L’incroyable parcours atypique du légendaire BUCK 65 Karl-Philip Marchand Giguère 2014/11/23 Albums, Concerts, Genres Le légendaire Buck 65 (c’est le sobriquet duquel il s’est lui-même affublé, par autodérision) ne l’a jamais eu facile. Champion de baseball autodidacte repêché par les célèbres Yankees de New York, il allait subir une blessure qui allait mettre fin à sa carrière de façon prématurée. Il se dirigera vers sa deuxième passion: la musique. Sa carrière de DJ fera place à celle de MC, puis aux créations originales sous toutes leurs formes. Après quelques albums indépendants puis l’expérience Square (quatre longues suites séparées sur deux disques vinyles), son passage sur le label Warner allait se traduire par Talkin Honky Blues, fusion de genres hip hop et folk et toujours meilleur vendeur de sa carrière à ce jour. Les portes du monde allaient s’ouvrir à lui, d’abord avec un contrat international chez V2 puis une relocalisation à NYC, puis à Paris pour la création de l’exceptionnel (mais échec commercial retentissant) Secret House Against the World, que je n’hésite pas à calculer l’un des albums les plus sous estimé de la musique alternative/hip hop canadienne (je pèse mes mots). L’originalité de la production et des compositions aurait pu avoir l’impact de définition d’une carrière d’un Odelay de Beck ou d’un 808s & Heartbreak de Kanye West, si seulement il avait été commercialisé à sa juste valeur. Le succès d’estime ne faisant néanmoins pas celui des ventes, Buck 65 a fait un long chemin de croix pour se redéfinir, d’abord avec retour aux sources hip hop et presque enragé Situation. Malgré le soutien du rappeur américain Sage Francis, Buck (Rich Terfry de son vrai nom) troquera la musique à plein temps pour devenir animateur de l’émission du retour de CBC Radio 2. Cette nouvelle vie lui aura tout de même permis de se ranger en quelque sorte et grandir son réseau de contacts jusqu’à la parution de 20 Odd Years. Cet album qui marquait ses 20 ans de carrière réunissait des pièces beaucoup plus pop, chacune étant une collaboration avec un artiste différent. Les choses semblaient s’éclaircir avec un certain vent de réinvention… jusqu’à son divorce il y a maintenant deux ans, appris en trouvant la bague sur le comptoir en rentrant chez lui un soir, alors que son (ex) femme se trouvait déjà dans l’avion vers l’Europe. Le coup dur a laissé des traces: dépression, mise sur la glace de sa carrière et interrogations existentielles au tournant de la quarantaine. Buck 65 est parvenu à sortir de sa reclusion en trouvant une forme de réseau de soutien par le biais de Facebook, où une véritable communauté de fans prête à lire les histoires sur sa vie surprenante s’est mise à attendre quotidienne ses “posts”. Les histoires de sa vie surprenante sur lesquels ceux-ci étaient basés feront d’ailleurs l’objet d’un livre à paraitre en 2015. Et la musique? Il a retrouvé la piqure grace à l’amour (quoi d’autre?). C’est d’abord en rencontrant une fille avec qui il n’avait rien en commun musicalement qu’il décidera de se remettre à l’écriture, afin de mettre en commun tout ce qui pouvait bien attirer celle-ci dans la musique danse. Le résultat est un ramassis des pires clichés du genre à la puissance 1000, producteur emprunté à la Suède à l’appui. Le pire, c’est que ça fonctionne. C’est si assumé que ça devient parodique, mais surtout ça ne sort plus jamais de la tête. Essayez juste pour voir. Le reste du nouvel album Neverlove (titre qui bat un record d’évocation) est plutôt à l’image de ce qu’on imagine avoir été son année d’écriture: sombre par moment et rempli de réflexions et de mises en garde. Si bien des pièces sont chantées en duo sur fond de faux violon un peu sirupeux avec des arrangements qui nous donne un peu trop l’impression d’être en mode attente chez H&M ou Forever XXI avec sa petite soeur, d’autres sont tout simplement excellentes dans leur approche minimaliste. Parce que c’est bien la dualité de cet album, une bonne partie est munie d’une production qui y va un peu trop fort dans l’emballage, tout à l’inverse de l’autre portion beaucoup plus droit au but et introspective. À cet effet, Love Will Fuck You Up est l’incontournable du nouvel opus; actuelle, accrocheuse, sans artifice et parfaitement en symbiose avec le reste de sa discographie. Que conclure de Neverlove? Qu’il s’agit probablement d’une parenthèse dans sa carrière et qu’il devait sortir le tout de son système. Il est probablement fort conscient du détour et du danger d’aliénation, ayant fait paraitre en toute discrétion littéralement le même jour un album concept sur thème de faire sa lessive (!) produit en collaboration avec Jorun Bombay, question de nous rappeler toute l’auto dérision dont il est capable. D’ici là, la meilleure façon de refaire le bilan de cette carrière exceptionnelle et de lui offrir notre soutien est d’aller faire un tour au spectacle qui aura lieu le vendredi 28 novembre au Théâtre Corona Virgin Mobile, pour lequel les billets sont toujours disponibles. Avec un peu de chance, vous me verrez peut-être même exhiber un de des deux mouvements de danse minimaliste que je maitrise passablement. Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments