Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concerts, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues avec les artisans passionnés de la musique. Cette semaine, rencontrons… JEAN LAMOTHE Quel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant? Mon nom est Jean Lamothe, j’œuvre dans l’industrie de la musique depuis toujours. À 15 ans je travaillais pour un magasin de disque à St-Constant, puis les week-ends, j’étais DJ pour les jeunes de St-Constant et St-Rémi, en plus d’animer une disco mobile. Racontez-nous vos débuts! En 1975, j’entre au Palais d’or du 1236 Stanley comme DJ, il y a 1800 personnes tous les soirs, 7 soirs sur 7… Puis je quitte pour entrer chez le distributeur Deram, une filiale de London Records qui achète et redistribue les nouveautés aux disquaires indépendants. Je suis alors acheteur de 45 tours, puis des albums… London vend sa division à Polygram, et Deram fermera… Unidisc alors petite entreprise familiale fondée par Georges Cucuzzella m’invite à lancer un nouveau département de vente. Je m’occuperais d’acheter des multinationales et revendre aux disquaires indépendants. Unidisc est en pleine croissance, et on me propose d’ouvrir les distributeurs du Québec, en leur offrant nos nouveautés disco. Tout roule vite et ça marche super bien. Puis un poste s’ouvre comme agent de promotion en 1983 chez WEA music, on m’engage pour promouvoir les artistes sur les différentes étiquettes de WEA… Surement la plus grosse compagnie au monde à cette époque où le rock domine les charts. On a les gros canons… Phil Collins, Yes, Genesis, The Cars, en fait WEA contrôle pratiquement 40% du marché! En 1990, WEA ouvre un département de direction artistique et m’offre la direction… Je signe Lynda Lemay, à ce jour elle a vendu plus de 4 millions d’albums à travers le monde, j’enchaine avec Matt Laurent et Motion qui réussit bien son entrée à la radio avec 3 top 10 consécutif… Par la suite, Sony, qui lance son département francophone avec Vito en tant que directeur artistique m’approche pour la direction du département local… Ils viennent de signer Celine Dion qui fait un gros buzz au States. Puis s’ajoute Mario Pelchat, Kathleen, Francis Martin, Corey Hart, Soul Attorneys (tous des récipiendaires de disques d’or), sans parler des artistes de la Francophonie : Francis Cabrel, Patricia Kaas, Jean-Jacques Goldman pour en nommer que quelques-uns et sans oublier Jordy qui a fait un malheur au Québec alors qu’il n’avait que 5 ans… De g. à dr.: Jean Lamothe, André Lallier, Céline Dion, un représentant de l’agence de voyage, Martine Doucet et René Angelil Puis en 2001 je lance ma compagnie, signe Garou chez Sony : on vendra plus de 300,000 albums. En 2002, je signe avec Tacca, puis l’année suivante, j’embarque comme gérant des 14 Star Académiciens, avec qui je vends plus de 532,000 albums… et vends plus de tickets que tous autres artistes au Canada pour une grande tournée d’arénas. Plus tard en 2004, Isabelle Boulay m’approche pour chapeauter la promotion de ses albums pour le compte de sa compagnie. En 2007, je signe avec Avalanche et Vega musique… on lance Sylvain Cossette qui vendra plus de 350,000 disques du concept 70’s, puis tour à tour Beast (Disque D’or) et Élisapie qui sera sur les charts de vente de l’Adisq pour une année complète… Puis vint le phénomène Bobby Bazini qui vendra plus de 100,000 albums de son premier. Aujourd’hui, je suis fier de représenter Bleu Jeans Bleu, Bodh’aktan, Your Favorites Enemies, Terez Montcalm, Allan Hurd et les Jumelles Barabé… Tous ces artistes ont laissé une trace en 2016, soit par des nominations à l’Adisq, des premiers prix aux différents festivals de chanson du Québec, des tournées européennes exceptionnelles, No1 aux ventes à travers le Canada, une signature avec Disney… oui, mais simplement parce qu’ils font de la maudite bonne musique… Quand avez-vous commencé à aimer la musique? J’ai toujours eu un faible pour la musique, mon père était musicien et professeur de musique… Mon frère, chanteur populaire au St-Vincent, était sous contrat avec Polygram. J’étais DJ pour les discothèques de mon coin de pays… et j’animais des disco mobiles pour le compte du magasin de disques où je travaillais. À 20 ans, quel était votre rêve? Je me voyais comme DJ, mais le hasard a bien fait les choses quand j’ai appliqué chez London Records! Avez-vous été musicien/enne? Racontez-nous votre carrière. En fait, mon père nous donnait des cours de guitare les dimanches, mais je préférais le sport aux pratiques d’instrument, et en plus, je préférais écouter la musique plus qu’en créer moi-même. SUR L’INDUSTRIE MUSICALE En vivez-vous? Oui depuis que je suis jeune, ce fut toujours et c’est toujours ma source de revenu principal… Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver? Les choses ont beaucoup changé depuis mon arrivée dans le milieu, les jeunes pourraient plus répondre à cette question… Quelle(s) rencontre(s) a(ont) été déterminante(s) dans votre carrière dans l’industrie musicale? Yves Pouliot… un ami de toujours qui avait les sous nécessaires pour s’offrir les nouveautés de la semaine… Scorpio Records à Verdun qui m’engage pour l’aider dans sa boutique et qui me conseille d’appliquer chez London Records alors que j’étais DJ. Ken Dion qui m’a fait comprendre qu’on n’était pas tous au même niveau de compétence… et finalement Bill Rotari et Vito Luprano pour leur soutien… Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle? Le fait de découvrir les talents de demain… Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui? L’ADISQ, malheureusement, ils n’ont rien compris … Les radios sont vitales au développement de nos artistes. Jamais l’Adisq n’a écouté les radios… J’ai toujours dit qu’ils travaillaient pour leur salaire et leur retraite et non pas pour l’industrie. On organise des rencontres depuis toujours, et jamais rien n’aboutit… Les relations entre l’Adisq et la radio n’ont jamais été saines… Dommage… Quel grand rêve n’avez-vous pas encore accompli? J’ai accompli la plus belle chose: j’ai toujours fait ce que j’ai voulu faire… et je n’ai jamais travaillé ni poinçonné… Et comme la musique est ma passion, j’ai vu les meilleurs spectacles, rencontré tous mes artistes favoris et surtout en m’amusant ! Que demander de plus… Le vinyle, la cassette, le CD ou le numérique? En fait, depuis le retour du vinyle, j’ai ressorti mes tables tournantes… Et j’ai dû renoncer à celles-ci parce que changer de côté toutes les 20 minutes me rendait un peu dingue… Donc NUMÉRIQUE avec des playlist de 80 chansons, tu en as pour ton argent… SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE Quels sont vos styles de musique préférés? Est-ce que ç’a toujours été le cas dans votre vie? TOUT, country, jazz, RNB, Soul, français, disco… Une bonne chanson reste une bonne chanson, indépendamment de son style… Je fais mes propres compilations et thématiques. Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus). King Crimson – In the court of the Crimson King George McRae – Rock your baby Bee Gees – Best of Keane – Hoppes and Fears David Bowie – Station to Station Ce sont de vieux albums qui s’écoutent d’un bout à l’autre, j’aime plein de nouveaux artistes, mais pas en intégralité… Playlist! Quel est l’artiste le plus sympathique que vous ayez rencontré? La plus sympathique – Céline Dion Le plus sympathique – Corey Hart/Phil Collins/Peter Gabriel Avec Peter Gabriel, et deux collègues de WEA musique Qu’est-ce qui rend un artiste désagréable? Pouvez-vous nous raconter une situation qui vous est arrivée où il y avait malaise, ou un comportement désagréable? En fait, l’artiste est souvent très agréable à côtoyer, par contre l’entourage qui se prend pour l’artiste est souvent très désagréable… J’ai beaucoup plus de bons souvenirs à raconter que de mauvais. Le management de Ronnie James Dio était nul à … par contre, lui, il était d’une douceur et d’une sensibilité assez incroyable. The Cure, à leur première venue à Verdun, étaient tout à fait exceptionnels : Robert Smith avait signé des autographes pendant 1 heure 30 après le concert, avait invité tous ses fans à un club. Lors de leur retour au Forum, ce fut la débandade totale… Tout à fait le contraire. La première venue de Guns’n’Roses… À oublier. Par contre, Phil Collins, il a toujours été le même… gentil et attentionné. Céline Dion dans ses belle années au forum, prenait un nombre fou de photos avec ses fans (Plus de 400 clichés par soir) et ce, sans jamais se plaindre… Corey Hart, connaissait tellement ses fans, il leur demandait toujours leur avis… Quel artiste brillant aurait dû percer davantage, selon vous? Terez Montcalm, une passionnée qui a dû subir une intervention chirurgicale au pouce parce qu’elle pratiquait trop la guitare. Une voix superbe… Qui aimeriez-vous rencontrer? J’ai rencontré toutes mes idoles… et encore plus. Un mot pour terminer? Je pourrais vous parler durant des heures et des heures de mes innombrables rencontres et des innombrables discussions avec les différents directeurs musicaux du Québec à promouvoir mes artistes. Mes joies, KAOLIN – Partons vite qui avait pris 9 semaines avant qu’une station daigne la jouer… Elle est restée 14 semaines au No1 BDS … ANDREA LINDSAY j’ai retravaillé son premier album deux ans après sa sortie, pour en faire un incontournable auprès des médias. Cela m’a pris 9 mois pour embarquer un premier extrait sur les radios de Montréal, j’y croyais tellement. Un des meilleurs albums francophones encore à ce jour, d’un artiste anglophone. Merci Jean! Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments