, mais de mon côté, je n’avais jamais pensé m’y retrouver à jouer 6 jours/semaine pendant 6 mois entre 4 et 5 sets par soir. En toute honnêteté, je m’inquiétais un peu à savoir si j’allais bien m’y sentir à cause de la pollution et de la différence culturelle. Bon pour la pollution, j’ai vraiment dû m’adapter, mais pour la rencontre humaine… wow ! Je suis drôlement choyée et bien entourée ici et je suis vraiment atterrie dans la bonne ville. Chengdu est pas mal la ville la plus relaxe qui existe en Chine, il y a ici un réel désir de qualité de vie qui se voit moins dans les autres grandes villes du pays. Je fais ici de superbes rencontres… Ce sont vraiment des gens de cœur. Puis pour ce qui est des différences culturelles, je me dis en moi-même qu’on est partout pareil qu’on a juste des modes d’emploi différents. Deux cultures, c’est deux personnes qui se rencontrent. Faut juste trouver le comment s’approcher, comment se rejoindre. Et avec du coeur, on y arrive toujours. RR: Ta musique sur « La couleur des jours » est très sensuelle. Comment les Chinois réagissent-ils à ta sensualité? Y a-t-il un choc culturel? As-tu dû adapter ta musique? AE: En fait, ils adorent, j’ai de superbes commentaires. Il n’y a aucun choc culturel à ce point de vue là. Je suis seule au piano en robe de bal alors il n’y a rien de provocant dans tout ça hahaha !! Et il faut dire que mon répertoire est vraiment smooth, je joue de mes compostions comme je joue aussi beaucoup de standards jazz, de chansons françaises et de chansons populaires. Je fais en moyenne 4 sets de 45 minutes par soir alors, il faut varier dans le genre. Le fait aussi que je sois seule au piano, pas de basse et de batterie, ça l’amène la musique ailleurs que dans le gros groove sensuel. Ma voix reste chaude, mais l’interprétation est appelée à aller ailleurs. RR: Dans cette entrevue pour Sirius XM, tu soulignes qu’il est plutôt rare que des chansons soul soient exprimées en français? Quelles sont tes influences et artistes dont tu t’inspires (francophones et anglophones)? AE: Mes influences, c’est un ramassis de plein d’artistes/interprètes qui me touchent et ça va du classique, au soul, au RnB, au folk, … J’aime profondément Bill Evans, Billie Holiday, Nina Simone, Sam Cook, Chet Baker, Donny Hathaway, Getz,… et j’en oublie tout plein. Puis dans le plus contemporain : D’Angelo, David Linx, Erykah Badu, James Blake, Chet Faker, Emily King, The Barr Brothers, Lianne La Havas, Sia, Fiona Apple, Radiohead, … Puis en français, bien sûr, il y a : Jorane, Martin Léon, Gainsbourg, Ben Oncle Soul… Puis il y a Martha Argerich … quelle femme. Je suis beaucoup inspirée par les femmes ces temps-ci. Que ce soit en musique ou simplement dans la vie. J’aime ces forces féminines qui amènent le monde un peu plus loin tous les jours. Mais je dirais que mes grandes influences ces temps-ci se voient plus d’ordre de nature humaine que stylistique, c’est plus la démarche humaine qui m’inspire que le style emprunté. Ces rencontres musicales m’inspirent à être toujours plus près de ce que je suis, de ce que j’ai, moi, à offrir. Puis, il y a tous mes amis musiciens qui chaque jour m’épatent par leur qualité artistique et leur persévérance dans ce milieu/marché artistique qui peut, ma foi, être si incohérent depuis ces dernières années. RR: Qu’est-ce qui t’a le plus plu de ton expérience jusqu’ici? AE: La rencontre de l’autre, rencontrer cet univers chinois et partager le mien. Je fais vraiment de superbes rencontres ici. Et aussi, d’un point de vue plus personnel, de saisir que j’étais capable de réaliser l’expérience musicale comme humaine avec autant de plaisir et de fluidité. RR: Qu’est-ce qui t’a le plus étonnée? AE: D’avoir