En 1989, René Lussier lançait un disque qui témoignait d’un parcours unique: celui de la recherche du Trésor de la langue. L’idée est originale: le musicien d’avant-garde cherche à comprendre ce qu’est la langue française au Québec.

Pour se faire, il enregistre toutes sortes de gens le long de son parcours qui semble se dérouler un peu partout au Québec. Lussier demande son chemin sur la route, mais aussi sur dans un département des archives, enregistrant au passage le langage des gens qu’il croise. Musicien habile, il suivra la musicalité des paroles des gens. Par exemple, la guitare suivra les notes qu’une femme émet naturellement en parlant alors que la contrebasse va suivre celles de la voix de l’homme. Je simplifie, parce qu’il y a autour de toutes ces mélodies saccadées toutes sortes de passages sonores, de mouvements; parfois explosifs, parfois folkloriques qui tapissent cette œuvre d’une grande Québécitude.

À travers son périple socioculturel, Lussier a également a également glissé des extraits célèbres de la culture québécoise: on y entend le « Vive le Québec Liiibreuh » de Charles de Gaulle, la lecture du manifeste du FLQ au Téléjournal. Savoureux est ce discours enflammé de Michel Chartrand qui a envie de « botter le cul de tous les patrons ». Lussier remixe avec groove la phrase « C’est ça qu’on va faire! », 25 ans avant le mix plus ou moins réussi de Daniel Boucher avec le monologue d’Yvon Deschamps lors du spectacle de la St-Jean 2014. On y entend le discours de René Lévesque lors de la soirée référendaire. Lussier lance un lourd blues déprimant sur l’annonce des résultats du 20 mai 1980.

Pour célébrer le 25e anniversaire de la parution de cet album, Pop Montréal a eu la brillante idée d’inviter René Lussier à faire une brève performance d’une demi-heure devant public, puis de nous permettre d’écouter l’album au complet, dans l’obscurité, afin de revivre cet album-périple et de bien le savourer. On devrait d’ailleurs toujours écouter de la musique dans le noir, devant de bons haut-parleurs. La soirée avait été organisée en partenariat avec Visions, un organisme qui se spécialise en documentaires.

Lussier a été égal à lui-même dans sa performance solo : flyé, drôle, hyper actif, inventif, original… Le guitariste a utilisé presque tous les trucs de son arsenal pour nous montrer ce qu’une guitare électrique pouvait émettre comme son.

Un grand instrumentiste comme il n’y en a peu au Québec. Il nous a aussi chanté deux de ses compositions « avec voix » (ce qui est assez rare dans son répertoire).

D’ailleurs, je l’apprends en faisant un peu de recherche pour cet article, René Lussier a lancé un second album de chansons en 2011 « Toucher une âme ». En voici un extrait.

RENÉ LUSSIER jouait au Quartiers POP, le jeudi 18 septembre 2014, dans le cadre du festival Pop Montréal.

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.