Jusque-là, rien de nouveau. Plusieurs musiciens ont essayé de faire « swinger » la musique classique en la « jammant »: c’est d’ailleurs ainsi que le jazz est né, mené par le délire et le besoin d’expression des interprètes (souvent pianistes) de musique classique.

Ce qu’Édouard Ferlet amène avec son disque « Think Bach » et le concert qui l’accompagne « Upside Bach » est une façon unique, presque humoristique d’écouter le grand Jean-Sébastien Bach. Dès la pièce Analecta, il lance plusieurs pistes avant de vraiment se laisser aller à un jam presque étourdissant par moments, tellement il brasse la cage aux célèbres mélodies de Bach, comme le Prélude en ré majeur du clavier bien tempéré BWV 850, avant de retomber sur ses pattes.

 

Ferlet joue avec le cerveau des mélomanes en titillant l’oreille, qui reconnaît ses classiques, puis en les déformant complètement, comme s’il voulait les passer à travers un kaléidoscope musical. Ça part dans tous les sens, mais en s’accrochant bien, les mélomanes sérieux prendront leur pied.

Certains morceaux, comme Lisière (basé sur le Prélude en do mineur BWV 999) sont très doux, alors que d’autres, comme Souffle magnétique (très librement inspiré de la Suite française no 4 en mi bémol majeur pour clavier BWV 815) se dirigent carrément dans l’univers de la musique ambiante! Voilà ce qu’on peut appeler réinventer Bach.

Mais attention, ce disque fait une très mauvaise trame sonore d’ambiance. Les dissonances et variations d’intensité vont feront dresser les poils si vous n’êtes pas attentif au développement musical d’Édouard Ferlet. Le pianiste y voit un hommage au grand musicien qu’il respecte et qui l’accompagne depuis qu’il a appris le piano, soit depuis l’âge de 7 ans. « Je me suis autorisé avec sincérité et respect à mêler son univers au mien », raconte-t-il sur le site pianobleu.com, réservé aux amateurs de piano.

 

Aujourd’hui, à bientôt 43 ans, le pianiste français, fort d’un diplôme en composition jazz de la prestigieuse école de musique Berkeley, travaille en audiovisuel, et livre des commandes musicales. Il joue également dans le réseau des clubs jazz de Paris, jusqu’à sa rencontre avec le contrebassiste Jean-Philippe Viret, avec lequel il produira trois albums en tant que « pianiste sideman », ainsi qu’un DVD sur étiquette Sketch.

 

Après un premier album solo en 2004, salué par l’Académie Charles Cros et le Jazz Magazine qui le qualifie de « beauté rare », il accompagne des chanteurs de différents horizons: Mark Murphy (jazz), Geoffrey Oryena (world) et Manda Djin (gospel). Il tourne ensuite à travers le monde avec la chanteuse Julia Migenes pour laquelle il réalise des arrangements discrets, au service de la chanteuse, ce qui est apprécié par le public.

Think-Bach-Edouard-Ferlet

ÉDOUARD FERLET
Think Bach
(Mélisse, 2012)

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.