C’est une magnifique soirée que l’on passe à savourer les sublimes voix des quatre musiciens ukrainiens de DakhaBrakha. L’ensemble était en concert hier soir au Théâtre Outremont, lançant sa tournée en sol américain, qui les mènera jusqu’en Californie. C’est un véritable régal de savourer chaque note qui émane de leurs bouches, en solo, duo, trio ou quatuor. Toutes les combinaisons sont exposées, toutes les émotions sont dépeintes. De la mélancolie, il y en a beaucoup dans l’âme ukrainienne — et on peut le comprendre avec l’histoire souvent tragique de ce pays souvent aux prises avec l’empire russe voisin —, mais il y a aussi beaucoup d’humour, d’énergie et de fierté dans leur art. C’était beau de voir ces quatre musiciens élégamment vêtus : les femmes portaient de magnifiques robes rouges, noires et blanches et portaient de grands chapeaux noirs à poil long, alors que l’homme était vêtu d’une redingote noire aux fines broderies rouges et jaunes. Leur élégance se sentait également dans leur posture et leur gestuelle. Leur musique comme leurs tenues étaient à la fois traditionnelles et modernes. DakhaBrakha mélange les deux univers avec doigté, un peu comme le fait Tinariwen, avec le blues touareg du désert et certains musiciens d’Afrique de l’Ouest. On pense également à l’ensemble Canzoniere Grecanico Salentino, qui a récemment revampé les chants traditionnels de cette culture concentrée dans le talon de la botte de l’Italie, en chantant dans un dialecte de la langue italienne que l’on connaît. On entend toutes sortes de résonnances culturelles dans la musique de DakhaBrakha : parfois, ça sonne oriental, d’autres fois amérindien. Aurions-nous tous la même origine? L’homme et les trois femmes qui composent cet ensemble unique visent juste entre tradition et modernité, entre délicatesse et énergie, entre chaos et beauté. Leur virtuosité se voit dans la facilité avec laquelle ces quatre musiciens chantent, dans le détail de chaque phrasé, dans le ton et l’esprit insufflé dans chaque mot. DakhaBrakha est composé de Marko Halanevych (chant, darbuka, tabla, didjeridoo, accordéon), Iryna Kovalenko (chant, djembe, bass drums, accordéon, percussions, bugay, zgaleyka, piano), Olena Tsibulska (chant, bass drums, percussion) et Nina Garenetska (chant, violoncelle, bass drum). Kovalenko est celle qui possède la plus belle des voix. Souple, juste et pleine de mélancolie, elle chante avec une aisance déroutante. Une très grande chanteuse. Le violoncelle de Garenetska est un très bel objet, décoré de façon resplendissante. Les quatre musiciens de Kiev rayonnent littéralement. Ils sont venus à la rencontre du public après le concert, prenant la peine de jaser et de signer des albums. Voici quelques pièces. C’est toujours particulier d’écouter des paroles dans une langue qu’on ne comprend absolument pas. L’ukrainien étant très différent du français, de l’anglais et même de l’espagnol, notre attention se porte sur ces émotions qui émanent du corps des interprètes. Nous sommes peut-être plus attentifs à ces menus détails lorsque les mots ne résonnent pas chez nous, puisque c’est tout ce à quoi on peut se rattacher. Et c’est là que la beauté humaine apparaît : on comprend tout de même la plupart de ce qui est transmis, même sans l’apport des mots, simplement à observer l’autre, à chercher les signes et les indices qui nous indiquent son bonheur ou son désagrément. Parce qu’au fond, nous sommes tous pareils. Sauf peut-être Vladimir Poutine. Ne les manquez pas : Salle Jean-Despréz, Gatineau – 21 janvier Théâtre de la Ville, Longueuil – 22 janvier Centre culturel, Beloeil – 23 janvier Salle Pauline-Julien, Sainte-Geneviève – 24 janvier First Ontario Performing Arts Centre, St Catharines – 28 janvier St. George’s Church Sanctuary, Guelph – 31 janvier Port City Music Hall, Portland, ME – 6 février Brighton Music Hall, Allston, MA – 21 avril Aga Khan Museum, Toronto – 23 et 24 avril UCSD Price Center, La Jolla, CA – 11 mai Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments