Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concert, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues avec les artisans passionnés de la musique.

Cette semaine, rencontrons…

 

JEAN-SIMON FABIEN

jean-simon-fabien-radio-canadaQuel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant?

Je m’appelle Jean-Simon Fabien, je suis chroniqueur, critique et journaliste musical pour Camuz depuis le printemps 2012 et pour Le Canal Auditif depuis l’automne de la même année. Je suis de Montréal et j’habite à Québec depuis 2014 où je suis journaliste pour Radio-Canada.

Quand avez-vous commencé à travailler dans l’industrie musicale?

J’ai eu ma première gig à Bande à Part. Le bon Félix B. Desfossés m’avait fait écrire un papier sur le documentaire Blood, Sweat + Vinyl : DIY in the 21st Century. C’était à l’automne 2011. Avant ça, je faisais de la philosophie politique !

Quand avez-vous commencé à aimer la musique?

Je n’ai pas de souvenirs d’un moment sans musique dans ma vie. Mon père est un mélomane averti et il m’a transmis sa passion à force de faire rouler des cassettes des Beatles, du Alan Parsons Project ou des Moody Blues. Notre classique en char sera toujours The Traveling Wilburys. Mais sinon, de mon côté, disons que ma vie a changé la journée où j’ai acheté (What’s the Story) Morning Glory.

 

À 20 ans, quel était votre rêve?

Je n’ai jamais vraiment eu de doute quant à la profession que je voulais exercer : j’ai toujours voulu être journaliste. Mais évidemment, je me suis vu à Musique Plus en 96-97, genre. C’était l’âge d’or. Je n’avais pas nécessairement l’ambition d’être VJ. Je préférais la job de reporter pour l’émission Fax. J’aimais beaucoup Geneviève Borne et Pierre Landry. Les dates sont floues dans ma mémoire, mais j’ai aussi longtemps voulu être Olivier Robillard-Laveaux. J’ai appris à écrire sur la musique en le lisant dans le Voir.

Avez-vous été musicien? Racontez-nous votre carrière.

Je suis un guitariste en dilettante : j’ai toujours passé davantage de temps à écouter de la musique qu’à n’en jouer. Je nourris encore l’idée d’avoir un groupe de post-rock ou d’enfin faire aboutir mon projet « stoner-bluegrass », Texaco. Si un jour ça sort, vous allez voir, ça va être crotté que’q chose de rare !

 

SUR L’INDUSTRIE MUSICALE

En vivez-vous?

Non. Je suis bénévole pour les deux plateformes susmentionnées. Mais je suis souvent appelé à écrire et à parler de musique à Radio-Canada. D’ailleurs, l’un de mes derniers reportages portait sur KNLO.

Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver?

C’est une bonne question à laquelle, malheureusement, je ne pense pas avoir de réponse. Je pense qu’il est effectivement encore possible de gagner sa vie dans l’industrie. Les ventes de disques ne cessent de péricliter, mais les arts de la scène ont des besoins constants de main-d’œuvre. Même chose dans l’événementiel et en communications. D’ailleurs, gros shout out aux gens dédiés de l’industrie qui travaillent leurs 35 heures, mais qui sont dans les salles 3-4 voire même 5 soirs par semaine. Vous êtes crinqués !

Les labels québécois vont bien aussi, il me semble. Pour ce qui est de gagner sa vie en tant que musicien, je préfère vous donner des noms de gens à contacter pour répondre à cette question.

Quelles rencontres ont été déterminantes dans votre carrière dans l’industrie musicale?

J’en ai parlé rapidement plus haut, mais avoir sa première chance dans un média musical à Bande à Part, c’est comme s’acheter une Tesla comme premier char. Sans revenir sur les tristes circonstances de la fin de cette aventure, je dirais qu’il y avait du monde passionné en capitaine au 15e étage de la tour brune. Salut aussi à Yuani, Be, Big, Julien et Alex.

Évidemment, je dois dire aussi, pas juste pour être téteux que la rencontre de Gwen chez Camuz et de Stef et LP au Canal ont été déterminante au sens où j’apprécie leurs visions et leur audace de porter à bout de bras des médias culturels indépendants, libres et qui misent sur la qualité du contenu plutôt que sur les clics à tout prix.

Charles (Summum, Le Canal Auditif), Klimbo (Voir), Bruno Georget et Seb Brutal (Boulevard Brutal) et Chistophe (Voir)

Charles (Summum, Le Canal Auditif), Klimbo (Voir), Bruno Georget et Seb Brutal (Boulevard Brutal), Jean-Simon et Chistophe (Voir)

Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle?

Je travaille comme journaliste à temps plein, mais j’ai souvent hâte de rentrer à la maison pour jeter quelques idées dans un Google docs (Windows? connais pas!) ou pour critiquer un album qui tourne en boucle dans mes oreilles depuis quelque temps. J’aime la liberté que nous avons pour choisir nos sujets et nos angles de livraison. Et j’apprécie le feedback ! C’est un luxe que nous n’avons pas toujours dans le tourbillon d’une salle de nouvelles.

Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui?

Il faut d’urgence établir un modèle qui permettrait de mieux payer les musiciens : pour les gigs et la mobilité et pour les redevances sur les ventes d’albums.

Il faudrait aussi que le monde arrête de jaser dans les shows et de déserter la salle 15 minutes avant que la tête d’affiche ne monte sur scène. Je sais que pour certains milléniaux, faut se coucher tôt pour être en forme au brunch du lendemain, mais j’ai souvent envie de lâcher un « franchement la gang ».

Peut-être que si moins de monde se faisait mettre sur la guest list le public présent serait plus engagé… On jase.

