J’ai déjà beaucoup apprécié la musique et la verve d’Ani DiFranco. Mais ça remonte à loin. Au début des années 90, alors que la jeune femme originaire de Buffalo arrivait dans le portrait tel un coup de pied au visage ou un doigt d’honneur autant à l’industrie qui cherchait la prochaine pitoune qu’aux auditeurs de folk traditionnel qui n’étaient pas habitués à écouter les propos musclés et engagés d’une femme, encore moins homosexuelle. À l’époque, on n’avait que Tracy Chapman, Lis Phair et Suzanne Vega comme alternative aux En Vogue, Samantha Fox et autres Janet Jackson de ce monde. C’était avant que les talents des Tori Amos et PJ Harvey n’éclosent aux yeux de tous.

Les premiers albums d’Ani DiFranco, autoproduits et distribués par son propre label, Righteous Babe Records, étaient des claques : cette jeune femme avait un talent criant, autant musical que poétique. Sur l’excellent « Dilate », de 1996, sa fougue était captée sur le vif. Une auteure intense, entière, parfois blessée ou fâchée se démarquait. Nous étions captivés par cette jeune femme aux longs dreads qui s’affirmait sans compromis, complètement indépendante.

Tout ça pour en venir à « Allergic to Water », son 18e album en 24 ans, lancé ces derniers jours. Malheureusement pour les fans d’Ani DiFranco, la plume de l’auteure de caractère est toujours au placard, solidement endormie (ou remisée). Des morceaux tels Genie sont d’aucun intérêt. Une musique ordinaire, des paroles ordinaires, un évident manque d’inspiration. Pareil pour Tr’w, vaguement blues. On dirait qu’elle se lance dans le jazz rock du bout des pieds. Aucun mordant.

Sur Happy All The Time, on a une piste de réponse à l’évidente question tabou « Mais où est donc passée l’Ani DiFranco qu’on connaissait et appréciait?”. Bien qu’ISIS fasse partie du décor, que les procès amènent des apprentissages et que la douleur donne des leçons, elle est « pas mal heureuse pas mal tout le temps ». Je ne connais rien de sa vie privée (et cela ne me regarde pas), mais force est d’admettre que la musique que DiFranco produit depuis une quinzaine d’années est carrément plate. Musicalement, son jeu de guitare est toujours aussi habile (Yeah Yr Right) mais on voit bien qu’aucune passion ne se dégage de ces 12 chansons.

C’est dommage.

L’an dernier, la musicienne de 44 ans s’est fait vertement critiquer par son choix de lieu pour la tenue d’un atelier d’écriture musicale de trois jours. La Nottoway Plantation, à White Castle en Louisiane, était jadis un symbole de l’esclavage des Noirs aux États-Unis. 155 d’entre eux travaillaient pour le maître de l’endroit, un certain John Randolph, dans les années 1860. Depuis, l’endroit a été transformé en luxueux centre de villégiature. Une pétition de plus de 2600 noms a été envoyée à l’artiste afin qu’elle s’excuse de ce choix maladroit, ce qu’elle a fini par faire.

N’oublions toutefois pas les efforts que Di Franco a déployés par le passé pour aider les victimes de l’ouragan Katrina (alors qu’elle était elle-même résidente de la Nouvelle-Orléans), ainsi que divers programme d’aide aux enfants ou femmes dans le besoin.

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ANI DI FRANCO
Allergic to Water
(Righteous Babe, 2014)

-Genre: folk pop
-Dans le même genre que Tori Amos, Billy Bragg, Pascale Picard

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.