MORRISSEY: vieillir en voix au détriment du rythme Karl-Philip Marchand Giguère 2014/08/16 Albums, Genres C’est bien beau vieillir en voix, mais encore faut-il être inspiré. Alors que David Bowie a pris une pause d’une décennie avant la parution (enfin!) de The Next Day, Morrissey n’a jamais chômé et clamait depuis deux ans déjà que son nouvel album était prêt, mais qu’aucun label n’en voulait. Le légendaire chanteur a beau avoir la théorie du complot facile, il n’en demeure pas moins qu’on pouvait lui accorder le bénéfice du doute, surtout avec la parution d’une autobiographie beaucoup plus franche qu’on ne l’aurait cru possible dans l’entre temps. L’engouement évident pour cette dernière aidant probablement, Capitol Records, par le biais de sa filiale Harvest, s’est finalement manifesté pour mettre l’album en marché. Après quelques écoutes et beaucoup de bonne volonté, on ne peut que comprendre la réticence des labels. Pas que le son de Moz est inintéressant, mais il a tout simplement atteint une formule qui manque d’originalité. C’est d’autant plus dommage, car après avoir eu la chance de le voir dans le cadre de l’un de ses rares spectacles non annulés il y a maintenant un peu plus de deux ans, j’étais excité à l’idée de retrouver en version studio ce même groupe de musiciens accomplis à la chimie fort étonnante. Comme c’est malheureusement trop souvent le cas, tout est ici dilué en studio, diminuant dangereusement la force de frappe des fidèles acolytes qui bravent chaque jour le tempérament de Morrissey. Comment ça se traduit en musique donc? Par un départ intéressant avec la pièce titre, suivie de “Neal Cassady Drops Dead”, non seulement accrocheuse, mais qui aurait facilement pu prendre des proportions épiques. “I’m Not A Man” assume ensuite ses 8 minutes qui sont le moment fort de l’album, mais les choses se gâtent dès “Staircase At The University” avec un solo de flamenco en finale (oui oui), reprennent un peu pour l’ambiante “Smiler With Knife”. On pourrait arriver à oublier les bas lorsque le rythme intéressant reprend avec “Kiss Me A Lot” si Morrissey n’y allait pas au passage de l’une de ses rimes les plus facile à vie: “Kiss me a lot, kiss me a lot Kiss me all over my face Kiss me a lot, kiss me a lot Kiss me all over the place” Ahem. Disons qu’on a déjà vu plus inspiré de celui qui a jadis écrit “Don’t Say You Don’t, Please Say You Do” ou encore l’intégralité de “Please Let Me Get What I Want”. La réception pour le moins tiède de l’album s’est traduite par une énième diatribe de l’artiste qui, oubliant pendant quelques minutes que nous sommes maintenant en 2014, a publié un long texte lamentant le fait que George Bush et Tony Blair n’ont pas été poursuivis par l’ONU pour crime de guerre et implorant le peuple de se prendre en main (de quelle façon, on l’ignore). Il ajoute au passage qu’il n’a pas été invité où que ce soit afin de parler de son nouvel album ou jouer le moindre extrait de celui-ci. Le dernier recours possible pour en faire une forme de promotion était sa tournée nord-américaine, également annulée (quiconque surpris?) après qu’il eut contracté un virus. Bref, le Moz a connu des meilleurs jours, mais parallèlement, comment ne pas demeurer excité à l’idée que celui qui a pondu autant de textes intemporels et contribué à redéfinir l’image sonore d’un pays entier? Je me croise les doigts pour que ce soit une erreur de parcours, les albums parus au début du millénaire ayant une consistance étonnante, et je reviens sur une chose: sa voix est toujours au sommet de sa forme, teintée de plus d’une maturité qui lui sied bien. Ne manque plus qu’à suivre le rythme. MORRISSEY World Peace Is None Of Your Business (Harvest/Capitol, 2014) -Genre: rock -Dans le même genre que Elbow, Travis, REM Suivez Morrissey sur Facebook: www.facebook.com/Morrissey Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments