Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concert, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues avec les artisans passionnés de la musique. Cette semaine, rencontrons… FRANCIS MALO Quel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant? Je m’appelle Francis Malo, j’ai lancé le label La Cabane en avril 2014 et l’agence de stratégie créative Malo en juin dernier. Je viens de la campagne dans le nord de Lanaudière, et je suis présentement installé dans la grande ville de Montréal. Quand avez-vous commencé à travailler dans l’industrie musicale? Ma première production de spectacle, bien avant La Cabane, remonte à 2008 ou 2009. J’avais décidé d’organiser une soirée jam jazz avec des amis d’école, et quelques enseignants du Cégep comme invités. Dès la fin de ce spectacle, je savais que je n’allais pas pouvoir arrêter de produire des spectacles. Depuis ce moment, je produis des spectacles régulièrement, et c’est toujours aussi le fun! À mon arrivée en ville, j’ai travaillé pour divers évènements et festivals d’envergure à Montréal pour me faire la main. Par la suite, j’ai pris un peu de recul pour l’université, terminé les études comme il faut, puis j’ai repris de plus belle en fondant La Cabane. Après avoir bien structuré l’agence d’artistes et de spectacles, j’ai finalement lancé Malo en juin dernier pour me permettre de supporter les entrepreneurs dans le développement de marques culturelles. Quand avez-vous commencé à aimer la musique? Très tôt! J’ai eu la chance d’avoir des parents qui nous traînaient, mes frères et moi, sur des bancs de salle de spectacles; ça donne le goût, il faut croire! Revenir d’un spectacle avec un disque signé par Éric Lapointe ou Kevin Parent entre les mains, j’ose croire que ça a changé ma vie. En parlant de Kevin Parent, je me souviens de son spectacle comme d’un de ceux qui m’ont marqué, qui m’ont fait dire que c’est ça que j’allais faire dans la vie. Le show, c’était lui, une chaise et 7 ou 8 guitares; c’était fascinant de voir qu’il n’avait besoin de presque rien pour faire un spectacle. À 20 ans, quel était votre rêve? À 20 ans, en 2012, je comprenais à ce moment que j’avais officiellement pris les rênes en tant que producteur/gérant/booker pour le plus gros groupe hommage aux Colocs au Québec. C’est peu après ça que j’ai mis sur papier les premiers plans de développement de La Cabane. Le rêve était là : encourager le développement d’artistes passionnés en lesquels je crois. Avez-vous été musicien/enne? Racontez-nous votre carrière. J’ai mis les mains sur une guitare à l’âge de 8 ans (pas longtemps après ce fameux spectacle de Kevin Parent si vous avez suivi!), une Barracuda bleu métallique… et depuis, je n’ai jamais arrêté. Entre l’âge de 10 ans et aujourd’hui, j’ai acheté plus d’une guitare par année pour construire une collection; ça fait en sorte que je ne suis jamais bien loin de l’instrument! Entretemps, au secondaire, j’ai été initié à la trompette, et je me suis de plus en plus intéressé au jazz. J’ai ensuite étudié en Guitare Jazz-pop au Cégep, et voilà! Aujourd’hui, je continue à jouer le plus que je peux : j’ai gardé un projet sur lequel je suis guitariste, un autre s’ajoute prochainement… c’est ce que le temps me permet de faire pour le moment. SUR L’INDUSTRIE MUSICALE En vivez-vous? En date d’aujourd’hui, la signature des artistes de La Cabane ou ceux que j’aide en développement avec l’agence stratégique Malo ne sont pas mon revenu principal; par contre, le revenu que j’en tire n’est pas négligeable du tout! Je suis un gars de projets, et j’ai un horaire très organisé qui me permet de toucher à plusieurs projets et à plusieurs industries pour diversifier mes sources de revenus. J’ai un Bac en management et un background de musicien et de producteur de spectacles, mais j’ai aussi un Bac en logistique que je mets à profit quotidiennement ! Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver? Oui, absolument. Si on espère une Mercedes et un condo neuf la première année, je conseillerais de choisir un autre domaine. Il ne faut jamais oublier que les gens qui sont là aujourd’hui ne sont pas arrivés dans ce domaine sans se retrousser les manches et travailler fort pendant plusieurs années. Pour y arriver, je suggère fortement de choisir une niche et de devenir le meilleur de cette niche. C’est important dans l’industrie d’être la meilleure business de stratégie, le meilleur conseiller en subventions, la meilleure équipe de transport de tournée, etc. Être l’expert dans son domaine et être passionné par ce qu’on fait aide à faire tomber les barrières à l’entrée, accélère la rentabilité d’un projet et rend le tout bien plus réaliste. Quelle(s) rencontre(s) a(ont) été déterminante(s) dans votre carrière dans l’industrie musicale ? Beaucoup de musiciens ont influencé mon parcours, autant en tant que gérant, producteur et consultant, et ceux-ci ont fait en sorte que l’artiste est toujours au centre de mes considérations lorsque je travaille aujourd’hui. Pour n’en nommer que quelques-uns croisés à différents moments de mon parcours professionnel, Philippe Drolet (Belle et Bum, En direct de l’univers), Daniel Lacoste (Charlebois, Cowboy Fringants), Jocelyn Lapointe (La Bottine souriante), Jack Asselin, Jules Théroux, et bien d’autres! Au-delà de ça, des gars qui changent les façons de travailler comme Maxime Jarry (Bleu Carpette), Fred Roy-Hall (Le Hall, Anachronik) et des filles qui ont du cœur au ventre comme Emmanuelle Girard (Beyries) sont toutes des personnes qui ont un impact important sur plusieurs de mes projets. J’adore échanger avec les gens qui sont dans l’industrie musicale. C’est une belle grande famille, tout le monde s’entraide, tout le monde se donne des idées et discute de leur façon de faire. Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle? La passion de tout le monde avec qui je collabore. Lorsqu’un artiste choisit de venir s’assoir avec Malo une heure pour qu’on jase du développement de son projet, on parle de rêve, et c’est super beau et motivant, mais on parle aussi de choses réalistes et de réalités qui ne sont pas toujours les plus roses. Ça prend de la passion pour choisir de venir se faire tirer ses quatre vérités, mais c’est comme ça qu’on avance le plus. J’adore faire du concret avec l’art; quelque chose qui parfois est un peu flou devient très vite calculable, concret et prévisible avec des données précises. C’est la beauté du métier de gérant ou de consultant! Je suis un gars de chiffres à la base, mais je ne néglige jamais l’authenticité des artistes avec qui je travaille. C’est un défi fascinant et toujours aussi passionnant ! Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui? Je me bats pour que les artistes qui jouent gratuitement ne soient plus obligés de le faire. C’est une réalité qui fait mal dans le monde du spectacle, et on devrait s’y attarder un peu plus chaque jour. Quel grand rêve n’avez-vous pas encore accompli? Je suis un rêveur, donc beaucoup de rêves restent à accomplir et ce sera toujours le cas. Vivre pendant plusieurs mois dans mon Westfalia avec mon Macbook en guise de bureau, voir Harryplustonio descendre du plafond du Centre Bell, et plus! Ce qui ne veut pas dire que je n’en ai pas déjà accompli plusieurs, bien sûr! Le vinyle, la cassette, le CD ou le numérique? Le vinyle, parce que rien ne remplace le besoin d’aller changer un record de côté lorsque le premier côté est terminé. Mais sinon, chacun des formats a sa force; il suffit de le voir dans son entièreté marketing et médium musical. SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE Vos styles de musique préférés? Est-ce que ç’a toujours été le cas dans votre vie ? Je suis un fan de jazz et de country. Le jazz me suit depuis l’âge de 13 ou 14 ans avec la découverte des guitaristes Joe Pass et Pat Martino et du trompettiste Chet Baker, entres autres. Le country est arrivé un peu après avec un gars qui s’appelle Dany Gatton qui est à ce jour un des plus grands guitaristes… et malheureusement pour lui, pratiquement personne n’a eu le temps de le connaître. Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus). El Hombre – Pat Martino Unfinished Business – Danny Gatton Traveller – Chris Stapleton Chet – Chet Baker At San Quentin – Johnny Cash Playlist! Quel est l’artiste le plus sympathique que vous ayez rencontré ? Ils ont tous leur charme lorsqu’on apprend à les connaître un peu ! Via les deux compagnies, je travaille avec une belle petite liste d’artistes et je ne voudrais pas faire de jaloux! Mais il ne faut pas avoir peur des artistes; approchez-les après les spectacles ou quand vous les croisez sur la rue, il y en a très peu qui mordent. J’ai eu un gros coup de cœur pour les gars de L’Amalgame en 2016, et je suis un fan de l’approche qu’à Al Right face à sa musique aussi, c’est un gars intègre qui a du cœur au ventre et les valeurs à la bonne place! Qu’est-ce qui rend un artiste désagréable? Pouvez-vous raconter une situation qui vous est arrivée (sans nommer l’artiste si vous préférez) où il y avait malaise, ou un comportement désagréable. Dans le rôle de gérant ou de consultant, c’est facile de ne jamais faire de malaise si tu dis toujours à l’artiste ce qu’il souhaite entendre, que ce soit à propos de sa vision, de ses textes ou de son image. Malheureusement, on ne fonctionne pas comme ça, ni chez La Cabane, ni chez Malo. Donc, par déduction, on comprend que les malaises arrivent. Lorsqu’on sort les gens de leur zone de confort, ça crée parfois des inconforts, mais ça se termine toujours par une prise de décision optimale. Mon travail est de propulser, d’encadrer et de diriger les artistes dans l’atteinte d’objectifs, et c’est souvent hors des zones de confort qu’on peut changer les choses. Mais ce n’est pas un petit malaise qui va m’arrêter ! Quel artiste brillant aurait dû percer davantage, selon vous? Tous les artistes qui sont signé chez La Cabane ou qu’on encadre chez Malo sont des artistes qui je crois devraient percer davantage. Si je n’y croyais pas, je ne ferais pas ce métier ou je ne travaillerais pas avec ceux-là! Sinon, actuellement je crois fortement au potentiel d’un gars qui fait de la musique sous le nom de ANDRRE; je dirais aussi aux amateurs de jazz d’aller découvrir le projet de Rachel Therrien, c’en est aussi un qui mériterait de prendre encore plus d’ampleur! Qui aimeriez-vous rencontrer ? Pat Martino est un gars qui m’a toujours fasciné L’homme a traversé les époques, il joue comme s’il était là au début du jazz, et il se tient toujours debout aujourd’hui! Sinon, parce qu’on a le droit de rêver, si j’avais un souhait de génie à exaucer, j’irais avec Henry Ford ou Léo Fender, pour leur vision tout simplement fascinante et les compagnies qu’ils ont créées à partir de rien. Merci Francis! Pour en savoir plus sur les projets de Francis Malo, cliquez sur le logo ci-dessous! Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments