Le toujours très peu souriant RachmaninovPassionnants Arenski et Rachmaninov, à la SALLE BOURGIE Benoit Bergeron 2014/09/27 Concerts, Genres On a eu droit à un très beau concert hier soir à la Salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM). Présenté dans le cadre de la série « Musiciens de l’OSM » de la Fondation Arte Musica, ce spectacle avait pour titre « Passion russe ». Deux œuvres russes de la fin du 19e siècle étaient donc au programme, soit le Trio avec piano no. 1 d’Anton Arenski et le Trio élégiaque no. 2 de Sergueï Rachmaninov. Cette série de concerts est d’ailleurs une brillante idée. Il y a huit spectacles pendant l’année, tous sont présentés à 18h30 et ont une durée d’environ une heure trente minutes (une visite guidée de l’exposition en cours au MBAM, avec laquelle les œuvres présentées sont en lien, est aussi disponible avant le concert). Il s’agit par ailleurs d’une occasion d’entendre et de voir de près des musiciens de l’Orchestre Symphonique de Montréal, à la très belle Salle Bourgie et dans un contexte intimiste de musique de chambre. Pour le concert d’hier, Alexander Read était au violon, Anna Burden jouait du violoncelle et Mathieu Gaudet était au piano. Le spectacle débutait avec le Trio no. 1 d’Arenski. Terminée en 1894 et dédiée à la mémoire du violoncelliste et pédagogue Karl Davidov, cette œuvre est certainement la plus connue de ce compositeur russe, et une des seules qui est toujours au répertoire courant. C’est tout de même un petit chef-d’œuvre qui montre l’influence de compositeurs comme Mendelssohn, Schumann et Tchaïkovski. Le romantisme d’influence classique est perceptible dès le premier thème du mouvement initial. Ce motif est exposé brillamment par le violon, et le côté dramatique de l’œuvre est évident. Un second thème est joué magnifiquement par le violoncelle. Le Scherzo est léger et dansant, alors que le troisième mouvement, Élégie, est très mélancolique. Le jeu restreint et expressif des musiciens transmet bien la beauté de l’hommage qu’Arenski voulait rendre à Davidov. Le Finale est très énergique et tout en virtuosité, puis devient lyrique et finalement dramatique. Le jeu des trois musiciens est superbe tout du long. Pour sa part, Rachmaninov a composé son Trio no. 2 à la fin de 1893, sous le coup de l’émotion, quelques jours seulement après la mort de Tchaïkovski (à qui l’œuvre est dédiée), qui avait soutenu le jeune compositeur dans ses débuts. Le premier mouvement, Moderato, débute de manière sombre, pratiquement comme une procession funèbre. Le rythme s’accélère peu à peu, et chaque instrument a la chance de bien se faire entendre, avec le piano toujours quelque peu à l’avant. Les changements d’intensité sont bien marquées par les musiciens, dont l’interprétation est juste et sentie. Le second mouvement, noté Quasi variazione, est une série de variations introduite par une superbe cadence du pianiste. Le piano a presque un rôle de soliste dans ces variations, avec des passages qui demandent une grande virtuosité : Gaudet s’en acquitte très bien! En comparaison aux deux premiers mouvements (qui font près de 20 minutes chacun!), le finale est plutôt bref, mais possède une captivante intensité. Cette œuvre profonde et difficile demande une grande concentration. Les trois instrumentistes y arrivent, entre la toux d’un spectateur et le sac d’un autre qui tombe par terre. L’interprétation est superbement nuancée, faisant ressortir chaque note et chaque émotion avec sincérité. La thématique russe était donc très forte dans ces deux œuvres du romantisme tardif. Arenski et Rachmaninov sont d’ailleurs deux des derniers représentants du romantisme russe. Ils ont aussi poursuivi une tradition toute russe, soit de dédier leurs trios à un être cher récemment décédé (Tchaïkovski avait dédié le sien à Nikolaï Rubinstein). C’était un concert très passionné, et également empreint de lyrisme et de moments de recueillement. Cette ambiance particulière a cependant été quelque peu gâchée par les applaudissements des spectateurs entre les mouvements. On sentait les musiciens agacés par ces félicitations trop hâtives qui interrompaient l’évolution de la pièce. C’est primordial de montrer son approbation, mais à la fin de l’œuvre! Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments