La réédition récente des trois derniers albums de Led Zeppelin, lancée le 31 juillet dernier, me permet de prendre le temps d’analyser « Presence », pour la première fois de ma vie. J’avoue que c’est le disque de Led Zep que je connais le moins. C’est l’album de la tourmente dans le parcours de ce groupe qui a dominé les années 70. Initialement paru le 31 mars 1976, il est marqué par les malheurs: Robert Plant se remet d’un grave accident de voiture, Jimmy Page trempe dans l’héroïne et la magie noire, John Bonham boit pas mal…

De plus, des mouvements musicaux de fond s’apprêtent à bouleverser l’ordre établi (n’est-ce pas le rôle du rock, après tout?): les punks arrivent en donnant un coup de hache dans les chansons interminables du rock progressif que préconisent les Yes, ELP et autres Gentle Giant de l’époque. Ils ridiculisent les rockeurs à paillettes (hello Marc Bolan et Gary Glitter) et la vieille garde d’ex-rebelles maintenant millionnaires qui se baladent maintenant en jet privé. Led Zep, en monarques du hard rock qu’ils sont au milieu des 70s, sera une cible que la jeunesse prendra en grippe.

1976 est l’année des groupes de rock mélodiques comme Boston, les Eagles ou Peter Frampton, des chanteurs folk comme James Taylor et Linda Rondstadt mais aussi de l’apparition du disco des Bee Gees et de Donna Summer. Les Sex Pistols signent chez EMI, et les Ramones publient leur album éponyme, tout comme Rush et Judas Priest qui émergent. La diversification est à l’honneur.

« Presence » sort dans ce contexte musical, et c’est aussi le 7e album en 7 ans de ce groupe qui n’a jamais cessé de jouer de nombreux concerts à travers le monde chaque année. Les quatre gars sont peut-être un peu moins affamés qu’en 1969.

 

C’est un album qui s’assume complètement dans son style hard rock et qui poursuit dans la tendance d’étaler son savoir-faire instrumental: l’album débute avec l’épique Achille’s Last Stand, longue de 10 minutes et demie. Impressionnant comme premier morceau, qui se démarque aussi par sa complexité structurelle. Led Zep nous avait beaucoup plus habitués à des morceaux soit rentre-dedans (à la Rock and Roll ou Immigrant Song) ou très blues (à la Babe I’m Gonna Miss You ou In My Time Of Dying). Là, on nage beaucoup plus dans le rock progressif, combiné à des effluves de heavy métal. Écoutez la basse vrombissante sur Achille’s Last Stand : il y a là les bases de tout ce que feront les bands métal durant les années 80.

Il y a quand même du funk accrocheur sur « Presence ». Hots Off To Nowhere et le Candy Store Rock ont une bonne accroche, pas si loin de ce qu’on entendait sur des morceaux comme Trampled Underfoot ou D’yer Maker, sans jamais être aussi simples et efficaces. La machine à funk que peut être Page, Bonham et Jones prend forme ici et là, mais en saccadant beaucoup (volontairement?) et en complexifiant leur musique plus que jamais. L’album suivant, le p’tit dernier « In Through The Outdoor », sera complètement à l’opposé avec sa domination des claviers et ses compositions presque pop comme All My Love (en mémoire du fils décédé de Plant), Fool In The Rain et le pastiche country rock Hot Dog.

 

Sur « Presence », Jimmy Page sort toujours d’excellents riffs, aussi solides qu’efficaces. C’est lourd, mais ça swing! Un morceau comme Royal Orleans est puissant, mais dansable! Du Zeppelin à son meilleur dans ce style de hard rock. Ces nouvelles rééditions permettent d’ailleurs d’apprécier plein de petites choses qu’on ne remarquait pas sur les versions originales: les bongos de Bonzo, le chant plus solide de Plant, les différentes pistes de guitares et la basse de Jones, plus imposante que jamais.

Et tout le crédit revient à Plant : il a enregistré les pistes vocales de « Presence » cloué dans une chaise roulante, après son accident de voiture en Grèce, terminant abruptement la tournée de « Physical Graffiti » en 1975. Il mettra plus de deux ans à se remettre complètement de ses factures à la cheville et au coude. Sa femme de l’époque, Maureen, fut également sérieusement blessée, mais leurs deux enfants n’eurent que des égratignures.

 

Un album qui a peut-être un peu déçu les fans du premier degré qui y cherchaient le spectaculaire des albums précédents – à la Whole Lotta Love, par exemple – et qui se retrouvèrent avec des syncopes complexes à digérer. Seule Nobody’s Fault But Mine est facilement apprivoisable pour le fan impatient de nouveau matériel. Mais, après plusieurs écoutes et avec le recul, « Presence » est un solide album d’un bout à l’autre. Et c’est certainement un album beaucoup plus recherché que ce que font les autres bands de hard rocks qui tentent de rejoindre les maîtres, comme Aeromsith, Boston ou KISS.

À redécouvrir!

LED ZEPPELIN
Presence
(Swan Song, 1976)

-Genre: hard rock
-Dans le même genre que Black Sabbath, Nazareth, Thin Lizzy, Deep Purple