Quel grand rêve n’avez-vous pas encore accompli?

Pour vrai, j’aimerais écrire pour Rolling Stone. Pas juste pour être comme le p’tit gars dans Almost Famous, mais surtout depuis que Brandon Geist en est devenu l’éditeur. Il était anciennement au Revolver et il est débarqué au RS avec un background très heavy et métal. J’aime ce qu’il fait avec l’auguste magazine.

rolling-stone-magazine

Le vinyle, la cassette, le CD ou le numérique?

J’aime les objets musicaux, peu importe le support. J’aime que les artistes recommencent à faire des cassettes, c’est plus simple pour eux : coûts moindres et gestion minimale d’inventaires. Les vinyles, c’est assez trippant ce qui se passe de ce côté-là et quand l’artiste pousse son concept jusque dans la pochette, ça fait des beaux objets de collection ou de référence. Pour avoir dépensé mes paies en disques compacts par contre, je dois dire que ce support est encore mon préféré. J’aime l’odeur du CD neuf. Faut pas chercher à comprendre. Mes parents disent d’ailleurs que j’ai plus de CDs que de Legos, ce qui n’est pas peu dire (oui, j’ai encore mes Legos).

Évidemment, si on s’emparait de mes disques durs externes remplis de musique, ça serait la catastrophe. Je passerais sans doute la semaine en boule dans mon garde-robe en écoutant du The Cure.

 

SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE

Vos styles de musique préférés? Est-ce que ç’a toujours été le cas dans votre vie?

Je suis un maniaque de tout ce qui est rock des trente dernières années, mais j’écoute maintenant davantage de post. Post-rock bien sûr, mais surtout du post-métal et du post-hardcore. Sur Camuz et Le Canal auditif, vous allez d’ailleurs davantage me lire sur des groupes de Vikings fâchés. Mais globalement, j’aime les concepts d’albums, j’aime la recherche musicale, le souci du détail, le multicouche et l’émotion suggérée. Certains trouvent cette musique prétentieuse ou carrément pas écoutable. Je trouve plutôt qu’elle élève l’esprit.

Mais tsé, j’écoute du vieux Death Cab For Cutie aussi là.

Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus).

Panopticon de ISIS,
Check Your Head des Beastie Boys,
White Pony de Deftones,
l’album blanc des Beatles,
St. Anger de Metallica, mais juste pour faire des jokes sur le son du snare.

Playlist!

 

Quel est l’artiste le plus sympathique que vous ayez rencontré?

Probablement Nic Basque de Plants and Animals. Ou Jesse Matthewson de KEN Mode. Il fait peur sur scène avec son charisme de désaxé mental, mais c’est un très gentil garçon. Côté franco, salut à Sébastien Séguin et Simon Gauthier, respectivement des Dales Hawerchuk et de PONI / Deux Pouilles en Cavale, et à Sunny Duval (je suis encore disponible pour écrire ta bio au moment choisi!).

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Avec Jesse Matthewson de KEN Mode

Moment surréaliste d’entrevue : la fois où j’ai parlé pendant une heure et demie à Bob Log III avec douze heures de décalage. Je sirotais mon premier café à 7 h du matin à Montréal alors que lui se sifflait des bières à 19 h à Melbourne.

Qu’est-ce qui rend un artiste désagréable? Pouvez-vous raconter une situation qui vous est arrivée où il y avait malaise, ou un comportement désagréable?

Généralement les entrevues avec des artistes qui sont dans leur van de tournée, ça donne toujours des résultats décevants. Il y a aussi les artistes qui méprisent la promotion de leurs albums et de leurs tournées et qui considèrent qu’une réponse de trois syllabes c’est suffisant pour écrire un article. Je pense aux gars de Black Rebel Motorcycle Club et The Dodos.

À l’opposé du désintérêt, certains artistes sont au fait de tout ce qui se dit et s’écrit sur leur groupe. C’est le cas du leader d’un quintette montréalais bien en vue qui, même si on croit qu’il ne comprend pas le français, décortique chaque critique dans ses moindres détails. Disons que dans ce cas précis, un 6,5 / 10 mérité, pour un album touffu et épars, m’a valu quelques semaines plus tard une entrevue passive agressive dans laquelle je me suis fait traité de « jackass ». Pour les curieux, les deux textes en question remontent à novembre et septembre 2015 et sont disponibles sur le site de Camuz.

jean-simon fabien

au show de Great Sabatini au Turbo Haüs

Quel artiste brillant aurait dû percer davantage, selon vous?

C’est une question un peu contre-intuitive à poser à un amateur de post-métal… Que signifie « percer » quand tu fais de la musique en dehors des cadres ? Si on parle de « percer » comme Neurosis, ou ISIS, je dirais que je suis content de voir la reconnaissance qu’est en train de gagner Cult Of Luna de ce côté-ci de l’Atlantique. Sinon, j’aurais aimé que Botch ne se sépare pas et que plus de gens écoutent Torche.

Mais si je me prête au jeu de la question, je trouve que Sam Roberts mériterait une carrière moins à l’ombre. Comme les Stills pourtant promis à une brillante carrière.

Célestin Laperrière aurait aussi pu percer davantage.

Playlist découverte!

 

Qui aimeriez-vous rencontrer?

J’aimerais boire des pintes avec Tegan et Sara, embrasser la Cat Power de 2006 et partir en roadtrip avec Eddie Vedder.

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Tegan and Sara

Beau programme! Quelque chose à rajouter?

Je suis un peu « jackass » pour vrai.

Haha, merci Jean-Simon!

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About The Author

Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.