Le concept du disque s’effiloche avec l’arrivée de la vente massive de chansons à l’unité. Mais l’album, avec son fil conducteur, n’est pas mort, loin de là. iTunes n’a tué que les albums des musiciens aux buts commerciaux dont les disques ne comportaient pas souvent plus de trois chansons potables. Les artistes qui s’efforcent de créer un album offrent une œuvre qui vaut la peine d’être écoutée (et achetée) dans son ensemble.

C’est ce qu’a fait le groupe Mauves avec leur deuxième disque, intitulé « Le faux du soir ». Dès les premières notes de Vespéreaux, la table est mise: effets d’ambiance, passages instrumentaux, envolées vaporeuses. Les premières voix humaines n’arriveront qu’au deuxième morceau: Ruelles. Et encore, elles sont volontairement floues. Mais sur la pièce suivante, Manège, alors que le cerveau des auditeurs est maintenant bien disposé à planer, les Mauves s’expriment davantage et s’élancent dans un doux, mais efficace prog rock assez psychédélique qui doit autant à Harmonium qu’à Pink Floyd.

Plus on progresse dans le disque, plus on découvre des moments tripatifs, mais jamais agressifs (Portrait) embrassant même le rock 60s des Yardbirds (Cléo), ce qui est assez étonnant pour ce groupe semblant se plaire dans la complexité musicale. Sur Citron-limes, le band de Québec passe carrément au garage rock, tout en conservant un côté doux au niveau vocal, ce qui n’est pas sans rappeler Malajube (Manège). Mais au milieu du morceau, Mauves change de cap et retrouve soudainement son essence propre. Les revoilà partis dans de longues envolées instrumentales.

Je n’ai jamais été fan de prog des années 70. Les disques et concerts d’Emerson Lake and Palmer, Rick Wakeman ou de Gentle Giant m’ont toujours paru prétentieux et souvent trop techniques pour y ressentir quoi que ce soit. Mauves ne tombe pas dans ce piège. Leurs chansons sont chargées de belles harmonies vocales (La roue et le mouvement), de montées d’intensités (Montréal), de bifurcations soudaines, bref d’éléments qui chassent l’ennui à coup sûr.

Je termine en vous offrant de suivre l’expérience d’enregistrement de l’album dans ce documentaire en quatre parties, très bien tourné, monté et réalisé par Julien Déry.

Mauves est composé de quatre gars de Limoilou : Jean-Christophe Bédard-Rubin (batterie, claviers), Julien Déry (guitares, percussions, voix), Alexandre Martel (guitares, claviers, voix) et Cédric Martel (basse, voix). En 2011 paraissait « Cinéma Plymouth ».

Un voyage cosmique musical des plus intéressants.

MAUVES
Le faux du soir
(Coyote Records, 2013)

-Genre: prog rock cosmique
-Dans le même genre qu’Harmonium, King Crimson, Malajube

Lien vers la page Facebook du groupe
Lien vers le channel YouTube du groupe

Réagissez à cet article / Comment this article

commentaires / comments

About The Author

Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.