Cet article est le deuxième d’une série de deux sur les deux premiers albums de The Band. Cliquez ici pour lire le premier.

« Music From Big Pink » a causé toute une sensation dans le monde de la musique rock. Le « son nouveau » que représentait cet album a séduit ceux qui ne se retrouvaient plus dans les excès de la musique de la contre-culture hippie. Musicalement parlant – pour l’instant -, une sorte de retour à la terre semblait s’amorcer, et Dylan, The Byrds (avec leur album country-rock « Sweetheart Of The Rodeo ») et The Band étaient à l’avant-garde de ce mouvement qui n’en était pas vraiment un.

Le deuxième album de The Band a confirmé ce que « Music From Big Pink » avait révélé : le talent des cinq musiciens du groupe est immense. Robbie Robertson, Rick Danko, Richard Manuel, Garth Hudson et Levon Helm ont perfectionné leur art et offert un album encore meilleur que le premier, si c’était possible. Enregistré dans un studio de Los Angeles, cet album éponyme (il est aussi appelé « The Brown Album » en raison de la couleur de l’austère photo de couverture) est un album-concept portant sur le sud américain. Le sud profond, d’où était originaire Levon Helm, mais que les quatre autres n’avaient pas connu, étant Canadiens.

« Music From Big Pink » avait été composé de manière collaborative, alors que presque tous les membres du groupe avaient contribué à l’écriture des chansons. Ce deuxième album est toutefois dominé par Robertson, qui a écrit seul 8 des 12 pièces du disque, et coécrit les quatre autres. L’opus s’ouvre avec la très bonne Across The Great Divide. Elle installe l’ambiance de belle manière, avec une musique vivante et mélodique, chantée par Manuel. Les personnages sont bien ancrés dans le sud américain, à l’époque de la Guerre civile, ou peu après. L’idéal américain de repartir à zéro dans le « Nouveau monde », est bien décrit : « Across the great divide, Just grab your hat, and take that ride. Get yourself a bride, And bring your children down to the river side ».

Avec une allure presque improvisée, Rag Mama Rag est une joyeuse chanson de bar avec le piano ragtime d’Hudson, le violon country de Danko et le tuba joué par le réalisateur John Simon. Comme la précédente, The Night They Drove Old Dixie Down est superbement interprétée par Levon Helm. Musicalement parfait, ce grand classique raconte l’histoire de Virgil Caine, soldat pour les États confédérés, qui rentre chez lui après la Guerre civile et doit recommencer à cultiver la terre après la défaite. De la Virginie au Tennessee, les images sont fortes et évocatrices. Funky au possible, Up On Cripple Creek est mémorable pour le motif joué par Hudson au Clavinet – piano électrique -, traité avec une pédale wah-wah.

L’album est également sensationnel pour les ballades qu’on y trouve. Whispering Pines est toute en délicatesse, avec le superbe piano, l’orgue planant et la subtile guitare classique. Manuel fait le chant principal, et est rejoint à mi-chemin par Helm, avec qui il échange ces magnifiques couplets sur la solitude et le désespoir : « Standing by the well, wishing for the rains. Reaching to the clouds, for nothing else remains ». Manuel se surpasse également sur la splendide Rockin’ Chair, où il incarne un septuagénaire qui se repose en Virginie avec son bon ami Ragtime Willie. L’accordéon d’Hudson donne une parfaite ambiance à la chanson. Envoûtante avec ses passages de saxophone et de guitare acoustique, The Unfaithful Servant est chantée avec sincérité par Danko, tout comme la sympathique When You Awake.

Complexe et dense, avec d’excellentes contributions de tous les musiciens, King Harvest (Has Surely Come) est une des meilleures pièces de l’album. Look Out Cleveland est un blues joué avec férocité, au propos urbain, en contraste avec les autres chansons. Jawbone et Jemima Surrender ont aussi beaucoup de mordant. On peut par ailleurs constater la polyvalence des cinq musiciens, alors que Manuel s’installe à la batterie sur Jemima Surrender, comme il avait fait sur Rag Mama Rag.

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The Band : Rick Danko, Levon Helm, Robbie Robertson, Richard Manuel et Garth Hudson

La cohésion de cet album est tout simplement fantastique. Des ballades et des morceaux plus intenses s’alternent de manière harmonieuse. Ce qui rend « The Band » unique, c’est la combinaison des cinq individualités qui composent le groupe : Robbie Robertson a un jeu de guitare électrique très particulier; Garth Hudson apporte d’imaginatives contributions à l’orgue; Levon Helm est un batteur hors pair; Richard Manuel est un excellent pianiste; Rick Danko a un groove très fluide qui convient aux chansons. Les trois derniers sont aussi d’admirables chanteurs, à la personnalité différente, mais complémentaire. Ils sont autant capables de prendre la tête que d’harmoniser.

La sortie de cet album, en septembre 1969, a permis au groupe d’obtenir une popularité encore plus grande. Mais avec cela sont venues plus de pression et de responsabilités. C’est sûrement une des raisons pour expliquer les déboires du groupe dans les années suivantes, exacerbés par l’autorité parfois étouffante de Robertson et l’effritement des liens d’amitié. « Stage Fright », paru en 1970, est un très bon album, mais n’égale pas les deux premiers opus. Quelques excellentes chansons ici et là se retrouveront sur les quatre albums suivants, mais le cœur y était moins. Avant de tirer sa révérence, The Band a offert un magnifique cadeau à ses supporters, avec  « The Last Waltz ». Réalisé par Martin Scorcese, ce concert/album/documentaire musical sortira en 1978 et marquera de belle manière la fin de ce groupe légendaire, unique dans l’histoire du rock. Ce sont toutefois les deux premiers albums de The Band qui auront bâti cette légende.

the band 1969

THE BAND
The Band
(Capitol Records, 1969)

-Genre : Roots rock
-Dans le même genre que Bob Dylan, Neil Young et Van Morrison

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THE BAND : La confirmation
ORIGINALITÉ 95%
AUTHENTICITÉ 100%
ACCESSIBILITÉ 90%
DIRECTION ARTISTIQUE100%
QUALITÉ MUSICALE100%
textes95%
97%Overall Score
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.