Voici l’improbable rencontre du New-yorkais avec le Guinéen qui n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre. C’est une aventure musicale unique à laquelle le guitariste et chanteur Joe Driscoll et le joueur de kora (parfois électrique!) Sekou Kouyate convient les oreilles les plus allumées. Un voyage dans les genres, clairement, mais également entre les époques. Kouyate revisite les sonorités de son instrument traditionnel avec une belle variété d’effets pour lui donner un modernisme encore jamais vu. Driscoll amène un groove et un « street talk » qu’on n’entend habituellement pas dans la musique world.

Ça commence fort avec la pédale wah wah sur la kora (Tanama) : un exercice de style qui rappelle ce que le violoncelliste québécois Claude Lamothe faisait au début des années 90 alors qu’il « hendrixais » son instrument de façon flamboyante. Le duo Driscoll-Kouyate a visiblement développé une belle complicité, bien au-delà de l’interprétation des instruments.

Les rythmes reggae croisent les notes africaines (Passport) avec souplesse et entrain. La lourde basse transmet un groove irrésistible tout au long de ce nouvel album, intitulé « Faya ». Difficile de ne pas bouger sur Lady. Entendre une guitare électrique jammer avec une kora (Faya) est un plaisir rare, et rarement réussi. Certains trouveront que la réalisation de « Faya » est un peu ordinaire. Je suis plutôt d’avis que la simplicité avec laquelle cette musique est livrée rend un sentiment de proximité avec chaque musicien (Ghetto Many).

L’improbable rencontre entre le guitariste et chanteur américain Driscoll et le musicien natif de Guinée Kouyate s’est produite au festival Nuit Métis, à Marseille en 2010. Les deux musiciens qui ne pouvaient échanger en paroles (l’un est anglophone l’autre francophone, aucun ne comprenant la langue de l’autre) durent travailler ensemble pendant une semaine pour monter un concert de musique originale, basée sur leur rencontre « forcée ». Les deux hommes n’ont pas vraiment eu besoin d’interprète puisqu’ils se sont superbement bien entendus sur le plan musical : ils se sont produits plus de 120 fois en duo, ont formé un groupe avec lequel ils ont enregistré le magnifique « Faya ».

Seul défaut de ce disque : plusieurs pièces se terminent trop vite, comme le délicieux reggae Wonamati qui disparaît en « fade out » après trois petites minutes, alors qu’on sent que les musiciens ont envie de jouer encore longtemps. Un beau problème!

Les deux artistes jouent ensemble au Festival International Nuits d’Afrique, le 10 juillet 2014, au Balattou. Cliquez ici pour des billets.

Faya

JOE DRISCOLL AND SEKOU KOUYATE
Faya
(Cumbancha, 2014)

– Genre. : métissage folk rock / world
– D’autres artistes avec la même démarche : Kouyate-Neerman, Nicolas Repac, Sissoko-Segal

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.