L’annonce cette semaine de l’obtention du Prix Nobel de la Littérature par Bob Dylan me donne l’occasion de ressortir la critique de son album “Tempest”, de 2012, paru la même semaine que celui de son fils Jakob.

Coïncidence ou synchronisation? Voilà qu’à quelques semaines d’intervalles en novembre 2012, Bob Dylan et son fils Jakob publient respectivement des albums (« Tempest » pour le père et « Glad All Over » pour le fils avec son groupe The Wallflowers). On se plonge dans l’univers Zimmerman.

Un nouvel album des Wallflowers attire toujours l’attention d’abord et avant tout parce qu’il s’agit du groupe du fils d’une des plus grandes voix de l’Histoire du Rock: Jakob Dylan, fils de Bob. Comme Adam Cohen, le fils tente de faire son propre chemin alors que des éléments essentiels (la voix, les textes) ne peuvent que rappeler l’œuvre du paternel. On s’entend que ces deux fils ont de la pression: leurs pères comptent parmi les plus grands poètes du rock, des légendes vivantes – rien de moins!

Les Wallflowers ont connu leur juste part de succès à la fin des années, notamment avec le tube One Headlight qui s’était fait remarquer. On les a un peu oubliés depuis. Dylan jr a publié quelques albums solos sans succès notoires. Les revoici avec un nouvel album, leur 6e, leur premier depuis « Rebel, Sweetheart » datant de 2005. Jakob Dylan a publié deux albums solos, en 2008 et 2010 qui ont tous deux connu du succès aux États-Unis (#8 et #2 sur les palmarès, respectivement).

 

« Glad All Over » est un solide album rock qui rappelle peut-être davantage Elvis Costello (It’s a Dream) que le paternel. Jakob a bien sûr la voix de son père, mais en version « bien plus en forme ». Douce, soyeuse, mais quand même virile, la voix de Dylan est beaucoup moins nasillarde que celle de son père au même âge. Le rock des Wallflowers est formaté pour la radio: sans surprises, sans grands écarts d’intensité, sans jamais déroger du style folk rock standard (Love is a Country). À peine sent-on des guitares un peu inspirées de T-Rex sur le premier titre (Hospital for Sinners).

 

Dylan père, quant à lui, nous livre son 35e album de sa longue et prolifique carrière qui s’est amorcée dans les beaux jours du folk. Le patriarche du rock et du folk ne rajeunit pas. Alors âgé de 71 ans, l’homme continue à tourner (il était de passage le 16 novembre 2012 au Centre Bell, avec Mark Knopfler) de façon presque constante et à enregistrer des albums, à un rythme régulier malgré son âge vénérable. Pas question de retraite pour le barde de Duluth au Minnesota qui roule sa bosse depuis 1961.

Analyser son plus récent album, « Tempest », sans prendre en considération son immense carrière n’est pas possible. C’est tout un cheminement auquel on a assisté depuis 52 ans, un cheminement qui a donné des disques légendaires (« Blonde on Blonde », de 1968 à « Time out of Mind »  de 1997 pour n’en nommer que deux), mais aussi une bonne quantité d’œuvres qu’on aurait avantage à oublier. Combien de fois ai-je vu « Blood on the Tracks » (1975) ou « Slow Train Coming » (1979) dans les bacs de 33-tours usagés…

 

« Tempest » ne fait partie d’aucune de ces deux catégories. C’est un album qui s’écoute bien, mais qui n’a rien de transcendant. Ça commence de façon sympathique avec Duquesne Whistle qui rappelle les joyeux Traveling Wilberys (dont Dylan faisait partie avec George Harrison, Roy Orbison, Tom Petty et Jeff Lynne). Certains moments ressuscitent le blues folk de la fin des années 60 (Early Roman Kings) alors que d’autres s’étalent sur 6 ou 7 minutes, comme à la belle époque où le formatage n’avait pas encore été inventé. La voix de Dylan commence littéralement à se décomposer.

Elle n’a pas gardé la grâce de celle de Leonard Cohen (qui a 78 ans) ni l’énergie de celle de Paul McCartney, ni la justesse de celle de Brian Wilson (tout juste 11 mois plus jeunes que Bob). Moins nasillarde, certes, mais dorénavant pleine de grumeaux comme si Dylan trainait un rhume dans le gorgoton. Malgré ce détail, on se surprend à embarquer dans les histoires teintées de Far West (Tin Angel) dans lesquelles il y a toujours de la trahison, du sang et des amours impossibles.

 

On ne sent pas de bilan ni de sagesse ni de testament musical sur « Tempest ». Rien qu’une autre œuvre d’un grand qui refuse (ou ne peut?) se taire. Dylan garde une pudeur à laquelle on n’est plus habitués avec la nouvelle génération qui se confie à cœur ouvert dans un folk lo-fi, tels que Bon Iver, Eric Bachmann ou Sufjan Stevens tous des fils (ou même petits-fils!) spirituels de Dylan.

Avec « Tempest », Bob Dylan plaira à ses fans de longue date ainsi qu’aux amateurs de textes qu’il faut décortiquer pour en découvrir le sens. Le maître de la parabole a encore frappé. Ceci dit, il est difficile d’imaginer que « Tempest » en tant que tel sera une influence pour une grande masse de musiciens folk, ou autres.

 

wallflowers-glad-all-over

THE WALLFLOWERS
Glad All Over
(Columbia, 2012)
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BOB DYLAN
Tempest
(Columbia, 2012)
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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.