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Cat Power au Métropolis, 19 octobre 2012

Vendredi soir dernier avait lieu à Montréal un concert très attendu, celui de Chan Marshall, alias Cat Power. L’artiste d’Atlanta n’a pas tourné depuis 2006 suite à l’album « The Greatest ». Au disque suivant, « Jukebox » en 2009, elle avait dû annuler sa tournée suite à des problèmes liés à l’alcool et à son stress de jouer en public. Vendredi, la foule du Métropolis a pu constater qu’il restait des traces de ces troubles…

La soirée débute avec Xray Eyeballs, en 1ière partie, qui sont plutôt mauvais. Et/ou le son est atroce. Voix nasillarde d’un chanteur et guitariste portant un t-shirt déchiré, accompagné d’une bassiste blasée avec toupet noir et minijupe mauve, d’une guitariste avec chapeau melon et au font de teint blanc et d’un batteur dont la tête est cachée sous un drap. Euh… Je pardonnerais le look « n’importe quoi » si le résultat était écoutable, mais c’est nul. Leur musique est assez paresseuse, vite faite, plate. Leur exécution est lancée sans conviction.

Mais au moins j’ai réussi à me faufiler jusqu’au 4e rang en avant bien que la foule semblait assez compacte puisque je suis arrivé assez tard (au point d’avoir manqué la première 1ière partie assurée par Willis Earl Beal).

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Photo par MJ Beauchamp, émise sur Twitter

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Photo par MJ Beauchamp, émise sur Twitter

Arrive enfin Chan Marshall. Mohawk blond sur la tête (!), veste de cuir mauve, t-shirt et leggings noirs. La foule l’accueille très chaleureusement, comme une amie chère qu’on n’a pas vue depuis longtemps. Elle apparaît heureuse, mais pourtant distraite, surtout très nerveuse (elle se mange les ongles entre les chansons!). Chan Marshall n’a jamais semblé confortable. C’est visiblement son groupe qui mène le rythme, qui l’empêche de divaguer. Une fois la musique lancée, elle plonge sans freins dans ses chansons, mais se fait facilement déconcentrer par les gens en back stage, par la foule, par un détail technique qui la font sortir de sa bulle. Vite, quand une chanson se termine, elle se précipite sur sa set list comme pour s’accrocher à la prochaine bouée. « Quelle est donc la prochaine chanson que je vais chanter? » semble-t-elle se dire. La musique de la chanson précédente n’est pas finie que déjà elle pense à la suivante.

Voici des clips que j’ai trouvés sur Youtube, d’un concert qui a eu lieu le 11 octobre à Miami, qui m’apparait assez semblable à celui de Montréal au Métropolis.

 

Le public montréalais l’aime! Les gens l’adorent et lui envoient de l’amour de façon généreuse, comme s’ils savaient qu’ils doivent l’encourager afin qu’elle ne se sauve pas de la scène en pleurant. La chanteuse de 40 ans l’apprécie et retourne de beaux sourires sincères qui montrent qu’elle reçoit bien cet amour. Mais sa nervosité est plus forte que tout. Elle ne se calmera pas.

L’arrière de la scène est très beau et change constamment : projections animées, série de photos, boule de feu croissante. La mise en scène met en valeur les chansons de son dernier album « Sun » qu’elle a interprété presqu’en entier, n’utilisant pratiquement pas son matériel précédent, pourtant riche.

Et puis, avouons-le, Chan Marshall n’a pas la voix pour chanter puissamment. Idéale pour les murmures, elle doit se battre et forcer pour dominer sur scène le nouveau style de son récent album Sun, beaucoup plus pop énergique, plus près de ce que font Metric et du dernier album d’Ariane Moffatt! Recréer « live » un album aussi énergique demande une performance du tonnerre, autant vocalement qu’au niveau de la présence et du « pacing » (ordre des chansons). Chan Marshall n’est pas dans cet état d’esprit.

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Photo de Pam Connelly – Montréal – publiée sur Twitter

La zone de confort

Quand soudainement elle tue l’ambiance de danse pour ne chanter qu’accompagnée au piano, la magie de Cat Power s’installe vraiment! ENFIN dans sa zone, Marshall peut se laisser aller à toute sa théâtralité, bien aidée par de très habiles jeux de lumière qui l’isolent dans son monde. Rien de moins que magistral, magique et magnifique!

Mais après ce climax de deux ou trois titres, Chan retombe dans un état plus ou moins désorganisé. Elle n’arrivera pas à embarquer dans un rythme simple alors qu’on lui confie une grosse caisse. On dirait une ado qui « gnaise » et qui essaye de faire échouer le jam des autres musiciens. Sans méchanceté, mais avec une espèce de désintéressement qui sent la démotivation.

À voir comment ses musiciens (4 filles et un gars, qu’elle a à peine présentés) jouent sur la pointe des pieds en la gardant à l’œil, on voit bien que ce spectacle n’a pas été rodé, ou que Chan Marshall est tellement imprévisible qu’ils ne savaient pas à quoi s’en tenir. À un moment donné, le chef d’orchestre (le pianiste) doit utiliser un micro pour communiquer avec les autres et leur donner des instructions à l’oreille. Plus tard, il lance la musique alors que Marshall était en train de parler, redoutant sans doute qu’elle se lance dans d’interminables transgiversations dont elle a le secret et qui ne font pas vraiment de sens…

 

Il n’y a visiblement aucune chimie entre Cat Power et son groupe. Eux semblent avoir la mission de se rendre à l’autre bout du spectacle sans que leur chanteuse quitte les rails. Elle semble perdue au moindre moment de pause, qui laisse place à l’égarement. Lors du hit « Ruin », elle prend le public à partie contre ses musiciens et se plaint que l’ambiance qu’elle souhaitait voir décoller est retombée. “I’m sorry, I wanted this to groove and they just killed it, now its gone, I don’t know, it sucks, I’m sorry, now he hates me (en parlant du pianist, qui ne bronche pas mais ne la quitte pas des yeux) and I hate him”. Elle semble plus découragée que fâchée. Un bouquet de fleurs lui arrive soudainement de back stage. Ça dévie tout de suite son attention, et elle va placer une rose dans les cheveux du pianiste qui lui sourit… Ouf… Ça n’a pas l’air facile d’être dans l’entourage de l’imprévisible Chan Marshall!

Tout au long du concert, elle sera souriante, charmante et en lien avec son public, mais aussi nerveuse, confuse et inquiète lorsque la situation la rattrape. On réalise que cette femme a eu de solides pépins avec l’alcool et/ou les drogues et/ou qu’elle est mortifiée d’être sur scène pour agir ainsi. On salue son courage, puisqu’on constate les dégâts.

Cat Power peut miser sur son talent, mais le tout tient avec de la ficelle. Elle est encore bien fragile et vulnérable. C’est d’une triste beauté.

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.