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Certains vont m’haïr aujourd’hui, d’autres vont trouver que j’ai raison. Je sais. Loin de moi la moquerie gratuite et l’attaque méchante, mais je ne peux pas m’empêcher de lever les yeux au ciel lorsque je constate que des vieilles gloires telles que Dick Rivers (et Johnny Hallyday, et Michèle Richard, et quelques autres) persistent et signent dans leur caricature de personnages, une fois la soixantaine avancée. Rivers sort demain un nouvel album, intitulé « Fidèle ».

Autant Hallyday se prend pour Elvis dans toute sa grosseur et règne décadent, que la Richard se prend pour une vamp à la Marilyn Monroe, autant Dick Rivers se prend pour un Johnny Cash made in France. L’exemple le plus flagrant de la fascination des Français pour tout ce qui est « rêve américain ». Dick Rivers incarne depuis 54 ans ce que les Cousins espèrent et imaginent de l’Amérique.

Le problème avec ces mégavedettes est qu’ils/elles vivent dans une bulle complètement hermétique à toute critique et à toute remise en question. Ils/elles ont été élevées au rang de « légendes », continuent à être acclamées par des masses de gens et entretiennent ce personnage qui « aime et parle à son public ». Certains parlent d’eux à la 3e personne tellement le personnage a pris de la place dans leur vie.

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Johnny

Vous souvenez-vous du malaise épouvantable lors de l’entrevue de Stéphane Bureau (alors animateur du Point, à Radio-Canada) avec Hallyday qui était carrément incapable de répondre (et même de comprendre!) des questions qui faisaient appel à sa vie « hors personnage ». Il avait fini par dire à Bureau – qui ne tentait pourtant pas de le piéger –  quelque chose comme « je ne comprends pas vos questions. En France, on ne me pose pas ce genre de questions » alors que le journaliste québécois lui demandait simplement comment il vivait sa vie de couple alors qu’il était traqué par les paparazzis de façon constante depuis des décennies. On lui aurait demandé d’expliquer un concept d’astrophysique qu’Hallyday n’aurait pas fait une tête différente.

Revenons à Dick Rivers. Dès les premiers instants de « Fidèle », on plonge dans une insupportable auto-analyse complaisante de sa propre carrière (Reverse) où la légende raconte son chemin et les embûches qu’Il a dû surmonter et les époques qu’il a traversées (roulement des yeux).

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Contrairement aux Jane Birkin, Patrick Norman et aux regrettés Henri Salvador et Johnny Cash, qui ont choisi une voie beaucoup plus sincère, touchante, sympathique qui transperce dans leur musique autant sur disque que concert, et qui se sont réinventés artistiquement, Dick Rivers persiste dans la ligne des Grandes Légendes qui entretient son royaume. Les textes sont assez pauvres tout au long de l’album, la musique est country folk (parfois plus rock, comme sur Demain) des plus ordinaires et prévisibles. Il se paye quelques reprises dont Viens tout connaître, qui se trouve à être une traduction de Girl You’ll Be A Woman Soon, écrite par Neil Diamond et repopularisée par Urge Overkill sur la bande sonore de Pulp Fiction. Mes oreilles saignent.

Les paroles, qui parlent d’un homme qui veut devenir l’amant d’une jeune fille, génèrent le malaise… ne trouvez-vous pas?

Viens, viens
Tout connaître, viens

Tu es enfant pourtant demain
Tu seras femme il le faut bien
Oh apprends l’amour
Tu le sais bien quelqu’un viendra
Un homme alors il t’apprendra
Oh tout l’amour
J’aimerais être celui-là

Oh si tu veux bien
Viens tout connaître, viens
Viens, donne ta main
Oh viens, être ma femme
Viens, viens
Et ne dis rien

Tu verras je serai tendre et doux pour toi

 

J’imagine que les fans de Dick Rivers vont continuer à l’aimer, et que les autres vont continuer à le trouver ridicule.

Hervé Forneri (oui, c’est son véritable nom) est né à Nice en 1945. Il a 68 ans. Dès 1961, on l’entend avec le groupe Les Chats Sauvages, qu’il quitte dès 1962 pour lancer des albums pratiquement tous les ans, dont trois en anglais et quelques-uns en partenariat avec Alain Bashung. Pendant dix ans, il a également animé une émission à la télévision, consacrée au rock. Sa fille adoptive a été la conjointe de George Lucas, autour du moment où a été lancé Star Wars, épisode III : La Revanche des Sith.

Pour terminer, voici quelques-unes des époques de Dick Rivers à travers 10 clips. Cliquez sur PLAY ALL pour faire défiler d’une traite cette « playlist » de musique continue.

http://www.youtube.com/watch?v=LaQOBoArAOQ&list=PL37XfxvEOxvR2FJYN_KhLdsVcWYa7ins3

Avis aux intéressés, Dick Rivers se produira sur la scène de la Maison de la Culture de Gatineau, le 6 mars prochain, en duo avec Nanette Workman. Plus d’infos ici.

Dick-Rivers-fidele-cd-2014Artiste : Dick Rivers
Album : Fidèle
Étiquette : Musicor

Lien vers l’achat en ligne (iTunes)
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ps: ne trouvez-vous pas que Dick Rivers ressemble à Lucien Bouchard sur sa pochette de CD? ; )

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.