JEAN-ROBERT BISAILLON, ex-French B, SOPREF: “Je rêve que les multinationales implosent!” Nicolas Pelletier 2015/08/30 Infos (Fr), Les Passionnés de l'industrie Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concerts, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues avec les artisans passionnés de la musique. Cette semaine, rencontrons… JEAN-ROBERT BISAILLON Quel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant? Je m’appelle Jean-Robert Bisaillon et j’ai 55 ans. J’ai eu une carrière active comme musicien et compositeur de 1982 à 1998 avec Bio Hazard (pas le groupe métal…), Red Shift, Disappointed A Few People et French B. En 2009 le GAMIQ m’a décerné le trophée hommage pour l’ensemble de mes contributions (surtout comme fondateur de la SOPREF) et depuis, je suis parti vivre à la campagne pour changer d’air et travailler sur des projets de recherche en nouvelles technologies. Mon actuel projet principal – lié à la musique – se nomme TGiT (tagyourmusic.com). C’est un environnement logiciel d’indexation des métadonnées musicales. Dans l’année qui vient, ce sera l’un des dossiers prioritaires de notre industrie, tous pays confondus. Quand avez-vous commencé à travailler dans l’industrie musicale? Dès mes débuts – à l’époque du New Wave – j’assumais la gérance de mes projets musicaux dans un esprit D.I.Y (Do It Yourself). L’idée était d’autoproduire nos enregistrements, plutôt qu’attendre après les maisons de disques québécoises qui avaient la tête à autre chose que la scène underground. Dans cette foulée, j’ai travaillé notamment pour Cargo Records de 1990 à 1994, mythique distributeur indépendant qui vendait les albums de Grimskunk, des Secrétaires Volantes, de Me Mom & Morgentaler et plein d’autres. French B en concert Quand avez-vous commencé à aimer la musique? À Laval dans un sous-sol, il y a très longtemps. Nous écoutions Léo Ferré et Zoo, King Crimson, Deep Purple, Pink Floyd, The Doors. À 20 ans, quel était votre rêve (dans le domaine musical)? J’écoutais Iggy Pop, David Bowie et Kraftwerk et j’allais danser comme un malade au Studio 1 de la rue Ste-Catherine. Je rêvais d’avoir un Mini Moog et un Mellotron et me contentais de synthés Roland bas de gamme… Je rêvais de provoquer la rencontre entre le mouvement punk et la chanson francophone. Mais c’est plutôt Jacques Higelin, père de Arthur H, qui réussira à le faire. Avez-vous été musicien/enne? Racontez-nous votre carrière. Je suis devenu plus sérieux comme musicien actif en 1984. Red Shift était un groupe fondé uniquement sur les synthétiseurs et boites à rythmes. Nous étions cinq avec Ian Stephens, véritable graine de Léonard Cohen, comme chanteur et parolier. Un EP est toujours inédit à ce jour. Ensuite Disappointed A Few People et French B eurent la chance de publier des albums et de me faire tourner au Canada et en Europe. Mais toujours, je suis demeuré dans la marge. SUR L’INDUSTRIE MUSICALE En vivez-vous? Oui, j’en vis. Par contre, mes sources de revenus ont toujours été très atypiques. C’est un mélange de recettes de droits d’auteur et de revenus générés par des projets complètement improbables comme NetMusik (1994), le Forum Des Musiques Amplifiées (1996), la SOPREF et LOCAL Distribution (1998), Iconoclaste Web Marketing (2005), ou TGiT (2011). Explications: Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver? Il faut savoir vivre dangereusement et travailler 7 jours sur 7. Il faut être prêt à combler ses revenus avec des emplois qui ne sont pas liés à la musique, ou encore, faire de la musique qu’on aime pas toujours (les commandes). Il faut aussi compter sur une grande part de chance et de timing – ce qui n’arrive pas toujours et à tous… Enfin, la musique est un élément qui fait partie intégrante de la vie d’une grande proportion d’êtres humains. Sachant cela, il est toujours possible d’entretenir l’espoir de s’en faire un métier. Par ailleurs, il faut savoir que le créateur est un artisan et que la machine qui assume depuis toujours la distribution de la musique enregistrée et des spectacles est une bête affamée et gigantesque. Si les multinationales du disque ont historiquement été impitoyables envers les musiciens, imaginons ce que ces derniers représentent pour Apple Music ou Google Play. Quelle(s) rencontre(s) a(ont) été déterminante(s) dans votre carrière dans l’industrie musicale? Il n’y en a pas eu tant que cela… André Ménard qui était à l’époque au Spectrum, ou Laurent Saulnier au VOIR. Hugues Sweeney de MUTEK et feu Bandeapart.fm (SRC). Sylvie Courtemanche des Francouvertes est une personne incroyablement dédiée. Des gens comme Gilles Castagnac, de l’IRMA à Paris, Eddie Schwartz, le président de la Songwriters Association of Canada, ou encore Éric Baptiste, l’actuel directeur de la SOCAN, sont des personnes ressources extrêmement précieuses pour moi et pour l’ensemble de notre industrie. Lyette Bouchard, Directrice générale de la SOPROQ, Eric Baptiste, Chef de la direction de la SOCAN et Jean-Robert Bisaillon, membre du Conseil d’administration de la SOCAN.(Crédit photo: Michel Gagné) Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle? Chaque jour est un nouveau défi. Les nouvelles technologies présentent des opportunités et des menaces hallucinantes. Comme je l’ai déjà mentionné, nous faisons actuellement face à des enjeux déterminants pour la préservation de la diversité musicale et culturelle. Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui? Je rêve que les multinationales de la distribution implosent et que les cartes se redistribuent complètement. Je crois que nous pourrions y assister lorsque nous analysons les nouvelles avenues que représentent Kobalt Music Group, Bandcamp et Soundcloud, ou encore le projet Fair Trade Music. Quel grand rêve n’avez-vous pas encore accompli? Composer une chanson universelle. Un hit monstrueux de sens et de résonance. Mais, je crois qu’il est trop tard. Le vinyle, la cassette, le CD ou le digital? Le numérique et ce qui viendra après… SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE Vos styles de musique préférés? Est-ce que ç’a toujours été le cas dans votre vie? J’ai souvent changé de dada tout en conservant des icônes indétrônables. Léo Ferré, Gainsbourg, Barbara et Alain Bashung. David Bowie, Patti Smith. J’ai eu mes moments Rock Steady et Reggae, World, Punk, New-Wave, Old et New Country, New Beat ou encore Hip-Hop des premières années. Un peu de métal extrême. Récemment, je n’écoute plus que Beach House et The National. J’ai toujours une oreille attentive pour la scène de Montréal, tous genres confondus. Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus). Bowie «Aladdin Sane» Bashung «Fantaisie Militaire» Satie «Les Gymnopédies et Les Gnossiennes» The Dears «No Cities Left» Nina Simone «Pastel Blues». Playlist! Quel est l’artiste le plus sympathique que vous ayez rencontré? Vincent Vallières. Vif, humain et talentueux. Qu’est-ce qui rend un artiste désagréable? C’est aussi souvent ce qui fait leur singularité. Un manque d’écoute absolument complet. Quel artiste brillant aurait dû percer davantage, selon vous? Le groupe québécois Handful of Snowdrops. Une maîtrise totale de la lutherie électronique et de la mélodie. Qui aimeriez-vous rencontrer? Il est trop tard. Alain Bashung. Depuis son décès, j’ai un peu perdu intérêt pour la musique populaire. Merci Jean-Robert! Pour suivre les activités de Jean-Ribert Bisaillon et son projet TGiT, cliquez sur le logo ci-dessous. Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments