Comment pénétrer dans la tête l’indescriptible Nick Cave? En laissant la figure mythique du rock carte blanche pour étoffer un scénario qui se traduit en une journée semi-fictive dans sa vie bien réelle. Le résultat de 20 000 Days On Earth (vous savez maintenant officiellement son âge), parvient presque à démystifier ce que relatait James Murphy dans le tout aussi excellent documentaire sur la dissolution de son groupe LCD Soundsystem, lorsqu’il avançait que Nick Cave était plus grand que nature et ne pouvait être dissocié de son personnage scénique, étant peut-être la dernière grande figure mythique qu’on ne peut tout simplement pas imaginer faire une activité aussi banale que l’épicerie.

Pour convaincre Nick Cave de porter une portion de sa vie à l’écran, les producteurs ont donc du réinviter la formule et pris deux angles: celui de décrire une journée « imaginaire » (mais bien inspirée de son univers) dans la vie de Nick Cave, ainsi que celui de la visite des archives du principal intéressé en sa compagnie.

Le résultat se visualise comme un rêve, empreint d’un surréalisme pourtant bien ancré dans le quotidien. On passe d’une ballade en voiture où Nick Cave semble parler à sa conscience avec des compagnons de route sur sa banquette arrière, dont son jadis fidèle collaborateur Mick Harvey, à qui il avouera trouver certains albums des Bad Seeds un peu trop longs, mais aussi Kylie Minogue, avec laquelle il revient sur leur courte collaboration musicale teintée d’une relation aussi brève que passionnée.

Une visite chez un psy nous en dira presque trop sur sa jeunesse et la découverte de sa sexualité, mais sera surtout marquée pas un touchant passage sur son passé de junkie, au cours duquel il confiera qu’il s’agissait de la période la plus religieuse de sa vie, contrebalançant la culpabilité de sa consommation d’héroïne par une présence quotidienne assidue à l’église. La solution à toute cette période noire? L’amour, quoi d’autre. Le récit très en verve de ses impressions lorsqu’il a aperçu pour la première fois sa femme Susie est aussi beau qu’inspirant, une métaphore parfaite de ce que devrait être (est?) l’amour.

Le tout est teinté de performances en studio dans le cadre de l’enregistrement de l’album Push The Sky Away (qui, s’il pouvait paraître un peu lent lors de sa parution, ne cesse de se révéler de plus en plus un incontournable de sa discographie) et un bon aperçu de la complicité avec son acolyte Warren Ellis, autant en studio que le cadre d’un repas dans sa tanière. Une visite de ses archives nous en dit plus son évolution, mais aussi les années rarement discutées de The Birthday Party.

J’en dis beaucoup, mais rien qui ne devrait vous empêcher de courir voir par vous-même la qualité visuelle de l’oeuvre. La réalisation est impeccable, axée sur des teintes chaleureuses aussi chics que les complets du protagoniste. La narration du musicien, quant à elle, a été maintes fois retravaillées jusqu’à le ton juste ne soit trouvé pour nous faire pénétrer dans la psyché de l’auteur.

Bref, ce qui n’est ni un documentaire ni véritablement une œuvre de fiction, se veut un parfait exercice de style incontournable qui réussit le tour de force de tenir en haleine même ceux qui ne sont pas familiers avec l’œuvre colossale de Nick Cave.

Le documentaire sera à nouveau diffusé à Montréal au Centre Phi le 23 octobre, d’ici à ce que le Blu Ray ne le soit en boucle chez moi.

À noter que dans le cadre de la sortie du documentaire, la pièce exclusive “Give Us A Kiss” fut rendue disponible sur iTunes avec la magnifique version orchestrale de “Jubilee Street” que l’on retrouve dans le film. Votre 2$ le mieux investi de la semaine.

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Obsessif compulsif qui classe ses albums d’abord en ordre alphabétique d’artistes, puis de parutions (avec les simples sous les albums, question de confondre encore davantage les gens qui le visitent), Karl-Philip oeuvre dans l’industrie depuis plus d’une décennie. Il a touché à tout: maisons de disques, gestion de salles de spectacle et rédaction professionnelle pour de nombreux artistes. Il assiste à de nombreux shows lorsqu'il n'est pas désespérément en train d'essayer de faire de la place dans sa bibliothèque musicale.