Cet article est le deuxième d’une série de deux sur le renouveau créatif des Beach Boys au début des années 70. Cliquez ici pour lire le premier.

Les Beach Boys sont revenus en force en 1970 avec l’excellent « Sunflower ». Malheureusement, le succès artistique et critique ne s’est pas transformé en un succès commercial. Alors que le groupe aurait pu tout simplement se décourager, il persévère, empruntant une autre direction et poursuivant les efforts collectifs. Après la sortie de « Sunflower », les Beach Boys ont engagé Jack Rieley pour leur servir de gérant. Rieley a voulu redonner une nouvelle pertinence au groupe en insistant pour que les auteurs-compositeurs politisent davantage les textes de leurs chansons. Mais ce qui retiendra surtout l’attention et ramènera un succès commercial aux Beach Boys, c’est la chanson-titre de leur 17e album, « Surf’s Up ».

Avec l’abandon de l’ambitieux projet « Smile », qui devait surpasser le « Sgt. Pepper » des Beatles, Brian Wilson s’était condamné à vivre dans le passé. Il était constamment questionné sur cet album qui n’avait pas vu le jour, mais qui prenait de plus en plus des proportions mythiques. Alors que « Surf’s Up » était presque terminé, Rieley avait finalement réussi à ressusciter Surf’s Up, que Brian avait coécrite avec Van Dyke Parks en 1966. La légende de cette pièce remontait notamment à son inclusion dans le documentaire Inside Pop: The Rock Revolution. Enregistrée en décembre 1966 et diffusée en avril 1967, l’émission était animée par le compositeur et chef d’orchestre Leonard Berstein, et on y voyait Brian jouer Surf’s Up, alors inédite mais qui devait paraître sur « Smile », en solo au piano.
On peut justement écouter l’extrait qui a été diffusé dans Inside Pop: The Rock Revolution. La voix hors champ qu’on entend est celle du réalisateur, David Oppenheim.

Des enregistrements de Surf’s Up de 1966, il subsistait seulement l’instrumentation de la première section de la chanson et un démo de Brian au piano pour la deuxième section. Carl, le plus jeune des frères Wilson, a donc fait un peu de collage. Il a ajouté sa superbe voix à la première section et y a ajouté ensuite le démo, légèrement modifié, de Brian. La troisième et dernière section a été recomposée à partir d’une autre pièce mise à l’écart à l’époque de « Smile », Child Is Father Of The Man. Les dernières paroles sont chantées par Al Jardine : « A children’s song, have you listened as they played? Their song is love, and the children know the way ». Les trois sections tiennent merveilleusement bien ensemble, s’enchaînant de manière parfaite. Les paroles de Van Dyke Parks sont plutôt énigmatiques et métaphoriques, décrivant une révélation spirituelle qui doit ramener à la pureté et à l’innocence de la jeunesse. On est loin de Surfin’ USA : les Beach Boys avaient quitté la plage pour de bon.

La nouvelle version de Surf’s Up complète finalement une suite de trois chansons composées par Brian qui se retrouvent à clore cet album. L’atmosphérique et étrange A Day In The Life Of A Tree inaugure la suite. Le propos environnementaliste, grandement fataliste, peut être aussi être vu comme une analogie sur la vie de Brian. La très belle ‘Til I Die est toutefois sans équivoque : « I’m a leaf on a windy day. Pretty soon I’ll be blown away. How long will the wind blow? ».
Voici une sélection de pièces parues sur l’album.

Dennis Wilson, le seul surfeur du groupe, est malheureusement peu audible sur ce disque, alors que sa participation avait été très importante sur « Sunflower ». Al Jardine revient plus au devant, lui qui fait le chant principal sur quatre chansons. D’inspiration folk psychédélique, la très bonne Lookin’ At Tomorrow (A Welfare Song) s’inscrit bien dans son époque. Pour sa part, la très entraînante Take A Load Off Your Feet a été récupérée des interminables sessions d’enregistrement du précédent opus. La jolie et nostalgique ballade Disney Girls (1957) a été composée et chantée par Bruce Johnston. Chantée et écrite par Carl, Feel Flows est une inventive pièce à saveur progressive et psychédélique, pleine de synthétiseurs et d’effets sonores. Carl a aussi composé la très belle Long Promised Road, sur laquelle il a joué tous les instruments.

Comme on l’a dit plus haut, le groupe avait été incité par Jack Rieley à composer des chansons plus engagées socialement. La première pièce du disque, Don’t Go Near The Water, fait même dans l’ironie. En même temps qu’elle dénonce la pollution des cours d’eau, elle dit finalement de se tenir loin de l’eau, qui était pourtant un élément central du surf-rock des débuts du groupe. Une fois de plus, la rupture avec le passé semble consommée. La dynamique Student Demonstration Time est cependant beaucoup moins convaincante, et même proche de l’opportunisme. Mike Love a écrit et chanté cette pièce, qui est en fait une réécriture de Riot In Cell Block Nine, composée par Jerry Leiber et Mike Stoller et popularisée par The Robins. Love s’est basé sur la tuerie de Kent State, qui avait aussi inspiré Neil Young à l’époque.

Même si « Surf’s Up » a été légèrement moins réussi que « Sunflower », il a tout de même permis aux Beach Boys de renouer avec un succès populaire qui leur échappait depuis quelques années. Cet effort a toutefois marqué un important recul dans la condition psychologique déjà fragile de Brian Wilson. Peut-être était-ce dû à l’anxiété causée par le dépoussiérage de Surf’s Up? Quoi qu’il en soit, sur les albums suivants, Brian Wilson a été effacé, ou sinon ses contributions n’ont pas été à la hauteur de son talent. Le premier des nombreux « retours » de Brian se fera avec l’opus plutôt ordinaire « 15 Big Ones », en 1976, qui le créditera comme réalisateur pour la première fois en dix ans. L’incursion dans la chanson contestatrice sera aussi de courte durée, heureusement. Mais « Surf’s Up » aura au moins pu prouver l’immense talent de Carl Wilson, le plus jeune des trois frères. C’est donc lui qui aura donné une impulsion au dernier grand album des Beach Boys.

beach boys surf's up
THE BEACH BOYS
Surf’s Up
(Brother Records, 1971)

-Genre : rock sophistiqué
-Dans le même genre que The Beatles, The Lovin’ Spoonful et The Zombies

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Les BEACH BOYS quittent la plage
ORIGINALITÉ 80%
AUTHENTICITÉ 95%
ACCESSIBILITÉ 90%
DIRECTION ARTISTIQUE95%
QUALITÉ MUSICALE95%
TEXTES 80%
89%Overall Score
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.