Déjà, à la fin des années 50 et dans les années 60, le pianiste français Jacques Loussier et son trio s’étaient fait remarquer avec leurs interprétations enivrantes des oeuvres du grand Johan Sebastian Bach. Les disques “Play Bach Jazz” connurent un très grand succès populaire dès le premier volume, paru en 1959 sur étiquette Decca. Mon père en a une copie vinyle, que j’ai souvent entendu, petit.

Loussier faisait alors quelque chose d’un peu impensable pour les puristes de l’univers de la musique classique: jouer du Bach en jazz, sortir un peu de la partition. “Jammer” du Bach. Gageons qu’il a dû être snobé par certains…

Loussier récidive en 1997 avec un album de reprises, cette fois du grand mélodiste qu’était Erik Satie. Le compositeur français, qui n’a jamais connu le succès de son vivant (1866-1925) mais dont les Gymnopédies sont aujourd’hui fredonnées par le grand public (via certaines publicités télé, puis par une plus grande reconnaissance de son répertoire) aurait sans doute été estomaqué d’entendre les versions de Loussier, plus de 100 ans plus tard.

C’est avec beaucoup de soin que Loussier – lui-même âgé de 63 ans lors de cet enregistrement, a retravaillé certains des plus célèbres airs de Satie. Parfois, comme avec la Cinquième Gnossienne, il la débute seul, comme s’il allait s’en tenir à l’oeuvre originale, puis s’invitent le contrebassiste Benoît Dunoyer de Ségonzac et le batteur André Arpino, tous deux complices de longue date du pianiste. Et voilà que la mélodie imaginée par Satie se retrouve totalement transformée (jusqu’à un rythme rock!), alors que les trois musiciens prennent un évident plaisir à “jammer” avec ces magnifiques mélodies en canevas de base.

Loussier & co nous offrent pas moins de trois variations du plus célèbre des airs de Satie, la Gymnopédie No. 1. Il la swingue, la réimagine et même l’aère! Comme si les compositions originales n’étaient pas assez planantes!

C’est un disque magnifique, reposant et riche à la fois que nous a offert Jacques Loussier avec cette relecture des plus belles oeuvres d’Erik Satie.

 

Pour la petite histoire qui n’a pas rapport, le pianiste originaire d’Angers, aujourd’hui âgé de 81 ans a longtemps été propriétaire du Chateau Miraval, qu’il survolait régulièrement, dans son petit avion, dans lequel il avait monté son studio en 1977. Pink Floyd, Sade, The Cure, Courtney Love, The Cranberries, Téléphone, UB40, Indochine, Level 42, Muse, Sting, Judas Priest, entre autres, y enregistreront. L’album “The Wall” y fut en partie créé.

Le château et son vignoble, appartiennent maintenant au célèbre couple (qui n’en est plus un, me souffle-t-on à l’oreille) Brad Pitt – Angelina Jolie.

Loussier a aussi interprété les oeuvres de Vivaldi, Schumann, Mozart, Ravel, Chopin (et bien d’autres compositeurs célèbres) en plus de ses propres compositions.

 

loussier-satie

JACQUES LOUSSIER TRIO
Satie: Gymnopédies Gnossiennes
(Telarc, 1997)

-Genre: jazz
-Dans le même esprit que Misc, Guiliano Guidi, Shei Maestro

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.