Six ans après « Mille excuses Milady », Jean Leloup est de retour avec son huitième album. Il fait paraître cette semaine « À Paradis City », coréalisé avec Louis Legault. Écrites sur une période d’environ 10 ans, les nouvelles chansons de l’homme de 53 ans sont sombres, mais en même temps très sereines. Diagnostiqué bipolaire et ayant arrêté de boire, Leloup a ainsi conjuré plusieurs de ses démons. Son grand talent de parolier ressort énormément sur ce disque très homogène, qui est sûrement un de ses meilleurs des années 2000. L’album s’ouvre avec la très bonne Willie, rendue disponible peu avant les fêtes. L’ambiance est plutôt morose sur cette pièce, même si la musique a une bonne groove qui nous fait hocher la tête. Leloup traite d’alcoolisme : « À toi, ma bouteille de whisky, je lègue ma tristesse et mes ennuis. À toi, ma bouteille de whisky, je lègue mes fuckin’ soucis; j’ai raté ma vie ». La déchirante Retour à la maison aborde aussi la question de la boisson, d’un point de vue encore plus désespéré : « On m’assure qu’il y a encore espoir. Je veux tellement y croire, je veux tellement y croire. Mais mon âme est si noire ». Voici une liste de lecture comprenant les 10 chansons de l’album. La guitare électrique est peu présente sur l’album, du moins pas à l’avant-plan. Sur Les flamants roses, Leloup sort toutefois sa guitare électrique et y va d’un excellent solo. La guitare acoustique est cependant très active, notamment sur la très belle Petit papillon. Cette dernière est une sorte de fable des temps modernes ayant pour thème la mort : « La mort est un petit papillon qui trouve le temps long, attendant le prochain wagon, le prochain petit papillon ». Sur le même thème, Le roi se meurt contient de superbes arrangements de cordes, écrits par Martin Roy. Zone zéro est une superbe ballade acoustique intégrant des sonorités électroniques. Les paroles sont aussi intelligentes : « Zone zéro, l’endroit où tu pleurs et tu penses que tu ris. Zone zéro, l’endroit où tu meurs et tu penses que tu vis ». Jean Leloup a beaucoup voyagé durant les dernières années, se promenant du Panama au Costa Rica, en passant par l’Asie. Il fait état de ses excursions sur l’entraînante mais triste Voyageur. L’intimiste et dépouillée Feuille au vent donne aussi une impression d’errance : « En marchant sous la lune noire, j’ai vu le désespoir, soudain, tenant par la main espoir, enfant du destin ». Très rythmée, avec un excellent jeu de guitare, Les bateaux se déploie comme des retrouvailles entre deux anciens amoureux qui se sont perdus de vue : l’égarement de l’un face à la stabilité de l’autre. La chanson-titre fait finalement un résumé de ses voyages : le paradis n’existe pas, même si on part le rechercher au bout du monde. Leloup constate plutôt que « nous sommes des marionnettes du temps qui s’arrête ». Jean Leloup, photographié par Pierre-Paul Poulin Honnête et authentique, Jean Leloup nous offre donc un très bel album. Ses textes personnels sont mis en valeur par de subtils arrangements qui installent une ambiance appropriée, loin de la démesure. Il faut dire que les pièces ont été composées pour guitare acoustique et voix (on retrouve justement les accords dans le livret du disque), et la guitare électrique se fait rarement entendre. Les arrangements de cordes sur Le roi se meurt nous font par ailleurs rêver à une collaboration entre Leloup et l’OSM! En attendant qu’un tel projet se réalise, on peut savourer ce disque, qui est une grande réussite, mais qui est un peu trop court, à moins de 35 minutes. JEAN LELOUP À Paradis City (Grosse Boîte, 2015) -Genre : folk-rock introspectif -Dans le même esprit que Lou Reed, Vincent Vallières et Dumas Lien vers l’achat en ligne (iTunes) Lien vers la page Facebook de l’artiste Lien vers la chaîne YouTube de l’artiste Le paradis n'existe pas pour JEAN LELOUP Originalité80% Authenticité90% Accessibilité85% Direction artistique95% Qualité musicale95% Textes90%89%Overall ScoreReader Rating: (5 Votes)92%Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments