L’iconoclaste Keith Kouna était à la 5e salle de la Place des arts, samedi soir, pour la deuxième représentation de son spectacle « Le voyage d’hiver ». Une salle presque comble a ainsi pu assister à ce concert hautement original, qui avait pour matériel les 24 chansons de son projet inspiré du « Winterreise » de Franz Schubert (dont on avait parlé dernièrement). Sorti en décembre 2013, cet album prenait vie de manière théâtrale, intégrant même de la danse contemporaine! Hautement audacieux, original et créatif, le pari de Keith Kouna a été relevé haut la main. La disposition de la scène avait été savamment élaborée par la scénographe Véronique Bertrand. D’un côté, trois musiciens s’y trouvaient, dont le pianiste et directeur musical Vincent Gagnon. De l’autre, étaient placés sept musiciens, cordes et vents. Kouna se tenait au milieu, sur une plateforme surélevée, avec la danseuse Maryse Damecour, qui était présente un peu de moins de la moitié du temps. La plateforme était ceinturée de longs et filiformes troncs d’arbres. Un réfrigérateur incliné figurait au fond de la scène, où Kouna allait entre autres y chercher des bouteilles d’alcool. Il est même grimpé sur ce réfrigérateur durant Le sexe, chantée a capella avec les 10 autres musiciens! Keith Kouna parle de son projet avec nos amis de Sors-tu.ca. Sur un autre plan, la mise en scène d’Antoine Laprise a été fort imaginative. Un mélange inusité de danse, de théâtre et de musique donnait presque l’impression d’assister à une comédie musicale! Le côté comique était cependant pratiquement nul, avec l’histoire sombre du récit d’un voyageur qui quitte sa maison, trompé par sa femme. On doit d’ailleurs mentionner que Keith Kouna, envoûtant et ensorcelant, a été véritablement habité par son personnage. Son interprétation était sentie, authentique et convaincante. Le décor contribuait également au désœuvrement et à l’errance qui dévastent le narrateur du « Voyage d’hiver ». La danseuse apportait une touche visuelle importante, personnifiant justement cette femme qui pousse le narrateur vers une vie de dépravation. Sa danse lascive sur Le tilleul était merveilleuse, alors que sa synchronisation labiale (lip sync) sur Romances et désirs était très surprenante. On aurait cependant aimé voir la danseuse un peu plus souvent. Musicalement, les 10 musiciens qui accompagnaient Kouna ont bien reproduit les arrangements concoctés sur le disque par René Lussier. Même si l’album a été enregistré avec 19 musiciens, les arrangements n’étaient pas si différents. La sonorisation de la salle était par ailleurs adéquate, même si les cordes et les vents se faisaient parfois enterrer par la batterie et la guitare, notamment sur Corbeau. Mais il faut convenir que sonoriser un groupe aussi hétéroclite est parfois ardu et, en général, on entendait bien chacun des instruments pendant le concert. Vocalement, Keith Kouna a affiché une grande maîtrise et, malgré quelques fausses notes ici et là, a su rester dans un registre qui lui convenait. Il faut dire qu’il a arrêté de fumer depuis quelques mois en vue de ces concerts! Voici quelques extraits des répétitions du spectacle. Ce « Voyage d’hiver », en plein mois de février, a été très bien fait. Aucun détail n’a été laissé pour compte, de la musique à la mise en scène, en passant par le décor et l’éclairage. Il faut finalement souligner l’immense travail de Keith Kouna, qui a repensé et réactualisé les textes originaux de Wilhelm Müller. René Lussier a aussi fait un travail remarquable en créant de nouveaux arrangements. Notons que les gens de Québec auront la possibilité de voir ce spectacle les 18 et 19 février. Kouna a d’ailleurs l’idée de représenter ce spectacle plusieurs autres fois. Idéalement, il voudrait même que son « Voyage d’hiver » devienne une tradition annuelle. Belle idée! Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments