Sur son sixième album en carrière, « Birds Requiem », le compositeur, chanteur et oudiste Dhafer Youssef dresse un vaste portrait impressionniste. Le Tunisien de 47 ans avait auparavant intégré des sonorités électroniques à sa musique. Il revient ici à un son principalement acoustique, créant une magnifique fusion entre l’ancestral et le contemporain, avec des influences jazz. Paru fin 2013, cet opus très personnel a été inspiré par la mort de sa mère, qu’il a accompagné dans les derniers instants de sa vie. Largement contemplatif et introspectif, « Birds Requiem » est né de la rencontre, en 2011, entre Youssef et le clarinettiste Hüsnü Şenlendirici et le joueur de qanûn (instrument turc de la famille des cithares sur table) Aytaç Doğan, tous deux Turcs. Youssef s’est déplacé en Scandinavie, puis à Istanbul, pour l’enregistrement de l’album. Il était accompagné de ses musiciens habituels, qui incluent le guitariste Eivind Aarset, le trompettiste Nils Petter Molvær, le pianiste Kristjan Randalu, le contrebassiste Phil Donkin et le batteur Chander Sardjoe. On peut d’ailleurs écouter Youssef nous parler du projet de l’album. Quelques-uns des musiciens qui y ont participé sont aussi interviewés. L’album est structuré autour de la Birds Requiem Suite, composée de quatre parties disposées au début, au cœur de l’album et à la fin. Très évocatrice, cette suite compte certains des plus beaux moments du disque. En ouverture, Birds Canticum est dominée par l’exquise clarinette et le chant plaintif de Dhafer Youssef. Ce dernier est d’ailleurs issu d’une longue lignée de muezzins et a été initié à un jeune âge au récital coranique. Sa manière de chanter est donc marquée par cet héritage, et on se doit de souligner que sa voix est superbe. La délicate Fuga Hirundinum est toute en subtilité, alors que la brillante Archaic Feathers s’active à mi-chemin. L’envoûtante Whirling Birds Ceremony clôt l’album de belle manière. Voici une sélection de pièces de l’album. Sept autres compositions se retrouvent sur « Birds Requiem ». La plus émouvante du lot est certainement Khira: Indicium Divinum [Elegy for My Mother]. Le cri perçant de la clarinette fusionne totalement avec la voix de Youssef, en plus du piano qui brode une jolie mélodie, créant un effet éblouissant. Comme leurs titres peuvent l’indiquer, Ascetic Mood et Ascetic Journey sont d’amples méditations, menées par l’excellent jeu du oudiste. Plus longue chanson du disque, Blending Souls & Shades [To Shiraz] est aussi la plus surprenante. Elle débute avec Youssef au chant, sur un accompagnement minimal, puis devient très jazzy. Chaque instrumentiste y apporte une contribution précieuse. 39th Gülay [To Istanbul] étonne aussi, avec ses passages presque rock qui alternent avec des moments plus dépouillés. La très bonne Sevdah [To Jon Hassell] est un hommage au trompettiste et compositeur américain Jon Hassell. D’une durée de 64 minutes, « Birds Requiem » n’a pourtant pas tellement de longueur. Il s’écoute bien d’un bout à l’autre, lié thématiquement par la Birds Requiem Suite. Cette fusion entre la musique moyen-orientale et le jazz sonne parfois comme de la musique de film, tellement les images évoquées sont fortes. L’ambiance est aussi très planante et atmosphérique. La musique semble par ailleurs à mi-chemin entre ancien et nouveau et entre Monde arabe et Occident. Mais Dhafer Youssef va chercher un équilibre intéressant. Il réussit finalement à suspendre le temps, grâce à sa musique contemplative. DHAFER YOUSSEF Birds Requiem (Okeh Records, 2013) -Genre : hybride entre musique moyen-orientale et jazz Lien vers l’achat en ligne (iTunes) Lien vers la page Facebook de l’artiste Lien vers la chaîne YouTube de l’artiste DHAFER YOUSSEF : Du plaisir de la contemplation Originalité85% Authenticité85% Accessibilité75% Direction artistique90% Qualité musicale95%86%Overall ScoreReader Rating: (0 Votes)0%Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments