Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concert, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues avec les artisans passionnés de la musique.

Cette semaine, rencontrons…

SHANTI LOISELLE

Quel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant?

Shanti Loiselle. Je suis née à Montréal et j’y vis encore. Je suis gestionnaire du développement numérique pour le label L – A be – Let artists be . C’est tout nouveau, je me suis jointe à l’équipe en juin dernier après trois années à travailler à mon compte comme consultante en stratégies numériques et comme photographe. Auparavant, j’ai été une des copropriétaires d’Iconoclaste musique et gérante d’artiste (VioleTT Pi).  Je suis aussi photographe de concerts, principalement pour Sorstu.ca.

 

Quand avez-vous commencé à travailler dans l’industrie musicale?

Mon premier boulot en sortant de l’université était déjà lié de près à l’industrie musicale. J’ai été assistante de Chloé Sainte-Marie durant quelques mois. Par la suite, je me suis jointe à la petite équipe d’Iconoclaste Musique pour gérer un nouveau service de promo Web que Jean-Robert Bisaillon (mon père) et Dan Foley avaient pensé créer en complément à leurs services en gestion de carrière et en gestion d’éditions.  C’est rapidement devenu la vocation principale de l’entreprise!

Quand avez-vous commencé à aimer la musique?

De toute petite, je pouvais passer des heures à danser du ballet freestyle sur Casse-Noisette… Je suis née dans une famille d’artistes. La musique était omniprésente dans la maison, mes deux parents en écoutaient beaucoup : Joy Division,  The Cure, Brian Eno, Patti Smith, The Doors, Les Rita Mitsouko, Serge Gainsbourg, Bob Dylan, Jean Leloup, etc. ont bercé mon enfance!

À 20 ans, quel était votre rêve?

Aucun! Je voulais tracer ma propre destinée en dehors du milieu de mon père (la musique) et de ma mère (les arts visuels). Je venais de donner naissance à mon fils et ma grande ambition était de rentrer à l’université pour devenir professeur de littérature.

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Avez-vous été musicien/enne? Racontez-nous votre carrière.

À l’époque de mes études en littérature, je me suis commise dans un band humoristico-féministe qui s’appelait Les Craques Militantes avec une amie, Marie-Christine Lemieux-Couture, et mon actuel mari, Sylvain Deschamps. Sylvain a été bien courageux de nous composer des musiques et de nous enregistrer un démo! Hormis nos idées rocambolesques, de bonnes plumes et aucune peur du ridicule, Christine et moi n’avions aucun talent musical.

C’est à cette époque que j’ai découvert la magie de MySpace, le html, l’animation flash, Photoshop,  un nouveau service extra de diffusion vidéo qui s’appelait… YouTube, puis quelque temps plus tard un truc que j’ai tout de suite voulu tester qui s’appelait… Facebook. J’ai vite eu plus de plaisir à assurer notre présence en ligne qu’à tenter désespérément de chanter juste!

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SUR L’INDUSTRIE MUSICALE

En vivez-vous?

Depuis 2008, je travaille exclusivement dans l’industrie culturelle et principalement dans le domaine musical. C’est certain qu’en étant parmi les premières à s’être spécialisée dans la connaissance et les stratégies d’utilisation des médias sociaux, je n’ai jamais eu de difficulté à trouver des mandats.

Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver?

Bien sûr! L’industrie musicale est une industrie qui fait vivre tellement de gens! Des ingénieurs de sons, aux gestionnaires de billetteries en passant par les relationnistes de presses, vidéastes, photographes, graphistes et j’en passe. Le grand public ne réalise pas à quel point cette industrie est un moteur de création d’emploi gargantuesque, surtout dans une métropole culturelle comme Montréal.

Par contre, pour continuer à travailler dans l’industrie musicale, je dois accepter d’avoir à peu près la moitié du salaire que j’aurais en agence de pub. Il en est de même pour la plupart des corps de métier de l’industrie. Ça en fait un milieu de passionnés, de gens fascinants qui sont animés par l’amour du travail bien fait plus que par l’appât du gain. Bref, c’est un milieu où se côtoient plein de gens qui me ressemblent!

Quelle(s) rencontre(s) a(ont) été déterminante(s) dans votre carrière dans l’industrie musicale?

La première bien sûr, mon père! La pomme n’est pas tombée bien loin de l’arbre et l’industrie musicale a fini par m’avoir assez vite! J’ai appris tous les rouages de l’industrie grâce à lui.

 

Ensuite, il y a eu Gwendolina Genest et Chloé Legrand, nous étions l’équipe de feu de la web promo au sein d’Iconoclaste. Je n’ai jamais retrouvé une si grande complémentarité des forces et des talents dans une équipe! Il y a eu aussi Marc-André Mongrain de Sorstu.ca grâce à qui mon intérêt naissant pour la  photographie de concert est devenu une passion incontournable dans ma vie.

Pour terminer, Louis-Armand Bombardier. Iconoclaste et son label, Let artists be partageaient les mêmes bureaux de 2009 à 2013. J’étais loin de me douter qu’un jour je rejoindrais son équipe! Pour cause, il était seul! C’est incroyable tout le chemin que son étiquette de disque a fait durant ces années. C’est quelqu’un qui respecte énormément les créateurs pour qui il travaille. Jamais il ne sacrifie l’intégrité des artistes au nom d’impératifs commerciaux. En fait je découvre au quotidien à quel point le nom de son label reflète sa façon de travailler et c’est très inspirant.  

au lancement de Gazoline

au lancement de Gazoline

Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle?

L – A be étant une petite équipe, je peux toucher un peu à tout et j’adore! Je serais malheureuse de devoir me cantonner à une spécialité bien précise, car le domaine du marketing numérique a donné naissance à une panoplie d’emplois distincts dans les milieux publicitaires et commerciaux. Gestion de médias sociaux, placement publicitaire en ligne, création de sites web, graphisme, photographie, mise en marché numérique, etc. Dans une petite équipe, je peux porter tous ces chapeaux!  Par ailleurs, les défis à relever sont constants.  L’industrie est en crise actuellement, paradoxalement, ça me donne une grande marge de manœuvre pour essayer de nouvelles choses. Il n’y a jamais de solution miracle, mais une infinité de voies à tester.

Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui?

Le mode de financement! Il me semble aberrant que les fournisseurs d’accès internet et de téléphonie mobile ne soient pas mis à contribution. Ils se bâtissent des fortunes colossales sur le dos des contenus qui circulent sur internet, ne se gênent pas pour surfacturer la bande passante, et, pour acheter la paix, ils se contentent de commanditer des événements liés à l’industrie ou d’utiliser des œuvres musicales locales dans leurs publicités. Ça fait près de dix ans que les sonneurs d’alarme pointent cette avenue comme solution au problème de la chute des ventes de disque et rien n’a encore été fait en ce sens.  Il serait temps que les industries culturelles concernées s’allient sur ce dossier et qu’elles cessent de tenir les acteurs du streaming comme responsables de la crise actuelle.

Quel grand rêve n’avez-vous pas encore accompli?

Couvrir une guerre comme photographe reporter (en attendant, je me pratique dans les concerts où le public est agressif avec les photographes!)

Le vinyle, la cassette, le CD ou le numérique?

Le numérique bien entendu. Mon appartement serait complètement encombré s’il fallait que ma collection musicale repose sur des supports physiques! Tout tient sur un disque dur (y compris mon ancienne collection de CD, maintenant entièrement numérisée).

SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE

Vos styles de musique préférés? Est-ce que ç’a toujours été le cas dans votre vie?

J’ai toujours eu des goûts complètement éclectiques avec un faible pour le rock indé, le soul et les musiques du monde. En concert, j’aime les artistes qui sortent du lot par leurs démarches surprenantes ou atypiques (ex : Peaches, Bjork, VioleTT Pi, Klô Pelgag, Connan Mockasin, Duchess Says, Les Hötesses d’Hilaire, Mykki Blanco,  etc.).

 

Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus)

Des œuvres qui me suivent depuis très longtemps et dont je ne me suis pas encore lassée :

Doolitle – Pixies
Handsworth Revolution – Steel Pulse
The Doors – The Doors
Just as I Am – Bill Withers
Sans oublier un Best of de Claude François : quoi de mieux qu’une île déserte pour laisser libre cours à ses plaisirs coupables?

Playlist!

 

Quel est l’artiste le plus sympathique que vous ayez rencontré?

J’hésite entre Élage Diouf, Roberto Lopez, Serge Brideau et Jérôme Couture.

Qu’est-ce qui rend un artiste désagréable?

Certains jeunes artistes semblent mépriser discrètement tout être qui n’est pas aussi un artiste…  Comme si être artiste était plus noble qu’être travailleur de l’industrie culturelle, plombier, infirmière ou serveuse! Heureusement, ce n’est pas le cas de la majorité et ça leur passe vite.

Quel artiste brillant aurait dû percer davantage, selon vous?

Ngabonziza Kiroko (Ngabo, Dear Denizen). Par chance, il est loin d’être trop tard pour lui!

 

Qui aimeriez-vous rencontrer?

Peaches. J’ai eu l’occasion de la photographier en concert à deux reprises, mais il me semble que je pourrais avoir des conversations fascinantes avec cette femme! Sinon, en dehors de l’industrie musicale, il y aurait la photographe Lee Miller, mais elle est décédée…

 

Merci Shanti!

Pour en savoir plus sur les activités de Shanti Loiselle, cliquez sur les logos ci-dessous!

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About The Author

Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.