Rivers Cuomo a été accusé de tout au fil du temps: d’être un éternel adolescent, de ne plus avoir le coeur à l’écriture, d’avoir volontairement transformé Weezer en groupe power pop pour ne pas assumer ses responsabilités émotives, tout y passe… Et pourtant, à chaque album, on veut y croire et lui donner à nouveau une chance. Et chaque fois depuis Make Believe, on a presque l’impression de faire rire de nous.

Rivers est le premier à se défendre, disant faire la musique qu’il aimerait entendre et que c’est simplement nos oreilles qui sont figées dans le temps. Et la théorie n’est pas complètement folle: est-ce notre faute de chercher à revivre ce que sa musique nous faisait vivre à l’adolescence, alors que (assumons le) nous sommes maintenant vieux et que notre oreille musicale n’est plus la même? Peu importe la valeur de cette hypothèse, reste que personne ne pourra convaincre objectivement que, par exemple, “Beverly Hills” est du même calibre que “Across The Sea” (juste écrire une telle hypothèse me donne des frissons).
(voici l’insert où je posterais normalement le vidéo de “Beverly Hills”, mais rien à faire, je refuse même d’entendre la première note).
Ceci étant dit, que penser de cet énième retour? Weezer a pris 4 ans avant ce nouvel album, sa plus longue pause depuis la dépression post-Pinkerton/pré-Green Album. Rivers semble en avoir profité pour faire une nouvelle introspection sur sa place dans la famille rock actuelle; alors que “Memories”, premier extrait de l’album précédent Hurley, se voulait nostalgique sur les débuts du groupe, “Back To The Shack”, premier extrait de ce nouvel opus, reprend la même veine en mettant cette fois l’accent sur les attentes du public. Il revient sur là où ça a dérapé, clamant notamment “Maybe I should play the lead guitar and Pat should play the drum”. C’est sympathique et presque libérateur, mais ça tombe rapidement dans le pastiche plus que l’essence même de ce que le groupe représente. La balance entre guitares saturées et mélodies pop est si incongrue qu’on ne comprend plus trop vraiment ce qu’on écoute… et on se lasse rapidement.

Et c’est un peu le problème de tout l’album: la plupart des pièces ont quelques qualités notables, mais finissent a peu près toutes par sonner comme une parodie d’un autre Weezer. Qui plus est, disons-le, pour la portion médiane la ligne est mince entre leurs nouvelles compositions et le répertoire complet de All American Rejects.
“Lonely Girl”, pas mauvaise du tout, ressemble néanmoins à une face B du Green Album, “The British are Coming” nous ramène à la plaisanterie du Red Album et de Raditude (vous l’aviez oublié hein? Pas moi, incapable), puis “Go Away”, chantée en adorable duo avec Bethany Cosantino (Best Coast) rappelle les quelques (peu) moments intéressants de Hurley. C’est donc sous cet angle que la sauce se gâte: tous les moments rappellent le passé, mais pas celui qu’on cherche à re-capturer des premiers albums, et ce malgré la présence de Ric Ocasek à la console.

Le point de salut vient de la finale en 4 temps, d’abord “Foolish Father” qui nous fait le coup de la chorale avec la phrase titre et nous donne envie de chanter le bonheur en se disant que tout ira bien. C’est surtout le triptyque final, “The Futurescope Trilogy  (“The Wasteland”, “Anonymous” et “Return To Ithaca”), qui s’enchaînent à merveille sur des envolées quasi métal pop à la Van Halen, rappelant le très assumé et sous estimé Maladroit, album que je défendrai même six pied sous terre, qui nous fait croire que le goût de l’exploration est encore présent. Ça donne envie d’y revenir, mais surtout d’avoir enfin peut-être envie d’une suite.

Le groupe semble avoir finalement compris que son avenir est indissociable de son passé et grand bien lui fasse, maintenant il ne lui reste plus qu’à bâtir sur sa légende plutôt que piller ses ressources. En attendant, on a quelque chose qui permet de bouger la tête de façon un peu moins gênante que les efforts précédents.

WEEZER reviennent de loin, mais pas au bon endroit
Un album authentique et inégal qui ressasse le passé efficacement, sans être le retour en forme souhaité.
Originalité 25%
Authenticité 80%
Accessibilité 70%
Direction artistique 40%
Qualité musicale 60%
Textes 50%
54%Overall Score
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Obsessif compulsif qui classe ses albums d’abord en ordre alphabétique d’artistes, puis de parutions (avec les simples sous les albums, question de confondre encore davantage les gens qui le visitent), Karl-Philip oeuvre dans l’industrie depuis plus d’une décennie. Il a touché à tout: maisons de disques, gestion de salles de spectacle et rédaction professionnelle pour de nombreux artistes. Il assiste à de nombreux shows lorsqu'il n'est pas désespérément en train d'essayer de faire de la place dans sa bibliothèque musicale.