Cet article est le deuxième et dernier article sur une compilation des réalisations de Phil Spector de 1958 à 1969. Cliquez ici pour consulter le premier.

C’est lorsque Phil Spector s’établit à Los Angeles en 1962 que son Wall of Sound se mettra en branle, avec sa nouvelle compagnie de disque indépendante, Philles. He’s A Rebel, des Crystals, est la première chanson à avoir ce son révolutionnaire. C’est un son dense où l’on distingue difficilement chacun des instruments (sauf à l’occasion un motif de piano ou un solo de saxophone), sans que ce soit inutilement surchargé ou désagréable à l’oreille. Cette opacité donnera une force singulière et inédite à la musique. L’énergique Da Doo Ron Ron en est un autre exemple (la prestation de Darlene Love est aussi géniale).

Spector était par ailleurs bien entouré : son arrangeur principal était Jack Nitzsche (qui travaillera enseuite souvent avec Neil Young) et son ingénieur du son, Larry Levine. Les musiciens de studio qu’il employait se feront connaître comme The Wrecking Crew, avec notamment Hal Blaine, Carol Kaye, Glen Campbell et Leon Russell. Spector aimait utiliser au minimum quatre guitares, deux basses, trois pianos, deux batteries, des percussions, des cuivres et des cordes. Le mythique mais petit studio Gold Star était donc surchargé de musiciens pour ces sessions, et c’était le travail de Levine de bien positionner les micros et de balancer le son.

Avec Jack Nitzsche et Darlene Love

Avec Jack Nitzsche et Darlene Love

Beaucoup des réalisations les plus abouties de Phil Spector se feront avec The Ronettes. Be My Baby est un véritable chef-d’œuvre. Le motif de batterie au départ de la pièce est saisissant et donne le ton à cette épopée grandiose, avec les castagnettes qui donnent un élan irrésistible. Baby, I Love You possède cette même urgence, avec un son dense et envoûtant. Walking in the Rain débute avec un son de tonnerre (inusité à l’époque), avant d’enchaîner sur un délicat clavecin et de mener à un éclatant crescendo au refrain. À écouter également : les superbes Paradise et I Wish I Never Saw the Sunshine.

Un autre sommet a été atteint avec The Righteous Brothers. You’ve Lost That Lovin’ Feelin’ est une déchirante chanson d’amour que la réalisation magnifie. La performance vocale est époustouflante et les variations d’intensité nous font passer par toute la gamme des émotions. La désormais classique Unchained Melody (merci Ghost et sa scène de poterie!) se retrouve aussi sur la compilation.

La plus coûteuse et la plus ambitieuse réalisation de Spector est certainement River Deep, Mountain High, avec Ike & Tina Turner (Ike a toutefois été payé pour rester chez lui : Spector ne le voulait pas dans les environs!). Écrite par Ellie Greenwich, Jeff Barry et Spector, cette chanson est prodigieuse. Tina Turner pousse sa voix à la limite : on a presque mal aux cordes vocales pour elle! La réalisation est efficace, jamais on ne sent que c’est trop. Une telle chanson et une telle prestation vocale exigent un arrangement tout aussi monumental.

Finalement, notons Hold Me Tight, de Lennon/McCartney, interprétée de brillante manière par The Treasures. This Could Be the Night, par le Modern Folk Quartet, est une incursion originale dans le folk-rock (Spector avait tenté sans succès de recruter The Lovin’ Spoonful et The Young Rascals). Un excellent motif à la guitare électrique dirige Zip-a-Dee-Doo-Dah, de Bob B. Soxx & the Blue Jeans (Darlene Love est au chant).

Les réalisations wagnériennes de Phil Spector pouvaient pousser une chanson moyenne, interprétée par un chanteur ordinaire, vers des sommets inespérés. Imaginez lorsqu’une impeccable composition était chantée par un grand artiste! Ces pièces ne plairont évidemment pas aux amateurs de musique minimaliste, mais si y on prête l’oreille, on découvrira des classiques qui auront influencé le cours de la musique populaire.

Phil Spector, The Essential

PHIL SPECTOR
The Essential Phil Spector
(Sony Music, 2011)

-Genre : Pop orchestrale
-A influencé The Beach Boys, The Walker Brothers et le mouvement shoegaze

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PHIL SPECTOR : Élever la pop au rang de l'art
Originalité100%
Authenticité90%
Accessibilité90%
Direction artistique100%
Qualité musicale100%
Textes85%
94%Overall Score
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.