L’Orchestre du Conservatoire de musique de Montréal présentait samedi soir la première de deux représentations d’un programme fort varié. Dirigé par le chef Louis Lavigueur, l’Orchestre a interprété des œuvres de Carl Maria von Weber, Mario Castelnuovo-Tedesco et Piotr Illitch Tchaïkovski. Un étudiant du Conservatoire, Charles-Philippe Tremblay-Bégin, voyait également une de ses compositions être jouée lors de ce concert. Finalement, de formidables jeunes solistes, également étudiants, se produisaient. Le guitariste Thomas Bégin et la clarinettiste Justine Maillard ont montré tout l’étendue de leur talent.

Le concert s’ouvrait avec la création d’une composition de Tremblay-Bégin, âgé de 24 ans. D’une dizaine de minutes, la pièce a pour titre Utopia or Oblivion. L’auteur s’est inspiré de l’esthétique glitch, construisant son œuvre à partir de matériaux sonores disparates, dont des citations d’œuvres de Beethoven et de Mahler. Le début est d’ailleurs plutôt étrange, alors que le chef fait un signal visuel à un technicien, qui démarre ensuite une bande sonore dissonante. Avec cette musique électronique expérimentale en arrière-plan, les musiciens tissent des mélodies parfois envoûtantes, parfois trépidantes. L’intense orchestration semble disloquée, comme manquant de fil conducteur, mais c’est peut-être par là qu’on peut parler de glitch. Joué avec aplomb par l’Orchestre, ce collage musical est somme toute plutôt intéressant.

Thomas Bégin était ensuite soliste dans le Concerto pour guitare no. 1 du compositeur italien Mario Castelnuovo-Tedesco. Ce dernier est l’un des très bons compositeurs du 20e siècle, et il a composé plusieurs morceaux pour guitare, seule ou avec orchestre. Ce Concerto a été écrit en 1939, alors que le compositeur était en processus d’immigration vers les États-Unis. La pièce a été dédiée au légendaire guitariste Andrés Segovia. On n’a cependant eu droit hier soir qu’au dernier mouvement du Concerto. Mais c’était suffisant pour que Bégin nous montre la très grande maîtrise qu’il a de son instrument. Les mélodies pastorales ont été jouées avec fluidité et précision. Pour sa part, la courte cadence a été jouée tout en finesse et en virtuosité. Le dialogue entre l’Orchestre (presque réduit à un orchestre de chambre pour l’occasion) et le soliste a été très bien articulé par le chef, toujours alerte et dynamique.

 

Un des premiers des romantiques allemands, Weber a souvent composé pour la clarinette, que ce soit en musique de chambre ou en tant qu’instrument soliste avec orchestre. La pièce jouée était le Concertino, composé en 1811. Le succès immédiat de l’œuvre l’a poussé à composer deux concertos pour clarinette, qui restent centraux dans le répertoire concertant. Cette courte pièce d’environ dix minutes se décline en trois mouvements. Après une introduction orchestrale, le motif initial à la clarinette est d’une somptueuse beauté, semblable à un air d’opéra. Malgré quelques légères imperfections, Justine Maillard a livré une superbe performance. Sa sonorité est ample et riche, et la soliste montre une belle virtuosité, dans les moments agités comme dans les passages plus calmes. Exploitant tous les registres de l’instrument, la cadence a été envoûtante.

 

Grand chef-d’œuvre, la Symphonie no. 4 de Tchaïkovski occupait l’entièreté de la deuxième partie du concert. Terminée en 1878, cette œuvre a amorcé le cycle des trois dernières symphonies du maître russe (dites « du destin », elles peuvent être considérées comme étant un tryptique), autrement supérieures au premier trio. La Symphonie no. 4 a une ambiance sombre et pessimiste, comme le caractère de Tchaïkovski pouvait l’être.

Elle débute avec une vigoureuse mélodies aux cuivres, qu’on retrouvera de manière cyclique au Finale. Le premier comme le dernier mouvement sont plus conventionnels, avec de forts contrastes et une grande virtuosité orchestrale requise des musiciens. Ces derniers jouent d’ailleurs de manière passionnée et inspirée. Les mouvements centraux se démarquent pour d’autres raisons. Le mouvement lent est sublime, avec le prenant solo de hautbois d’Élise Poulin et la mélancolique mélodie des cordes, jouée de manière sentie. Le Scherzo est inusité, alors que les cordistes mettent de côté leur archet pour livrer un intense pizzicato. Les bois seuls prennent ensuite la relève. C’est bien fait, et l’interprétation rend justice à ce chef-d’oeuvre

 

On aurait certes aimé entendre les solistes dans des œuvres un peu plus longues (pour une raison inconnue, le chef a annoncé, avant le début du concert et contrairement à ce qui était écrit dans le programme, que ne serait joué que le troisième mouvement du Concerto de Castelnuovo-Tedesco). Mais ce qu’on a entendu était sublime, les concertos comme la Symphonie. La composition de Charles-Philippe Tremblay-Bégin était captivante, et mériterait certainement d’être entendue à nouveau. L’œuvre était déroutante, surtout avec l’introduction, qui surprend, voire désoriente. Il y avait manifestement une recherche sonore et esthétique poussée, à laquelle on doit accorder du mérite.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.