La grand-messe de CHARLES BRADLEY et NAOMI SHELTON

Les amateurs de musique soul ont été servis ce mercredi soir au Metropolis. Le Festival de Jazz proposait un programme double avec deux vétérans de Daptone Records, maison de disque spécialisée dans la (re)découverte d’artistes d’une autre époque. Naomi Shelton and the Gospel Queens s’occupait de la première partie, alors que Charles Bradley concluait ce spectacle qui s’est avéré haut en couleurs.

Naomi Shelton a une démarche très difficile. Elle se déplace à l’aide d’une canne, et bouge donc très peu sur scène. Mais lorsqu’elle chante, on oublie que la septuagénaire a une santé chancelante. Sa voix est puissante et robuste, capable de pousser de grands cris qui nous laissent sans mots. Éraillée et pleine de vécu, sa voix possède également un large registre. Shelton est accompagnée de quatre musiciens, tous très efficaces mais relativement effacés, et de ses Gospel Queens. Ces trois choristes la complémentent extrêmement bien, créant une interaction essentielle et faisant même le chant de tête sur quelques pièces.

Les pièces de l’album « Cold World », sorti en 2014, figurent beaucoup dans le spectacle. La chanson-titre est particulièrement très bonne. Shelton interprète aussi quelques morceaux de « What Have You Done, My Brother? », sorti en 2009. La reprise de A Change Is Gonna Come, de Sam Cooke, est superbe. Si la musique est surtout soul, parfois un peu funk et même reggae, les paroles sont indubitablement à connotation religieuse. Les thèmes et le champ lexical déployé ne mentent pas : il est question de souffrance, de péché, de rédemption, de Dieu, etc. Qu’on soit croyant ou non, Naomi Shelton nous emmène complètement dans son univers musical grâce à sa voix.

Un peu plus jeune à 66 ans, Charles Bradley a offert un spectacle complètement différent. Les six musiciens qui l’accompagnent forment le Menahan Street Band, ensemble très doué qui fait dans le funk et la soul. Le Menahan occupe une place importante dans le spectacle, et se permet même quelques pièces instrumentales. Mais la vraie vedette est sans aucun doute Charles Bradley. L’ancien personnificateur de James Brown est très à l’aise sur scène et a un charisme et un magnétisme incroyables. Il a beaucoup d’énergie, même plus que certains artistes qui sont trois fois plus jeunes! Il danse et fait une série de mouvements suggestifs qui enivrent la foule. Il va toutefois un peu trop loin vers la fin du spectacle, lorsqu’il étire une chanson qui raconte une histoire d’amour, et y va de gestes qui laissent peu de place à l’imagination. Était-ce vraiment nécessaire? Il est permis d’en douter.

Le répertoire du spectacle est essentiellement tiré de ses deux très bons albums, « No Time For Dreaming » (2011) et « Victim Of Love » (2013). Bradley fait une interprétation très sentie de Heartaches And Pain, et rend une version explosive des excellentes The World (Is Going Up In Flames) et Confusion. On le sent également souvent à fleur de peau, et c’est avec une voix pleine d’émotions que Bradley livre une version prenant de Why Is It So Hard, qu’il décrit comme l’histoire de sa vie. Il ajoute un long monologue à cette chanson. Il fait référence notamment à la récente tuerie de Charleston. Son sermon est très inspirant, et conclue de belle manière cette vivifiante grand-messe de la musique soul.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.