Cet article est le dernier d’une série de quatre sur les albums rock du milieu des années 60 de Bob Dylan. Cliquez ici pour lire la troisième partie.

Lorsque Bob Dylan a enfourché sa moto le 29 juillet 1966, personne ne se doutait que le rock ne serait plus jamais pareil après l’accident que Dylan allait avoir. Des rumeurs circulaient d’abord que Dylan serait défiguré et ne ferait plus jamais de musique. On n’a jamais vraiment su ce que Dylan a eu : cou cassé, commotion cérébrale? Peu importe, après avoir récupéré à la maison, Dylan s’est remis à l’écriture de chansons. Lui et ses amis des Hawks (qui se feront appeler plus tard The Band) ont commencé tranquillement mais sûrement à jammer pour le simple plaisir de la chose dans le sous-sol d’une maison de Woodstock, en banlieue de New York. Puis, subissant les pressions de son gérant au printemps 1967, il a commencé à sérieusement donner vie à ses compositions. Durant tout ces mois, Garth Hudson, un des membres du groupe, enregistrait tout.

Devenus le premier bootleg de l’histoire du rock et ensuite parus sur disque en version fortement remaniée en 1975 (pour une histoire plus complète, vous pouvez lire ce texte) , les enregistrements qu’on appelle « The Basement Tapes » paraissent finalement en version intégrale cette semaine. Onzième volume de l’excellente « Bootleg Series », les « Basement Tapes » sont disponibles en deux versions : une complète avec 138 chansons et six disques, et l’autre, « brute », comprend 38 chansons sur deux disques. On vous parlera aujourd’hui de la version courte (les six disques sont aussi très intéressants pour les fanatiques, puisqu’ils permettent de replacer les sessions des « Basement Tapes » en ordre chronologique et dans son entièreté).

Dylan and the Band

The Band : Levon Helm, Robertson, Danko, Hudson et Manuel

L’attrait de cette parution est double. Premièrement, on peut y entendre les chansons dans leur version originale, sans les rajouts de l’album double paru en 1975. Ensuite, plusieurs autres pièces étaient inaccessibles, sauf en bootleg et souvent en qualité sonore plutôt ordinaire. Le travail de restauration sonore est d’ailleurs colossal (du moins quand c’était possible). Les amateurs de rock poli en studio n’y trouveront certainement pas leur compte, mais le côté rustique et authentique des enregistrements en fait leur charme.

Pour ce qui est des versions inédites, il y en a plusieurs qui sont très intéressantes. Tout d’abord, Sign On The Cross est une merveilleuse ballade gospel, chantée avec ferveur par Dylan et menée par l’orgue de Garth Hudson et la guitare subtile mais efficace de Robbie Robertson (la performance de l’organiste est d’ailleurs excellente tout au long des sessions). One For The Road est dans le même esprit que la dernière, tout comme I’m Alright. Les excellentes Baby, Won’t You Be My Baby et Dress It Up, Better Have It All montrent plutôt les influences rhythm and blues de Dylan et de son groupe. Silent Weekend sonne presque rockabilly, avec le jeu de basse très groovy de Rick Danko. Aussi menée par l’orgue et la guitare, Get Your Rocks Off est un très bon blues lascif.
Voici une version piratée de Sign On The Cross (la qualité sonore est meilleure sur l’album, heureusement!).

Il y a aussi sur le disque double quelques chansons traditionnelles, dont la très entraînante 900 Miles From My Home et la chanson de marin Johnny Todd. Il y a par ailleurs quelques reprises, avec la classique Folsom Prison Blues, de Johnny Cash, reprise en blues-rock très efficace. Popularisée par le chanteur country Hank Snow, I Don’t Hurt Anymore reçoit une honnête prestation. Dylan fait également d’étonnantes réinterprétations de ses propres chansons. Blowin’ In The Wind a un traitement gospel-funk, alors que One Too Many Mornings devient une superbe chanson folk-rock, avec Richard Manuel qui chante admirablement bien le premier couplet.

Le reste du disque double est composé de versions alternatives ou restaurées des pièces parues en 1975 et de chansons déjà disponibles, soit sur les autres volumes de la « Bootleg Series » ou sur diverses compilations au fil des années. On retrouve aussi la magnifique I’m Not There, découverte en 2007 sur la trame sonore du film du même nom. Deux versions de You Ain’t Goin’ Nowhere sont sur le disque, l’une restaurée et l’autre alternative, avec des paroles complètement surréalistes. À comparer les versions originales et celles avec des rajouts, on constate finalement que certaines ont tout de même bénéficié des surimpressions, dont This Wheel’s On Fire et Too Much Of Nothing. Mais en général, les versions de cet album-ci sont supérieures. Million Dollar Bash, avec son intro d’harmonica, est géniale, tout comme la superbe Goin’ To Acapulco. La version dépouillée de Tears Of Rage est encore plus déchirante, et le son est très clair.

Avec cette publication inespérée, on peut finalement rétablir une partie de l’histoire du rock anglo-saxon. Épuisé par son mode de vie, Dylan a profité de ce retrait de la vie publique pour assumer son rôle de père de famille et prendre du recul sur sa production musicale. Dylan a pris une autre direction et beaucoup de musiciens l’ont suivi. Les Beatles et les Stones sont revenus à une simplicité inspirée par la convivialité des sessions de Woodstock, et Eric Clapton, après avoir été subjugué par le premier album de The Band, a dissous Cream, convaincu que la musique de son power trio était dépassée. Accompagné de ses camarades de The Band, il s’est détourné des excès de la contre-culture et du rock psychédélique. En combinant de manière inédite le folk, le rock, le blues, le rockabilly, le country et le gospel, il est revenu aux origines du rock et a ainsi inventé l’Americana. S’ouvrait alors une nouvelle phase dans la carrière de Bob Dylan, et, par là, dans la musique rock.

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BOB DYLAN AND THE BAND
The Bootleg Series, Vol. 11 : The Basement Tapes Raw
(Columbia, 2014)

-Genre : folk-rock/americana
-Dans le même genre que The Beatles, The Rolling Stones, Van Morrison

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BOB DYLAN rétablit une partie de l'histoire du rock
ORIGINALITÉ 100%
AUTHENTICITÉ 100%
ACCESSIBILITÉ 85%
DIRECTION ARTISTIQUE95%
QUALITÉ MUSICALE100%
textes100%
97%Overall Score
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.