JULIETTE GRÉCO : 65 ans de chanson française en 65 minutes

Les photos de Juliette Gréco ont été prises par Victor Diaz Lamich

On se demandait bien dans quel état allait se présenter Juliette Gréco ce dimanche soir à la Maison symphonique. La légende vivante, maintenant âgée de 88 ans, avait dû mettre fin prématurément à son spectacle de vendredi dans le cadre du Festival de la chanson de Tadoussac : un coup de chaleur l’avait accablé. Mais hier, même si sa démarche était quelque peu chancelante, elle nous a montrés qu’elle a toujours beaucoup d’énergie et de voix. On a eu droit à de grands classiques de la chanson française dans ce qui aura été son dernier spectacle à Montréal. Merci!, sa tournée d’adieu qui se terminera en 2016, a mis en valeur le fabuleux talent d’interprète de cette grande artiste.

Juliette Gréco était accompagnée par l’accordéoniste Jean-Louis Matinier et par son mari et partenaire musical depuis 1968 (ils se sont mariés en 1988), Gérard Jouannest. Âgé de 82 ans, ce dernier est également une figure marquante de la chanson française des dernières décennies. Il a fait son nom en tant qu’accompagnateur de Jacques Brel, avec qui il a également coécrit de nombreux chefs-d’œuvre, dont J’arrive, Bruxelles et La chanson des vieux amants. Ces trois pièces ont d’ailleurs été interprétées de superbe manière par Gréco lors de son spectacle. Les compositions de Brel ont d’ailleurs dominé le concert, avec 9 des 16 chansons du spectacle qui ont été écrites par le Belge. Ces 9 morceaux se retrouvent d’ailleurs toutes sur son album « Gréco Chante Brel », paru en 2013.
Voici d’ailleurs un court documentaire sur la création de cet opus.

Gréco s’avère une grande interprète de Jacques Brel, dont le répertoire est sûrement l’un des joyaux de la musique du 20e siècle, tous genres et langues confondus. Gréco a d’ailleurs été l’une des premières à interpréter les chansons de Brel, à la fin des années 50. Hier, ses performances des chansons de Brel ont été sublimes. La voix n’est peut-être plus ce qu’elle était, elle parle souvent plus qu’elle chante, mais les arrangements sont faits en conséquence et Gréco compose très bien avec la diminution de ses forces. Ce qu’elle perd en puissance et en projection vocales, elle le récupère en intimité en intensité dramatique. Ne me quitte pas nous a donné des frissons, alors qu’Amsterdam a été enlevante. L’humour grinçant de Tango funèbre a été intact et Les vieux a été interprétée avec toute la sagesse qui habite Juliette Gréco.

Gréco a également chanté des compositions de deux autres immortels de la chanson française. De Léo Ferré, elle a livré une énergique Jolie Môme, alors que le grand classique Avec le temps a été interprété d’une manière passionnée et avec beaucoup d’émotion. Gréco a également salué de manière bien spéciale Serge Gainsbourg, un autre de ses camarades des beaux jours. Elle a rendu une jolie version d’Accordéon, puis a fait une performance saisissante de La javanaise, que Gainsbourg a écrite pour elle au début des années 60, alors qu’il était pratiquement inconnu. Après l’avoir chantée, elle a envoyé un baiser vers le ciel pour son Serge, décédé il y a 24 ans.
On peut d’ailleurs voir la scène de l’excellent film Gainsbourg, Vie héroïque, où Gainsbourg joue la chanson à Gréco pour la première fois dans son appartement parisien.

Même si le spectacle était un peu court, à 65 minutes, on a senti que Juliette Gréco s’est complètement donnée, oubliant ses 88 ans le temps de ce moment privilégié. Hypnotique et envoûtante dans sa robe noire, elle était très théâtrale et gesticulait beaucoup, habitant ses chansons qu’elle nous livrait avec tout son cœur. Avec Charles Aznavour, elle est l’une des dernières survivantes de l’âge d’or de la chanson française, et elle en porte fièrement le flambeau. Par moments, on se serait crus dans un cabaret du quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés en 1952. Juliette Gréco a réussi à créer une ambiance intimiste, dans cette Maison symphonique qui était remplie d’une énergie bien spéciale en ce dimanche soir de Francofolies.
Bonne retraite Madame Gréco!

BAPTISTE HAMON EN PREMIÈRE PARTIE

En première partie, le Parisien Baptiste Hamon se produisait avec deux musiciens, un guitariste électrique et un batteur (qui a aussi joué du banjo). Cet émule de Leonard Cohen et de Bob Dylan est aussi un inconditionnel du Texan Townes Van Zandt, à qui il a d’ailleurs écrit une chanson qu’il a jouée hier. On peut également percevoir une influence de certains grands de la chanson française, dont Brel, Serge Reggiani et même Renaud à l’occasion. Malgré une acoustique ordinaire, Hamon a très bien livré ses chansons aux sonorités folk-rock et americana. Ses pièces sont simples musicalement, mais il déploie une authenticité et une honnêteté fort sympathiques.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.