Le compositeur viennois Franz Schubert est reconnu comme le maître du lied – qui est le mot allemand pour « chant »; lieder au pluriel. Il mettait en musique des poèmes provenant de différents écrivains et poètes. À sa mort en 1828, à l’âge de 31 ans, Schubert avait composé plus de 600 lieder. De cette production, trois cycles pour piano et voix se démarquent. Le plus célèbre de ceux-ci est Winterreise (Le Voyage d’hiver), constitué de 24 lieder. Schubert est d’ailleurs le premier, après Beethoven en 1816, à avoir assemblé thématiquement et de manière cohérente un groupe de chansons. Ce chef-d’œuvre a évidemment été enregistré des dizaines et des dizaines de fois, mais le duo du baryton allemand Dietrich Fischer-Dieskau et du pianiste anglais Gerald Moore est inégalable.

Schubert a composé Winterreise durant les derniers mois de sa vie. Il a utilisé les 24 textes du cycle écrit par le poète romantique allemand Wilhelm Müller. Dans le récit, le plus gros de l’action s’est déroulé alors que débute le premier lied. La femme du narrateur a été conquise par un autre homme, et notre héros est complètement désemparé et quitte la ville (Gute Nacht). Il entame ainsi une errance, où son pas sera lourd, autant que ses souvenirs qui reviendront le hanter (Erstarrung). Le voyage est donc autant physique que mental (Irrlicht), extérieur qu’intérieur (Rückblick). Métaphorique et poétique à souhait, le texte rend bien cette dualité. Une légère éclaircie survient (Der Lindenbaum), mais le narrateur retombe rapidement dans un état désespéré (Wasserflut).
On peut écouter le cycle au complet ici. On trouve une traduction fidèle des textes en suivant ce lien.

Les 12 premiers lieder abordent le thème du deuil amoureux, alors que les 12 derniers font état du délabrement physique et mental du protagoniste : il sombre lentement mais sûrement dans la folie et le désespoir (Letzte Hoffnung). Il se dirige vers une route inconnue (Des Wegweiser), où il rencontre en fin de parcours un joueur de vielle (Der Leiermann). Le narrateur semble y voir son double, mais aussi celui qui pourrait bien être le messager de la mort. Comme lui, personne ne veut l’écouter, mais le joueur de vielle n’en a cure, il continue à jouer.

La performance des deux interprètes sur ce disque qui a été remasterisé en 2011 est tout simplement parfaite. On comprend rapidement pourquoi Dietrich Fischer-Dieskau est considéré comme l’un des plus grands chanteurs du 20e siècle. Sa justesse de ton et d’émotion rend justice à l’œuvre. Dans les moments plus calmes, il est lumineux et tout en contrôle, comme dans les magnifiques Der Lindenbaum et Gute Nacht. Il est aussi capable d’être hargneux, puis mélodieux dans le même lied (Frühlingstraum). Gerald Moore se révèle être un excellent accompagnateur. Il laisse la place au chanteur, mais n’hésite pas à la prendre lorsque nécessaire. Les notes de son piano nous accompagnent de belle manière dans cette longe marche.

Winterreise est donc un chef-d’œuvre poétique, littéraire et musical, interprété ici par deux musiciens de grande renommée et d’immense talent. Par moments froid, voire glacial, le cycle de lieder révèle cependant ses charmes et sa puissance émotive après plusieurs écoutes, à qui veut évidemment y prêter une oreille attentive et sensible. Le duo de Dietrich Fischer-Dieskau et Gerald Moore a merveilleusement bien capté la signification de l’œuvre et la rend avec intelligence et acuité.

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DIETRICH FISCHER-DIESKAU et GERALD MOORE
Schubert : Winterreise
(Harrison James Music, 2011)

-Genre : classique, lieder romantique
-Dans le même genre que Schumann, Bramhs, Hugo Wolf

Lien vers l’achat en ligne (iTunes)

DIETRICH FISCHER-DIESKAU : Grand interprète de SCHUBERT
Originalité95%
Authenticité95%
Accessibilité75%
Direction artistique100%
Qualité musicale100%
Textes95%
93%Overall Score
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.