De retour d’Allemagne, où il dirigeait dimanche dernier l’Orchestre Philharmonique de Londres, Yannick Nézet-Séguin est à la barre cette semaine de « son » Orchestre Métropolitain (OM), là où tout a débuté pour lui, il y a 15 ans. L’OM présentait hier, à l’Église Notre-Dame du Sacré-Cœur de LaSalle, la première de quatre représentations du spectacle ayant pour titre « Évasions scandinaves ». Pour l’occasion, l’OM interprétait des œuvres du Norvégien Edvard Grieg, du Finlandais Jean Sibelius et du Danois Launy Grøndahl.

Le trombone solo du Métropolitain, Patrice Richer, était soliste dans le Concerto pour trombone de Grøndahl. Composé en 1924, alors que le Danois était âgé de 38 ans, ce Concerto est certainement son œuvre la plus connue, et l’une des seules toujours au répertoire. Très poétique, cette œuvre post-romantique a été interprétée avec panache par celui qui est également professeur au Conservatoire de musique de Montréal, à l’UQAM et à McGill. La sonorité puissante et affirmée de Richer lui permettait de se faire très bien entendre lors des tutti orchestraux. Il a fait preuve d’une grande virtuosité, surtout lors de l’excellent finale. Lorsque nécessaire, son jeu était beaucoup plus retenu et lyrique, comme lors du superbe mouvement lent. Le chef et l’orchestre l’ont très bien soutenu et complémenté. Habituellement relégué à l’arrière de la scène, le trombone, pour une rare fois et pour notre plus grand plaisir, a été à l’avant-plan.

En ouverture de concert, l’OM interprétait la Suite Holberg, dans le style ancien de Grieg. Cette pièce a été composée en 1884, à l’occasion du bicentenaire de la naissance du philosophe et écrivain danois Ludvig Holberg. À l’origine pour deux pianos, la Suite a été interprétée dans sa version pour orchestre à cordes qu’a faite le compositeur. Yannick Nézet-Séguin a réussi à faire sortir le meilleur des cordes de l’OM dans cette pièce aux sonorités baroques : l’expressivité, la passion et la beauté. Le premier mouvement est gracieux et entraînant, alors que le deuxième est solennel et expressif. Le quatrième mouvement est mélancolique et rêveur; le finale, noté Rigaudon, est joyeux et emporté. Le jeu de l’Orchestre est partout merveilleux.

La dernière partie du concert était occupée par la monumentale Symphonie no. 2 du Finlandais Sibelius, terminée en 1901. Cette œuvre est marquée par le « romantisme nationaliste » du compositeur. Il est important de souligner que Sibelius a fait beaucoup pour l’éveil du sentiment national finlandais, alors que son petit pays faisait alors partie de l’Empire russe. L’Orchestre métropolitain a fait une excellente interprétation de cette colossale œuvre d’une durée de 45 minutes. Presque toutes les sections de l’OM sont sollicitées, ce qui en résulte de belles couleurs et textures orchestrales. La somptuosité des vents et l’expressivité des cordes est remarquable tout au long de la pièce. La direction claire et précise du chef fait en sorte que chaque nuance est bien soulignée. La gestuelle très expressive de Nézet-Seguin motive ses troupes et insuffle une âme à la musique. Le chef est tellement habité et transporté par cette dernière qu’on ne peut qu’embarquer avec lui.  Débutant avec une magnifique mélodie romantique aux cordes, le finale est tout simplement électrisant. Le dernier crescendo est envoûtant et flamboyant.

Aussitôt la pièce finie, les spectateurs, venus en très grand nombre, se lèvent et saluent la prestation. Visiblement ravi par la performance de son Orchestre, Yannick Nézet-Séguin affiche un large sourire et lève les pouces de manière triomphale en direction des musiciens. Ce geste pourtant simple résume bien le personnage : applaudi sur les plus grandes scènes du monde, élu chef d’orchestre de l’année aux Echo Klassik Awards 2014, choisi parmi les 50 personnes les plus importantes au Canada par le magazine Maclean’s et nommé Compagnon de l’Ordre du Canada, il prend tout de même un plaisir contagieux à partager sa passion pour la musique devant quelques centaines de personnes à LaSalle. Voilà un bel exemple d’un individu qui demeure humble, modeste et authentique malgré le succès!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.