Oh! On a ici une perle! C’est une véritable résurrection qu’a réussie Jeff Tweedy (de Wilco) en réalisant le nouvel album de la légende gospel Mavis Staples! La dame, également figure de proue des droits civils des Noirs aux États-Unis, a maintenant 74 ans, et sous la direction de Tweedy, s’exprime avec une retenue et une justesse qu’on ne lui connaissait pas.

À l’instar de Carlos Santana avec John Lee Hooker, de Ry Cooder avec les légendes cubaines du Buena Vista Social Club, de Keren Ann avec feu Henri Salvador et les derniers albums de feu Johnny Cash, Gil Scott Heron et R.L Burnside et, c’est sous l’impulsion d’un musicien assez jeune pour être son fils, mais assez expérimenté pour tenir une direction artistique contre une pointure qui a ses habitudes, que cette réussite artistique opère!

Tweedy amène cette grande dame du gospel sur le terrain du folk (Far Celestial Shores) et surtout du minimalisme (la magnifique Holy Ghost) qui met vraiment en valeur la magnifique voix de Mavis Staples. C’est tout le gospel, le blues et l’expérience qui peuvent enfin sortir dans leur splendeur. Un des plus beaux exemples de « less is more ».

On écoute quelques chansons du nouvel album, ainsi qu’une répétition avant un concert en compagnie du groupe Wilco au complet, ainsi que Nick Lowe, qui reprennent tous ensemble la fameuse The Weight de The Band. Magique!

Jeff Tweedy a choisi des chansons de musiciens actuels (comme du groupe Low), ou certaines des siennes, mais aussi très loin du gospel, comme Funkadelic et Nick Lowe. À certains moments, comme sur I Like The Things About Me, Tweedy pousse l’audace jusqu’à inclure une grosse basse fuzzée qui fait sonner ce nouvel opus de Mavis Staples comme la nouvelle leader des Black Keys! De quoi surprendre les fans (probablement âgés) des Staples Sisters…

Staples et Tweedy se sont mérité un prix Grammy en 2010  lors de leur première collaboration « You Are Not Alone » (que je n’ai pas eu l’honneur d’écouter) et il serait juste de parier qu’ils vont se voir décerner une nouvelle statuette cette année.

Mavis Staples, qui aura 75 ans en juillet prochain, a débuté sa carrière musicale dans l’entreprise familiale dans les années 50. Le père écrivait les chansons qu’interprétaient Mavis et ses soeurs, qui deviennent « God’s Greatest Hit makers » au milieu des années 60. Le paternel étant proche de Martin Luther King, les chants de Mavis Staples prennent une tournure politicosociale et elle se rapproche de Bob Dylan qui, selon la légende, aurait demandé sa main. En vain.

Les Staples Sisters se politisent à la fin des années 60 avec les chansons Long Walk to D.C. et When Will We Be Paid?, puis marquent huit fois le top 40 de leurs tubes entre 1971 et 1975. I’ll Take You There et Let’s Do It Again seront même #1. Deux albums realisés par Prince dans les années 1989-1993 n’obtiendront pas le succès escompté. La grande Mahalia Jackson (1911-1972) est l’une des femmes qui ont le plus inspiré Mavis Staples, autant au niveau musical que social.

Le flambeau est passé.

Mavis Staples cd

MAVIS STAPLES
One True Vine
(Anti-, 2013)

-Genre: gospel folk
-Dans la même veine que les derniers albums de Johnny Cash, John Lee Hooker, Adele

Lien vers l’achat en ligne (iTunes)
Lien vers la page Facebook de l’artiste

Réagissez à cet article / Comment this article

commentaires / comments

About The Author

Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.