Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concert, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues avec les artisans passionnés de la musique. Cette semaine, rencontrons… MARC-ANDRÉ MONGRAIN Quel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant? Marc-André Mongrain, rédacteur en chef et fondateur de Sors-tu.ca depuis 2010. Je viens de Shawinigan-Sud en Mauricie, et habite Montréal depuis 2008. Parlez-nous du mandat de Sors-tu.ca. Qu’est-ce que vous souhaitez apporter avec ce site? Sors-tu se veut un peu un site d’anti-pantouflage, un guide pour mordre à pleine dent dans la riche vie culturelle offerte à Montréal (et ailleurs au Québec). Ceux qui veulent sortir sans aller clubber y trouvent mensuellement plus de 500 suggestions d’événements où l’on retrouve des gens sur une scène qui performent, que ce soit dans le domaine de la musique, du théâtre, de l’humour, de la danse, du cirque ou de l’impro. Puis on reflète cette vitalité par le biais de critiques, de photos, d’entrevues et de nouvelles au sujet des événements culturels. Si tu trouves ta ville plate, c’est que tu ne nous lis pas assez souvent… Combien de personnes y contribuent ? Environ une quarantaine (moitié rédacteurs, moitié photographes) Comment faites-vous pour gérer tous ces journalistes, les concerts, les photographes… Ça doit être beaucoup de travail ! C’est effectivement beaucoup de gestion, mais à la longue, on s’y retrouve. Grâce à des outils en ligne affinés au fil du temps. Et des bonnes relations avec les promoteurs de spectacles et festivals. Et l’aide précieuse de ma collègue Marie-Kim Dupuis Brault ! avec Marie-Kim Dupuis Brault Qu’est-ce qui vous a poussé à créer Sors-tu.ca? Le besoin de continuer à écrire et réfléchir au sujet des spectacles que je consommais, à une époque où je n’avais aucun contact en journalisme à Montréal et que les jobs se faisaient de plus en plus rares… Quand avez-vous commencé à travailler dans l’industrie musicale? J’ai rédigé ma première critique d’album en 2002, à l’époque de façon bénévole. J’ai travaillé comme journaliste dès l’année suivante pour le journal universitaire de l’Université d’Ottawa, puis pour Voir dès 2004. Quand avez-vous commencé à aimer la musique? J’écoutais du Ace of Base et du mauvais Aerosmith jusqu’à ce que je découvre Radiohead, vers l’âge de 13 ans. À 20 ans, quel était votre rêve (dans le domaine musical)? Je n’avais pas vraiment de rêve à 20 ans. Trop occupé à vivre. Souvenir d’Osheaga 2015 Comment vois-tu Sors-tu.ca à long terme? L’univers des médias numériques est en constante évolution, et c’est difficile de savoir ce qu’il adviendra dans six mois. Mais la multiplication des formes de contenu me semble être une voie intéressante. Avez-vous été musicien/enne? Racontez-nous votre carrière. J’ai été guitariste et bassiste pour environ 22 mauvais bands, puis un très bon : the Darling Demaes, actif de 2006 à 2011. Nous avons fait un EP (2007), un album paru publiquement (2008) et un autre qui n’a jamais vu le jour parce que le band s’est séparé avant qu’il ne soit mastérisé (vers 2011). Nous avions enregistré ce dernier dans l’église convertie en studio d’Arcade Fire, à Farnham, avec Mark Lawson (qui venait de gagner un Grammy pour “The Suburbs”). Je persiste à croire que c’était un excellent album, dont il n’existe qu’environ 50 copies. Je me souviens avoir rédigé une critique de l’album “A User’s Guide to raising The Dead (Songs of Spring)” dans les pages du magazine emoragei, juste ici. Vous faites aussi de la radio à CIBL. Est-ce l’extension du site? Comment composez-vous avec ces deux médias? Je fais de la radio depuis 2008, au départ séparément de mes tâches pour Sors-tu. Mais depuis septembre 2014, nous avons carrément une émission de radio de Sors-tu sur les ondes de CIBL, les vendredis soirs à 19h, et là, ça devient une extension du site, oui, une autre forme de contenu dans le même esprit. Mais je continue aussi à faire de la chronique radio à d’autres émissions qui ne sont pas liées à Sors-tu. En pleine émision, à CIBL SUR L’INDUSTRIE MUSICALE En vivez-vous? Oui. Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver? Oui, mais c’est de moins en moins réaliste. Il faut être fonceur, voire entêté. Et passionné. Mordu, limite nerd. Quelle(s) rencontre(s) a(ont) été déterminante(s) dans votre carrière dans l’industrie musicale? Ma première entrevue à vie était avec Buck 65, vers 2003. Ça a été l’une des conversations les plus fascinantes de ma vie, et ça m’a donné la piqûre de l’entrevue. (photo: Manon Boquen) Qu’est-ce qui vous plaît tant en entrevue? J’aime les rencontres que ça occasionne, les discussions avec des artistes qui sont fiers de présenter le fruit de leur travail. J’aime en savoir plus sur ce qu’ils vivent et ce qu’ils pensent. Pour moi, les artistes sont les gens les plus fascinants qu’on puisse croiser en ce monde cynique : ils ouvrent au monde ce qu’ils ont de plus intime, étudient la psyché humaine, se rendent vulnérables, s’exposent au jugement de tous. Ça prend un sacré courage, surtout quand on sait les conditions difficiles dans lesquelles ils doivent vivre de leur art. On se doit de s’intéresser à ce qu’ils ont à dire. Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle? Encore et toujours le fait de pouvoir partager aux gens ma passion pour la musique, et tenter d’allumer la leur. Créer une discussion au sujet de la culture, faire parler, animer les débats. Sors-tu.ca a joint Culture Cible il y a quelques années. Qu’est-ce que ce collectif vous apporte ? C’était à la base principalement pour faire des revenus alors que j’étais carrément néophyte en la matière. Peu à peu, nous avons partagé d’autres ressources : une employé, un bureau, de l’information, du savoir-faire. Il y a une intelligence collective qui s’est installée, qui me rappelle les années où je travaillais dans une salle de presse. C’est enrichissant. Et surtout, c’est devenu, au fil du temps, une grande source de camaraderie, de soutien. Je dirais que c’est presque une famille à présent. Quelques-uns des potes de Culture Cible: Arnaud Nobile (atuvu.ca), Marc-André Laporte (à l’époque à CISM), Olash Bacon et Nelson Roberge (Baron). Absents de la photo: Leo Calcagno (Baron), Gwen Formal (Camuz) et Eric Dumais (Bible Urbaine) Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui? Son mode de financement, aucun doute. Quel grand rêve n’avez-vous pas encore accompli? Interviewer Tom Waits. (C’est vrai que ça doit être quelque chose…) Le vinyle, la cassette, le CD ou le digital? Vinyle et numérique. On ne dit pas « digital », c’est un anglicisme. En bon français, « digital » réfère aux doigts (comme les empreintes). À moins qu’il existe une façon d’écouter de la musique et s’insérant les doigts dans les oreilles ? Hahaha, d’accord Marc-André, on corrigera les entrevues subséquentes suite à ta très pertinente observation 😉 Oh et la cassette, c’est une joke. Svp, bands ironiques, cessez cette pseudo-mode, c’est pas drôle. C’est de loin le pire format qui ait existé… Certains disent que le CD est un support beaucoup plus performant que le vinyle, que c’est plus pour le rituel et par romantisme que le vinyle est de nouveau apprécié, qu’en pensez-vous? Pourquoi aimez-vous le vinyle? Il y a une différence notable au niveau du son – ce charmant crépitement notamment ! – mais oui, je suis assez d’accord que c’est à 75% par romantisme. Personnellement, le CD ne m’intéresse plus. C’est soit numérique ou vinyle. Parce que le vinyle est un bel objet, avec une grosse pochette qui décore bien. SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE Vos styles de musique préférés? Est-ce que ç’a toujours été le cas dans votre vie ? Je dirais le « art rock », c’est à dire le rock aux mélodies et aux compositions recherchées, imprévisibles, nuancées. C’est pas mal le cas depuis une vingtaine d’année. Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus). Tom Waits – Rain Dogs Mr Bungle – California Radiohead – Kid A Un Greatest Hits de Roy Orbison pour pleurer lorsqu’il pleut. Refused – The Shape of Punk To Come pour l’écouter fort fort fort, et espérer que quelqu’un m’entende et vienne me secourir. Playlist! Nous avons appris que vous êtes récemment allé en Islande? Oui! Je suis allé couvrir le festival Iceland Airwaves, un genre de petit SXSW islandais, avec près de 80% de la programmation constituée de bands islandais. Ça me fascine d’aller voir comment on fait des festivals ailleurs qu’ici. Quel est l’artiste le plus sympathique que vous ayez rencontré? Sympathique ? Je dirais SoCalled. Qu’est-ce qui rend un artiste désagréable? Pouvez-vous raconter une situation que vous avez vécue? Les artistes français ont souvent un rapport très méfiant et/ou méprisant envers les journalistes. Et vice versa, je comprends cela. Mais c’est davantage la faute aux médias français qu’aux artistes français, à mon avis. Un artiste qui refuse de s’ouvrir par crainte d’être piégé par un journaliste, ça donne les pires entrevues. Quel artiste brillant aurait dû percer davantage, selon vous? Le groupe Tripping Daisy. (Pas de farce) Qui aimeriez-vous rencontrer? Beck. Ou le chanteur des Flaming Lips, Wayne Coyne. Pourquoi pas une discussion à trois avec ces deux-là… Merci Marc-André! Rendez-vous sur le site Sors-tu.ca (récemment refait de fond en comble!) en cliquant sur le logo ci-dessous. Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments