Parfois, souvent même, j’adore ce fait Murat. Mais parfois, je déteste. Avec lui, je suis soit en transe tellement il semble lire mon âme, soit amèrement déçu. Certains albums ont été des baumes (le magnifique “Tristan” de 2008), d’autres m’étaient insupportables. La règle s’applique pour chaque chanson qui passe de sa tête à la mienne. Idem pour les concerts où il peut être inspiré et transcendant ou chiant et de mauvaise humeur. Je l’ai vu engueuler un claviériste qui s’était un peu trop égaré…

“Morituri” a mal commencé pour moi. French Lynx comporte plusieurs éléments qui m’irritent profondément. Des choristes qui sonnent gauches, un texte chanté à la deuxième personne… La déception m’envahit. Je vais au bout de la chanson et croise les doigts. Frankie vient à ma rescousse et me charme avec un angle très folk jazz vaporeux, presque à la Cowboy Junkies des belles années. On retrouvera des accords de jazz au piano durant La pharmacienne d’Yvetot. En appelant sa douce “ma mie”, ce sont des images de Brassens qui surgissent. Je respire.

Voici quelques-unes des nouvelles chansons de Murat, suivies de classiques de son répertoire.

Rendu au milieu de l’album – le 16e de la prolifique carrière de l’Auvergnat sexagénaire -, je ne suis ni en transe ni déçu. Difficile d’être transporté ni agressé par Interroge la jument (hormis par le titre, très peu poétique). Le chant du coucou, correcte sans plus, ne devrait pas se retrouver sur l’album des plus grandes chansons de l’artiste lorsque sa carrière tirera à sa fin. La dramatique Tous mourus est déjà plus forte. Sur des airs de jazz de bar, Murat nous raconte les drames du village: le boucher s’est pendu, un autre s’est noyé, puis c’est au tour du garde-chasse “d’être retrouvé mouru, nu”, puis du curé, puis c’est la boulange qui est foutue.

Murat brille encore plus durant La chanson du cavalier, dont il ne trouve plus la fin. C’est difficile à expliquer, mais on le sent plus investi, lui-même plus envouté par la chanson. Puis, Nuit sur l’Himalaya est agréable. Comme s’il avait fallu que Murat se réchauffe pour toucher la grâce en deuxième moitié d’album. Peut-être qu’on aura besoin de plusieurs écoutes pour être charmé par certains titres un peu moins évidents au premier abord. C’est ce qui arrive souvent chez les grands auteurs-compositeurs-interprètes. Et Murat en est définitivement l’un des plus importants des vingt dernières années.

Dans cette entrevue récente pour Entrée libre, le bougonneux s’exprime sur le retard des journalistes parisiens venus l’interviewer puis de son nouvel album.

Jean-Louis Bergheaud est né en 1952 à Chamalières (Puy-de-Dôme) et tient son nom d’artiste du village où était située la ferme isolée de ses grands-parents à Murat-le-Quaire, surplombant la ville thermale de La Bourboule. Il y passait beaucoup de temps, enfant.

murat morituri

JEAN-LOUIS MURAT
Morituri
(PIAS, 2016)

-Genre: chanson rock
-Dans le même style que Lou Reed, Dominique A, Calexico

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.