C’est tentant de remettre sous le nez les paroles de Pete Townshend (69 ans) chantées par Roger Daltrey (70 ans) « I Hope I Die Before I Get Old » qu’ils lançaient, moqueurs, juchés sur le sommet du monde, en 1965 (alors âgés de 20 et 21 ans), expliquant leur génération.

C’est justement le parcours de leur génération que cette nouvelle compilation des plus grands succès du plus heavy des groupes de la première British Invasion. The Who célèbre ses cinquante ans de carrière (aie!) avec une relecture améliorée (au niveau de la qualité sonore) de leurs meilleures chansons.

Et il faut réécouter les différentes époques des Who pour réaliser à quel ce band a été fort, pertinent, et un réel précurseur du rock dans ses différentes phases. Townshend est l’un des meilleurs guitaristes et auteurs-compositeurs de l’histoire du rock, selon bien des « dictionnaires ». Plusieurs les considèrent comme les créateurs du hard rock.

D’abord, leurs premières chansons sont les réelles premières chansons punk (My Generation) inspirant tout ce qui sera garage par la suite, des Ramones aux Gruesomes avec leur rock solide, punché (I Cant Explain) et habilement bordélique. Sur ce dernier point, on peut dire un gros merci à Keith Moon, batteur d’exception sans structure traditionnelle. Le Jimi Hendrix du drum, dira Noel Gallagher, d’Oasis. C’est le Dominic Hasek des batteurs. Hallucinant à entendre comme à regarder. Un musicien doué et unique.

Ce documentaire de 10 minutes fait le tour de la question.

Les textes de Townshend ont toujours été complètement déjantés (Substitute) qui révèlent une imagination hallucinante, un sens de l’humour typiquement anglais, ainsi qu’une personnalité complexe sous-jacente (I’m A Boy). Beaucoup de sexualité transparait également: Pictures of Lily parlent de masturbation en regardant des photos de pinups, Mary-Ann With the Shaky Hands avait des atouts qui plaisaient aux garçons…

Ces nouvelles versions, beaucoup mieux mixées, permettent de réellement apprécier le jeu de basse du virtuose discret qu’était feu John Enthwistle sur Boris The Spider (bien sûr) mais sur plusieurs autres morceaux (presque tous en fait!) où son jeu est remarquable.

À la fin des années 60, The Who évolue dans leur écriture et se lance dans de grands opéras rock: « Tommy » (1969) est un chef-d’œuvre de l’Histoire du Rock sur lequel on reviendra. « A Quick One While He’s Away » (1966) et « Quadrophenia » (1973) seront intéressants, mais une bonne coche en dessous. Musicalement, les pièces sur « Tommy » sont riches d’une orchestration presque classique, illustrant une histoire complexe et finement écrite.

Finalement, dans une troisième phase, The Who devient un puissant groupe de rock — ce qui allait devenir du « arena rock » en poussant d’énormes riffs qui seront encore enlevants quarante ans plus tard: We Wont Get Fooled Again, Baba O’Reily, Behind Blue Eyes, Bargain… tous tirés du très solide “Who’s Next” de 1971.

Cette nouvelle compilation plaira également aux fans ardus du groupe qui ont déjà trop entendu tous ces classiques. Les rarissimes titres comme Dogs ou Let’s See Action amènent du nouveau ou du moins du rare, mais rien de transcendant.

Malheureusement, après la mort de Keith Moon en 1978, les Who ne sont plus l’ombre d’eux-mêmes. Ils tombent, comme plusieurs bands de hard rock qui apparaissent comme des dinosaures aux yeux des jeunes qui aiment dorénavant la fougue et la rage des punks (Ramones, Pistols, Clash…) ou les interminables partys en discothèque (voir les films à la « Disco 54 »). Townshend, Daltry et Enthwistle continueront, avec une succession de batteurs (Kenney Jones, Simon Phillips, Zack Starkey) mais ne produiront jamais plus de grands moments. En 82, Townshend est en dépression, doute de lui-même, s’ennuie des rythmes fous de Moon et est dépendent à l’héroïne.

the-who-2014

Le dernier tiers de cette compilation le met encore plus en lumière: les It’s Hard, Really Good Looking Boy, It’s Not Enough et même la nouvelle Be Lucky – sortie pour l’occasion — font paraître les pourtant ordinaires Squeeze Box, Join Together et You Better You Bet — leurs derniers tubes, datant du milieu des années 80 — comme de bien meilleures qu’elles ne le sont en réalité, surtout considérant l’immense répertoire du groupe.

John Enthwistle mourrait dans une chambre d’hôtel à Las Vegas en 2002, victime d’une crise cardiaque un soir de cocaïne, la veille de leur premier concert aux États-Unis. Townshend et Daltry célèbrent donc seuls le 50e des Who, mais honnêtement, depuis 78, il n’y a pas de quoi se réjouir. La seule bonne nouvelle est que les profits tirés de Be Lucky seront versés à l’organisation Teen Cancer America, fondée par les deux Who survivants.

Leur tournée 2014-2015 devrait s’élancer d’Abu Dhabi, immédiatement après la course de Formule Un prévue le 23 novembre prochain.

the who 50

THE WHO
The Who Hits 50!
(Geffen/Universal, compilation 2014)

-Genre: classic rock
-Dans le même genre que les Kinks et les Troggs (au début), que les Stones et les Beatles (fin 60s) et que Thin Lizzy, Aerosmith, Bad Company (70s)

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.