Paru après le décès de l’icône du grunge qu’était Kurt Cobain, donc avec un succès assuré, l’« Unplugged » de Nirvana fait découvrir les versions acoustiques, que son auteur préférait – parait-il-, de quelques grands succès du groupe (Come as you are, Dumb, On a Plain et un Pennyroyal Tea interprété seul) mais aussi de reprises audacieuses et inattendues.

Les Polly, All Apologies, Something in the way et leur super single About a Girl (un de leurs vieux morceaux réarrangés) sont les autres compos de Cobain au programme alors que le The Man who Sold the World, de David Bowie époque 1970, Jesus doesn’t want me des Vaselines et Where did you sleep last night du bon vieux Leadbelly sont brillamment reprises. Un répertoire insoupçonné de la part d’un band comme Nirvana dont les influences directes menaient plus vers les Pixies, The Cars, The Melvins et les Ramones, que de vieux artistes blues et des chansons de Bowie alors oubliées.

 

Si les guitares ne sont pas aussi impressionnantes sèches que branchées (surtout lorsque ça fausse…), la voix tranchante de Cobain couvre le tout d’émotion et fait frissonner par son ton désespéré. Ce que cet album démontrait surtout était que les musiciens grunge qui au premier abord, semblaient allier punk et hard rock autant dans l’attitude que la musique, étaient avant tout des sensibles, des écorchés. Une fois la puissance et le chaos retirés de l’équation, on découvrait l’émotion.

 

On raconte que Cobain était plutôt nerveux de se dévoiler en format acoustique, qu’il a tenu son bout contre les bonzes de MTV qui n’étaient pas ravis ni du choix de chansons ni de ne pas avoir d’invités de marque au concert (les noms de Michael Stipe et Tori Amos aurait circulé). Il y avait une certaine tension dans l’air dû à cette confrontation, et peut-être à l’intoxication de Cobain, qui vivait des années difficiles, parallèlement au succès de son groupe.

Fait rarissime sur un album ou dans un concert, les amis du band, Cris et Curt Kirkwood des Meat Puppets se joignent à l’évènement le temps de trois bons morceaux de leur cru (Plateau, Oh Me et la déchirante Lake of Fire). Ça aurait pu être un peu étrange, mais non, c’est complètement cohérent avec le reste du concert de Nirvana. Le trio était en tournée lors de l’enregistrement de ce concert acoustique et les Puppets assuraient la première partie, d’où leur présence ce soir-là.

 

Le concert a été enregistré le 18 novembre 1993. Cobain mourrait quelques mois plus tard, le 5 avril 1994. Le disque paru le 1er novembre suivant. Il fut certifié cinq fois platine aux États-Unis et remporta le Grammy du meilleur album alternatif… en 1996! L’album permit aux fans de Kurt Cobain de rêver et d’imaginer ce qu’il aurait créé s’il avait vécu plus longtemps. Aurait-il fait des albums acoustiques? En solo? Aurait-il exploré d’autres pistes musicales que ce nous avions entendu sur les albums de Nirvana jusque-là? Nul ne le saura.

Cet album particulièrement, parce que Nirvana était tellement « big » dans ces années, avec Pearl Jam et Alice in Chains, a certainement contribué à l’éclosion du style « emo » quelques années plus tard, menant à la découverte d’artistes tels Elliot Smith, Bon Iver, Jay Reatard, Evan Dando et tant d’autres. Un album qui ouvre des portes et des esprits.

NIRVANA
MTV Unplugged in New York City
(DGC, 1994)

-Genre: rock folk
-Dans le même genre que Vic Chesnutt, Elliott Smith

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.