Karen Young est un joyau. Une chanteuse extraordinaire. Ceux et celles qui suivent le jazz et la chanson depuis les années 70 le savent, mais peut-être pas les plus jeunes. Lorsqu’on parle de talents internationaux produits à Montréal, on mentionne souvent Leonard Cohen, Oscar Peterson et Gino Vannelli mais de cette glorieuse époque, il faut absolument mentionner Karen Young.

Cette grande dame a suivi un chemin atypique depuis la fin des années 60, moment de son arrivée dans le paysage musical montréalais. Beaucoup plus proche des hippies (autant dans l’esprit, la tenue vestimentaire et les choix artistiques) que des jazzmen, Karen Young a emprunté bien des avenues au fil des ans. Young a touché au folk, à musique du monde, au style médiéval (album “Âme, corps et désir”, 2007), à l’électro jazz (album “Electro-Beatniks”, 2009), composé des musiques de film et même trempé dans des projets de musique psychédélique! Son duo avec le contrebassiste Michel Donato, à la fin des années 80, l’a propulsé sur la scène mondiale.

Comme Joni Mitchell et presque Brigitte Fontaine (sans la folie), cette inclassable artiste est souvent sortie des balises du jazz (bien que ce soit un genre particulièrement ouvert aux expérimentations). Quiconque l’a entendu chanter sur scène sait à quel point la voix de Young est belle, puissante et précise et à quel point la dame, maintenant âgée de 64 ans, est une virtuose.

Venons-en à son nouvel album, intitulé “You Make Me Feel so Young”, paru sur sa propre étiquette URSH en septembre dernier. C’est un album beaucoup plus axé sur les standards jazz, et le jazz swing. Qu’elle exécute parfaitement bien. Sur So In Love (de Cole Porter), elle se laisse quand même plus aller, laissant libre cours à de belles lancées un peu plus hors normes. Ses acolytes la laissent complètement mener le jeu. Le style de Sylvain Provost rappelle celui du légendaire Joe Pass sur Ask Me Now, sans toutefois ne jamais voler la vedette. Le grand contrebassiste Normand Guilbeault complète le trio.

Voici quelques chansons récentes.

 

L’audace apparaît davantage en milieu d’album. Si les pièces d’ouverture You Make Me Feel So Young (musique Josef Myrow, paroles Mack Gordon) et Be Cool (de Joni Mitchell justement) restaient dans le moule du jazz relax, Chief Crazy Horse prend un angle différent avec, dès le départ, une guitare distortionnée et même un solo plus audacieux en milieu de morceau. La pièce de Wayne Shorter est moins mélodique, et c’est très bien ainsi: on sort des sentiers battus!

Le trio Young-Provost-Guilbeault s’attaque, de façon épurée à Ask me now (musique Thelonious Monk, paroles Jon Hendricks), Strange feeling (Billy Strayhorn), Tickle toe (musique Lester Young, paroles Jon Hendricks), Mourir pour des idées (Georges Brassens) et Nature boy (Eden Ahbez).

À noter : le 2 novembre dernier, la polyvalente artiste avait lancé ce qu’elle considère comme l’œuvre la plus importante de sa carrière : « Missa Campanula », une messe polychorale en latin chantée a cappella dédiée à sa défunte mère Lorna Bell Chadwick, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Karen Young est la mère de l’auteure-compositrice-interprète Coral Egan.

KAREN YOUNG
You Make Me Feel So Young
(URSH Records, 2015)

-Genre: chanson jazz
-Dans le même genre que Joni Mitchell, Ella Fitzgerald

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.