été capable de réaliser le défi que je m’étais lancé, de monter autant de répertoire (environ 60 chansons) en si peu de temps (1 mois et demi/2 mois) et de l’assumer devant public aussi rapidement. Ce qui m’a choqué : l’état de l’environnement ici. C’est troublant, le recyclage n’est pas encore vraiment intégré et au nombre de personnes qu’il y a, on peut se dire que ça pollue vite un espace. Puis, d’un autre côté, la beauté des gens ici, je les aime profondément. Ils sont riches de cœur. RR: Est-ce que tu crois que cette expérience en Chine va t’inspirer de nouvelles chansons? Est-ce que ça va influencer ton style musical? AE: Oui, c’est sûr… c’est déjà commencé pour l’inspiration, et sûrement que musicalement aussi, mais ça reste encore à voir, je pourrai te le dire dans 6 mois. RR: Chanterais-tu en chinois? AE: Je chante déjà en mandarin, oui. Ce n’est pas évident !! RR: As-tu découvert de bons groupes ou artistes musicaux en Chine? De quoi a l’air la scène musicale là-bas? AE: Un peu, mais j’ai encore tellement à découvrir. Je vois/entends dans les radios de taxi ou les télés allumées de restos beaucoup de pop ou beaucoup d’émissions de talents, mais c’est moins ma tasse de thé. Je suis plus à la recherche de musique traditionnelle. L’autre jour un groupe d’amis m’a chanté une chanson traditionnelle tibétaine a capella… c’était simplement sublime. C’est plus ça qui m’interpelle et que je recherche pour l’instant. RR: Quels sont tes projets? Que feras-tu après ce séjour en Chine? AE: Bonne question !! haha Après la Chine, c’est sûr qu’il y aura une période de repos, c’est quand même un gros contrat de jouer 6 soirs/semaine pendant 6 mois. Alors, me la couler douce un peu. Ensuite, j’ai la possibilité de continuer dans cette avenue vers le Japon, la Corée du Sud, le Viet Nam même l’Inde pour quelques mois de plus ou de revenir pour enregistrer à l’automne/hiver un nouvel album. En ce moment, tout est possible. Les choses vont se préciser au cours des prochains mois, mais c’est sûr qu’il y aura un album à prévoir parce que je suis en train de l’écrire. RR: Tu maîtrises également le chant jazz (comme on le constate sur la magnifique At Last avec Sylvain Picard à la guitare), alors que Tu m’insatisfaites est beaucoup plus rock. Est-ce que tu préfères plus un style qu’un autre? Comment navigues-tu entre les genres? AE: (Merci!) Chaque genre apporte ses plaisirs et défis différents. C’est difficile de choisir un style plus qu’un autre. Il est évident que j’aime beaucoup le soul/RnB pour le plaisir de jouer vocalement, vraiment, puis avec un bon groove de basse et de batterie, c’est sûr que je souris fort et grand en dedans, ça donne le goût de danser. Mais, j’apprends énormément en jazz comme en chanson française à en faire moins et mieux. À travailler ma qualité de présence et à être plus à l’écoute de ce qui est réellement à offrir à travers une chanson. RR: Quand entendra-t-on de la nouvelle musique d’Audrey Emery et à quoi ressemblera-t-elle? AE: Encore une fois bonne question. On saura d’ici un an peut-être. Ça dépend de quand je reviens et de certains autres facteurs de production. Pour ce qui est de ce à quoi elle ressemblera… définitivement plus assumée vocalement et pianistiquement comme en écriture. Peut-être aussi un mélange de chansons en français et en anglais. La couleur soul et feutrée ne se perdra pas. Après tout dépend de la direction artistique que l’on donne aux arrangements en studio. Ça reste à voir, mais j’ai très hâte de voir où tout ça va m’amener ! RR: Merci Audrey! AE: Merci à toi Pour ne rien manquer des projets d’Audrey Emery, suivez-la sur Facebook et sur YouTube! Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments